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27/06/2023 | FRANCE | N°21TL02350

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 27 juin 2023, 21TL02350


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Fédération des campings de Vaucluse a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2018 par lequel le préfet de Vaucluse a fixé les mesures de protection et de sauvegarde à mettre en œuvre afin d'améliorer la sécurité des occupants des terrains de camping et de caravanages, des aires naturelles, des parcs résidentiels de loisirs ou toutes exploitations destinées à accueillir des tentes, caravanes, camping-cars, résidence mobiles de loisirs et habitations

légères de loisirs.

Par un jugement n° 1901283 du 16 avril 2021, le tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Fédération des campings de Vaucluse a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2018 par lequel le préfet de Vaucluse a fixé les mesures de protection et de sauvegarde à mettre en œuvre afin d'améliorer la sécurité des occupants des terrains de camping et de caravanages, des aires naturelles, des parcs résidentiels de loisirs ou toutes exploitations destinées à accueillir des tentes, caravanes, camping-cars, résidence mobiles de loisirs et habitations légères de loisirs.

Par un jugement n° 1901283 du 16 avril 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juin 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire, enregistré le 8 avril 2022, la Fédération des campings de Vaucluse, représentée par Me Ladouce, demande :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 avril 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 24 octobre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'adoption de l'arrêté attaqué est irrégulière dès lors que les conditions posées par les dispositions de l'article L. 443-2 du code de l'urbanisme ont été méconnues ; dès lors que l'arrêté litigieux entre dans les pouvoirs de police spéciale du préfet en matière de sécurité des occupants des terrains de camping, ce dernier ne pouvait édicter un arrêté applicable à tous les propriétaires et exploitants de terrains de camping ; il aurait dû prendre des arrêtés individuels ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé en fait et en droit en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre l'administration et le public ;

- l'arrêté attaqué méconnaît le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; l'application de nouvelles mesures plus contraignantes pour des campings déjà existants constitue une violation de ce principe ;

- les prescriptions imposées par l'arrêté en litige, qui ajoutent au guide pratique édicté en 2011, sont injustifiées ; par comparaison avec d'autres arrêtés préfectoraux portant sur la sécurité des terrains de camping, les prescriptions de l'arrêté en litige sont particulièrement contraignantes et préjudiciables en ce qu'elles sont susceptibles d'entraîner des pertes financières ; en ce qui concerne la prescription imposant une installation des emplacements à dix mètres au minimum des cours d'eau afin de ne pas fragiliser les berges, elle est plus contraignante que le plan de prévention des risques de Rhône Avignon ;

- les mesures prescrites sont disproportionnées dès lors qu'elles s'appliquent à tous les campings sans dérogation possible ;

- l'arrêté en litige porte atteinte au principe d'égalité entre les exploitants de camping du département et entre ces exploitants et ceux situés dans des départements qui bénéficieront d'une réglementation moins contraignante.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2022, le préfet de Vaucluse conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable faute d'intérêt à agir de l'appelante ;

- l'autorité administrative compétente visée par l'article L. 443-2 du code de l'urbanisme est le maire de la commune et non le préfet ; le préfet ou son représentant préside la sous-commission du camping qui est chargée de donner un avis à l'autorité de police ;

- l'arrêté en litige, qui est de portée générale, n'a pas à être motivé contrairement à un acte individuel ;

- l'arrêté en litige ne méconnaît pas le principe de non rétroactivité des actes réglementaires dès lors qu'il n'impose pas aux gérants de campings la réalisation de prescriptions à une date antérieure à sa publication au recueil des actes administratifs ;

- le guide pratique de sécurité des terrains de camping n'a pas vocation à contenir l'ensemble des règles applicables aux campings ; de plus, les arrêtés préfectoraux produits par l'appelante montrent une relative homogénéité des prescriptions ; le plan de prévention des risques du Rhône Avignon, qui a été approuvé le 20 janvier 2000, ne vise pas de manière spécifique les constructions au bord du cours d'eau et en Vaucluse, les campings existants en bord de Rhône sont déjà situés à plus de dix mètres des berges ;

- l'arrêté ne présente pas un caractère disproportionné dès lors que son article 7 permet à la sous-commission de donner lieu à des prescriptions complémentaires en aggravation mais également en atténuation ;

- le principe d'égalité entre les exploitants de camping n'a pas été méconnu.

Par une ordonnance du 6 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 avril 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 24 octobre 2018, le préfet de Vaucluse a fixé les mesures de protection et de sauvegarde à mettre en œuvre pour améliorer la sécurité des occupants des terrains de camping et de caravanage et de toutes autres exploitations destinées à accueillir des tentes, caravanes, camping-cars, résidences mobiles et habitations légères de loisirs dans le département. L'association Fédération des campings du Vaucluse a présenté, le 21 décembre 2018, un recours gracieux, qui a été rejeté le 18 février 2019. Elle relève appel du jugement du 16 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions en annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 443-2 du code de l'urbanisme : " Dans les zones soumises à un risque naturel ou technologique prévisible définies par l'autorité administrative, la réalisation de travaux et la mise en place de dispositifs permettant d'assurer l'information, l'alerte et l'évacuation des occupants peuvent à tout moment être prescrites par l'autorité compétente pour délivrer le permis d'aménager les terrains de camping, après consultation du propriétaire et de l'exploitant et après avis de l'autorité administrative, afin de permettre d'assurer la sécurité des occupants de ces terrains. L'autorité compétente fixe le délai dans lequel ces prescriptions doivent être réalisées. / Ces prescriptions doivent être compatibles avec le plan de prévention des risques naturels prévisibles établi en application du chapitre II du titre VI du livre V du code de l'environnement ". Aux termes de l'article L. 422-1 de ce code : " L'autorité compétente pour délivrer le permis (..), d'aménager (...) est : a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. (...) ; b) Le préfet ou le maire au nom de l'État dans les autres communes. (...) ". Les dispositions de l'article L. 443-2 du code de l'urbanisme sont applicables aux décisions prises, dans l'exercice de leurs pouvoirs de police spéciale en matière de sécurité des occupants de terrains de camping, par le maire ou le préfet selon que l'une de ces autorités administratives est compétente pour délivrer le permis d'aménager.

3. Aux termes de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : (...) 3° Le représentant de l'État dans le département est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d'application excède le territoire d'une commune ; (...) ". Le 3° de cet article institue une compétence exclusive du préfet pour prendre les mesures de police générale dont le champ d'application excède le territoire d'une seule commune.

4. Les dispositions de l'article L. 443-2 du code de l'urbanisme n'excluent pas l'exercice des pouvoirs de police administrative générale que le préfet tire du 3° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales dès lors que par l'arrêté en litige, le préfet de Vaucluse a entendu prendre des prescriptions qui excèdent par leur portée le territoire d'une seule commune afin d'assurer une réponse harmonisée au problème de sécurité des terrains de camping et de stationnement des caravanes dont l'origine et les causes recouvrent l'ensemble du territoire départemental. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des conditions de procédure posées par l'article L. 443-2 du code de l'urbanisme, ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". L'obligation de motivation imposée par cet article, ne concerne que les actes qui présentent le caractère d'une décision administrative individuelle.

6. L'arrêté contesté qui a pour objet de fixer les mesures de protection et de sauvegarde à mettre en œuvre afin d'améliorer la sécurité des occupants de terrains de camping et de caravanage, des aires naturelles, des parcs résidentiels de loisirs ou toutes autres exploitations destinées à accueillir des tentes, caravanes, camping-cars, résidences mobiles de loisirs et habitations légères de loisirs, dresse les prescriptions applicables à l'ensemble des terrains de camping et autres exploitations visées par l'arrêté situés au sein du département de Vaucluse. Par sa portée générale et le caractère impératif des prescriptions qu'il comporte, cet acte présente un caractère réglementaire. Dès lors, l'arrêté en litige n'est pas au nombre des actes soumis à une obligation de motivation sur le fondement de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen doit être écarté.

7. En troisième lieu, l'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit, sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante. En principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs. Ce principe postule qu'un acte administratif ne peut légalement produire d'effet à une date antérieure à celle de son entrée en vigueur.

8. L'arrêté attaqué n'a pas pour effet de s'appliquer à une date antérieure à celle de son entrée en vigueur. La seule circonstance que les prescriptions qu'il comporte présentent un caractère plus contraignant et s'appliquent à des exploitations de terrains de camping existant ne confère pas à cet acte un caractère rétroactif. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes administratifs ne peut qu'être écarté.

9. En quatrième lieu, pour démontrer que les prescriptions imposées par les articles 8, 9 et 12 de l'arrêté sont arbitraires et injustifiées, l'association appelante ne saurait utilement invoquer le guide pratique de sécurité des terrains de camping rédigé en septembre 2011, qui, ayant pour objet de recenser la réglementation et les bonnes pratiques existantes en matière de sécurité dans les campings, est dépourvu de toute portée normative. Elle ne peut davantage se prévaloir des arrêtés des préfets d'autres départements dont les dispositions ne s'imposent pas au préfet de Vaucluse. Par ailleurs, le plan de prévention des risques naturels prévisibles pour les terrains exposés au risque d'inondation par le Rhône, approuvé le 20 janvier 2000, qui n'avait pas pour objet de fixer spécifiquement les mesures de sécurité applicables aux terrains de camping situés en Vaucluse mais de fixer les interdictions et les conditions spéciales d'autorisations de constructions pour la commune d'Avignon, n'empêchait pas le préfet d'édicter la prescription, prévue à l'article 9 de l'arrêté litigieux, imposant une installation des emplacements à dix mètres au minimum des cours d'eau afin de ne pas fragiliser les berges. Par suite, le moyen tiré du caractère injustifié des articles 8, 9 et 12 de l'arrêté en litige ne peut qu'être écarté.

10. En cinquième lieu, l'arrêté en litige, qui a pour objet de prémunir les occupants des terrains de campings et de caravanage à l'égard des risques naturels et technologiques prévisibles auxquels ils sont susceptibles d'être exposés au cours de leur séjour, présentait un caractère justifié au regard de l'impératif de sécurité publique que l'autorité préfectorale a en charge d'assurer. En outre, l'article 7 de l'arrêté contesté prévoit qu'en raison de leur conception ou disposition, certains établissements peuvent donner lieu à des prescriptions complémentaires soit en aggravation soit en atténuation. Ainsi, les mesures prescrites par cet arrêté, qui peuvent faire l'objet de dérogations afin de prendre en compte les situations particulières, demeurent dans les limites nécessaires pour atteindre l'objectif de sécurité poursuivi. En tout état de cause, la disproportion des mesures contestées ne peut résulter de la seule comparaison avec les arrêtés adoptés dans d'autres départements. Par suite, le moyen tiré du caractère disproportionné des mesures imposées, ne peut qu'être écarté.

11. En dernier lieu, l'arrêté contesté n'institue, par lui-même, aucune différence de traitement entre les exploitants de terrains de campings situés dans le département de Vaucluse. En tout état de cause, il ne saurait instituer une différence de traitement entre les exploitants de terrains de campings du département de Vaucluse et ceux situés dans d'autres départements dès lors que sa portée est limitée au seul département de Vaucluse. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, la Fédération des campings de Vaucluse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté préfectoral du 24 octobre 2018.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société appelante tendant à leur application, l'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de la Fédération des campings du Vaucluse est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Fédération des campings du Vaucluse et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la préfète de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL02350


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL02350
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-02-03 Police. - Autorités détentrices des pouvoirs de police générale. - Préfets.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : LADOUCE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-06-27;21tl02350 ?
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