La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/07/2023 | FRANCE | N°21TL03504

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 18 juillet 2023, 21TL03504


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 21 décembre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Mende a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle, de condamner le centre hospitalier de Mende à lui verser la somme de 30 000 euros au titre des préjudices qu'elle estimait avoir subis et de mettre à la charge du centre hospitalier de Mende la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par

un jugement n°1900737 du 18 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 21 décembre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Mende a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle, de condamner le centre hospitalier de Mende à lui verser la somme de 30 000 euros au titre des préjudices qu'elle estimait avoir subis et de mettre à la charge du centre hospitalier de Mende la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1900737 du 18 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes ainsi que les conclusions présentées par le centre hospitalier de Mende au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 août 2021, sous le n°21MA03504 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL03504, et un mémoire, enregistré le 15 avril 2022, Mme B..., représentée par Me Vazeix, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 juin 2021 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de juger illégale la décision du 21 décembre 2018 portant licenciement pour insuffisance professionnelle ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Mende à lui verser la somme de 30 000 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Mende la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

- son recours est recevable ;

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure, dès lors que la commission consultative paritaire n'a pas été consultée ;

- les faits qui ont motivé son licenciement ne sont pas constitutifs d'insuffisance professionnelle et ne sont ni établis, ni prouvés ;

- le centre hospitalier de Mende a commis une erreur de fait et d'appréciation dans la caractérisation de son insuffisance professionnelle ;

- il a commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité en prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle ; son préjudice financier s'élève à 25 000 euros et son préjudice moral doit être évalué à 5 000 euros.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 1er mars et 11 mai 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le centre hospitalier de Mende, représenté par l'AARPI Trema Avocats agissant par Me Gély, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables à défaut de demande préalable ;

- les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 avril 2022, la clôture de l'instruction a été reportée au 12 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le décret n° 2015-1434 du 5 novembre 2015 ;

- l'arrêté du 4 juin 2018 fixant la date des prochaines élections professionnelles dans la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bernon, substituant Me Gély, représentant le centre hospitalier de Mende.

Considérant ce qui suit :

1. Recrutée par le centre hospitalier de Mende en qualité de " technicienne de laboratoire, cadre de santé " par un contrat de travail à durée indéterminée signé le 30 avril 2015 et ayant pris effet le 1er juin 2015, Mme B... a été affectée au service ... à compter du 16 mai 2018. Par une lettre du 5 novembre 2018, l'intéressée a été convoquée à un entretien préalable avant licenciement éventuel qui s'est déroulé le 23 novembre 2018. Par une décision du 21 décembre 2018, le directeur du centre hospitalier de Mende a prononcé le licenciement de Mme B... pour insuffisance professionnelle. Par un jugement n° 1900737 du 18 juin 2021, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 21 décembre 2018 et à la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de son licenciement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article 2-1 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction issue du décret du 5 novembre 2015 : " I.- Une commission consultative paritaire compétente à l'égard des agents contractuels mentionnés à l'article 1er est instituée, dans chaque département, par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé agissant au nom de l'Etat. Il en confie la gestion à l'un des établissements publics de santé dont le siège se trouve dans le département. (...) II.- Ces commissions sont obligatoirement consultées dans les cas prévus aux articles 17-1,17-2, 41-5 et 41-6 ainsi que sur les décisions individuelles relatives : 1° Aux licenciements intervenant postérieurement à la période d'essai ; (...). ". Aux termes du IV de l'article 58 du décret du 5 novembre 2015 : " Les procédures dans lesquelles est prévue la consultation de la commission consultative paritaire restent régies par les dispositions du décret du 6 février 1991 susvisé dans sa rédaction antérieure au présent décret, jusqu'à l'installation de celle-ci ". Aux termes du V de ce même article : " Les commissions consultatives paritaires sont mises en place au plus tard lors du prochain renouvellement général des commissions administratives paritaires locales et départementales de la fonction publique hospitalière. ".

3. L'obligation de consultation des commissions consultatives paritaires sur les décisions individuelles relatives aux licenciements intervenant postérieurement à la période d'essai des agents contractuels des établissements hospitaliers ne trouve à s'appliquer qu'à compter de la mise en place de ces commissions et, au plus tard, lors du prochain renouvellement général des commissions administratives paritaires locales et départementales de la fonction publique hospitalière, la date des élections pour ce renouvellement général étant fixée au 6 décembre 2018 par l'arrêté susvisé du 4 juin 2018. Il n'est pas contesté que la commission concernée n'avait pas encore été mise en place au centre hospitalier de Mende à la date de la décision en litige. Par conséquent, le moyen tiré du défaut de consultation de la commission consultative paritaire prévue à l'article 2-1 du décret du 6 février 1991 doit être écarté.

4. D'autre part, aux termes de l'article 41-2 du décret susvisé du 6 février 1991 : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle. (...) ". Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur l'appréciation portée par l'autorité administrative sur les faits qui sont de nature à justifier une mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent public. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées. Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.

5. En l'espèce, pour prendre la décision contestée, le directeur du centre hospitalier de Mende a considéré que Mme B... avait présenté, sur le poste qu'elle occupait depuis le mois de mai 2018 de cadre de santé au service ..., des insuffisances professionnelles s'agissant de la gestion et de l'animation des plannings des membres de son équipe, de la compréhension des consignes données relevant de sa compétence, ainsi que du respect des règles d'information, d'hygiène et de sécurité, de nature à affecter l'organisation du service, tant pour l'équipe de celui-ci que pour la prise en charge des patients. Il a, en particulier, relevé que l'intéressée n'a pas géré de façon appropriée les absences des membres de son équipe, a adopté un mode de communication inadapté à leur égard, a proposé des plannings non conformes à la réglementation, a transmis des informations erronées aux membres de la famille de patients, a demandé aux membres de son équipe de ne pas nettoyer une chambre avant de l'affecter à un autre patient et de ne pas indiquer qu'un patient est porteur d'une bactérie multi-résistante et a oublié des toxiques et stupéfiants sur un plan de travail de la salle de soins. Si Mme B... conteste l'ensemble des faits mentionnés dans la décision attaquée qu'elle regarde comme de faux reproches intentionnellement cumulés, arrangés ou inventés pour la mettre en difficulté ou encore comme des manœuvres de l'hôpital pour trouver artificiellement des manquements, l'appréciation portée par le directeur du centre hospitalier de Mende sur son aptitude professionnelle repose cependant sur des témoignages et des constatations précises et étayées des membres de l'équipe du service ..., et notamment des médecins du service, administrateur de garde, agent de service hospitalier, aides-soignants et infirmiers diplômés au sujet des défaillances professionnelles de l'agent. Ces éléments, qui ne traduisent aucune attitude malveillante à son égard, décrivent de manière circonstanciée et concordante les difficultés rencontrées par Mme B... sur la période de juin à octobre 2018. Ainsi, les insuffisances dont Mme B... a fait preuve sur la période considérée, qui concernent tant ses capacités managériales que sa compréhension des règles d'information, d'hygiène et de sécurité au sein du service, qui doivent être regardées comme établies, n'apparaissent pas constituer une simple carence ponctuelle mais révèlent l'inaptitude de l'intéressée à exercer les fonctions de cadre de santé qui lui ont été confiées. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation dans la caractérisation de son insuffisance professionnelle doivent être écartés.

6. En l'absence d'illégalité fautive entachant la décision du 21 décembre 2018, Mme B... n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du centre hospitalier de Mende.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge du centre hospitalier de Mende, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Mende et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera au centre hospitalier de Mende une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier de Mende.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21TL03504


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03504
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Insuffisance professionnelle.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : GELY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-18;21tl03504 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award