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20/06/2023 | FRANCE | N°21TL00952

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 20 juin 2023, 21TL00952


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., le syndicat FO CD 34, le syndicat FSU CD 34, le syndicat SUD CD 34 et le syndicat CGT CD 34 ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 3 décembre 2018 par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a muté Mme B... dans l'intérêt du service à compter du 20 décembre 2018, d'enjoindre au département de l'Hérault de procéder à sa réintégration avec reconstitution de carrière et de mettre à la charge du département de l'Hérault une s

omme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., le syndicat FO CD 34, le syndicat FSU CD 34, le syndicat SUD CD 34 et le syndicat CGT CD 34 ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 3 décembre 2018 par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a muté Mme B... dans l'intérêt du service à compter du 20 décembre 2018, d'enjoindre au département de l'Hérault de procéder à sa réintégration avec reconstitution de carrière et de mettre à la charge du département de l'Hérault une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900665 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mars 2021 sous le n° 21MA00952, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL00952, et des mémoires enregistrés le 13 février 2023 et le 22 février 2023, Mme C... B..., le syndicat FO CD 34, le syndicat FSU CD 34, le syndicat SUD CD 34 et le syndicat CGT CD 34 représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900665 du 30 décembre 2020 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la décision du 3 décembre 2018 par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault l'a mutée dans l'intérêt du service à compter du 20 décembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au département de l'Hérault de procéder à sa réintégration avec reconstitution de carrière et de lui rembourser les frais de première instance mis à sa charge en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge du département de l'Hérault une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête d'appel est recevable, la notification du jugement du tribunal lui a été faite le 13 janvier 2021, date correspondant à celle de retrait du pli ;

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- les syndicats ont intérêt à agir et sont recevables dans leur action en première instance comme en appel, à titre subsidiaire ils sont recevables au soutien de la demande de Mme B... ;

- le jugement n'est pas motivé et est entaché d'une contrariété de motifs ;

- les moyens nouveaux de légalité externe étaient recevables, le moyen tiré de la violation de la procédure disciplinaire ayant été soulevé dès le mémoire introductif d'instance ;

- le jugement méconnaît le droit à l'action syndicale ;

En ce qui concerne le bien-fondé :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- les garanties procédurales de la procédure disciplinaires n'ont pas été respectées ;

- les garanties procédurales devant la commission administrative paritaire n'ont pas été respectées en raison de la méconnaissance de la règle de la parité et du principe d'impartialité ;

- les membres de la commission administrative paritaire se sont fondés sur le rapport d'analyse technique du 4 juillet 2018 qui ne figurait pas au dossier et qui a été recueilli en méconnaissance de l'obligation de loyauté dans l'administration de la preuve et en méconnaissance du droit au secret des correspondances tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- la transmission à son syndicat d'une information ayant circulé depuis un mois n'est pas fautive ;

- la qualification juridique des faits est erronée ;

- la décision est contraire aux dispositions des articles 6 et 8 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- elle constitue une sanction déguisée ;

- elle porte atteinte à son statut et a modifié ses conditions de travail ;

- elle a été décidée pour les mêmes motifs que ceux à l'origine de l'engagement de la procédure disciplinaire, de sorte que la volonté de la sanctionner est caractérisée ;

- la décision intervient à rebours des intérêts du service.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de Mme B....

Par des mémoires en défense enregistrés le 8 décembre 2022 et le 20 février 2023, le département de l'Hérault, représenté par la SCP CGCB et associés, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros chacun soit mise à la charge de Mme B..., du syndicat FO CD 34, du syndicat FSU CD 34, du syndicat SUD CD 34 et du syndicat CGT CD 34.

Il fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable pour tardiveté ;

- la requête d'appel, en tant qu'elle est présentée par les syndicats est irrecevable ;

- les moyens relatifs à la légalité externe de la décision contestée soulevés en appel sont irrecevables, faute d'avoir été présentés dans le délai de recours en première instance ;

- le jugement a répondu à tous les moyens soulevés et n'est pas entaché d'une contrariété de motifs ;

- la requête de première instance, en tant qu'elle est présentée par les syndicats, est irrecevable ;

- les requérants n'ont présenté que des moyens de légalité externe dans le délai de recours devant le tribunal administratif, et ceux-ci sont dès lors irrecevables ;

- la présence effective d'un nombre égal de représentants du personnel et de l'administration lors de la séance d'une commission administrative siégeant en formation disciplinaire n'entache pas d'irrégularité la consultation ;

- un nombre égal de représentants de l'administration et du personnel ayant voix délibérative a siégé lors de la commission administrative du 23 novembre 2018 chargée d'examiner la mutation ; à supposer que trois membres de la direction des ressources humaines étaient présents, ils n'ont pas pris part aux débats ;

- les membres de la commission administrative paritaire ont disposé des documents nécessaires pour se prononcer ;

- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision est inopérant, les mesures de mutation d'office prises dans l'intérêt du service ne sont pas soumises à une obligation de motivation ; la décision était en tout état de cause motivée ;

- la décision a été prise dans le respect du contradictoire et des droits de la défense ;

- le rapport d'analyse technique du 4 juillet 2018 n'a été recueilli ni en méconnaissance de l'obligation de loyauté dans l'administration de la preuve, ni en violation du droit au secret des correspondances, tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a fait l'objet d'un débat contradictoire ;

- la décision ne constitue pas une sanction disciplinaire déguisée, elle a été prise dans l'intérêt du service, n'a pas entraîné une dégradation de sa situation, la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention ne révèlent pas une volonté de sanctionner l'intéressée ;

- la décision n'est pas contraire aux intérêts du service ;

- elle n'est pas contraire aux dispositions des articles 6 et 8 de la loi du 13 juillet 1983.

Par une ordonnance du 14 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 89-229 du 17 avril 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- les observations de Mme A... représentant Mme B... et les autres requérants et celles de Me Becquevort substituant Me Rosier représentant le département de l'Hérault.

Une note en délibéré présentée pour Mme B..., le syndicat FO CD 34, le syndicat FSU CD 34, le syndicat SUD CD 34 et le syndicat CGT CD 34, a été enregistrée le 6 juin 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., directrice territoriale, occupait depuis 2008 le poste de cheffe du service orientation départementale de l'enfance en danger du département de l'Hérault, devenu service départemental des informations préoccupantes. Elle est par ailleurs secrétaire générale adjointe du syndicat force ouvrière du conseil départemental de l'Hérault (FO CD 34) et membre titulaire représentante du personnel au comité technique. Par décision du 3 décembre 2018 du président du conseil départemental de l'Hérault, Mme B... a été mutée dans l'intérêt du service à compter du 20 décembre 2018 sur un poste de contrôleur de gestion au sein de la mission contrôle évaluation. Elle a demandé au tribunal administratif de Montpellier, conjointement avec le syndicat FO CD 34, le syndicat FSU CD 34, le syndicat SUD CD 34 et le syndicat CGT CD 34, l'annulation de cette décision. Par jugement n° 1900665 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes. Mme B..., le syndicat FO CD 34, le syndicat FSU CD 34, le syndicat SUD CD 34 et le syndicat CGT CD 34 relèvent appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ". Selon l'article R. 751-3 du même code : " les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ".

3. Il ressort des accusés de réception produits au dossier, que le jugement attaqué du tribunal administratif de Montpellier du 30 décembre 2020 a été notifié à Mme B... par lettre du greffe de ce tribunal datée du 5 janvier 2021 et effectivement retirée au bureau de poste par l'intéressée le 13 janvier suivant. Il s'ensuit que, contrairement à ce que fait valoir le département de l'Hérault, la requête d'appel de Mme B..., enregistrée le 12 mars 2021, soit dans le délai de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, n'est pas tardive. Dès lors, cette fin de non-recevoir ne peut qu'être écartée.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel en tant qu'elle émane des syndicats FO CD 34, FSU CD 34, SUD CD 34 et CGT CD 34 :

4. Si les syndicats FO CD 34, FSU CD 34, SUD CD 34 et CGT CD 34 sont recevables à intervenir, le cas échéant, à l'appui d'une demande d'annulation d'une décision portant mutation d'office présentée devant le juge administratif par le fonctionnaire intéressé, ils n'ont pas qualité pour en solliciter eux-mêmes l'annulation, alors même que Mme B... serait élue secrétaire générale adjointe du syndicat Force ouvrière du conseil départemental de l'Hérault depuis le mois d'avril 2018 et qu'une perte de confiance ait été invoquée pour justifier la décision contestée.

5. Les syndicats appelants, qui n'ont pas présenté de mémoire en intervention, ne peuvent désormais soutenir qu'à titre subsidiaire, leur demande est recevable comme venant au soutien de celle de Mme B....

6. Il résulte de ce qui précède que le département de l'Hérault est fondé à faire valoir que la demande présentée devant la cour administrative d'appel, en tant qu'elle émane des syndicats, n'est pas recevable.

Sur la recevabilité de la requête devant le tribunal administratif en tant qu'elle émane des syndicats FO CD 34, FSU CD 34, SUD CD 34 et CGT CD 34 :

7. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 4 et 5, le moyen tiré de la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier en tant qu'elle émanait des syndicats FO CD 34, FSU CD 34, SUD CD 34 et CGT CD 34 doit être écarté.

Sur la régularité du jugement :

8. Mme B... soutient que le point 7 du jugement serait entaché d'une contradiction de motifs en estimant d'une part, qu'elle n'est pas fondée à soutenir que cette mutation aurait pour objet ou pour effet de l'empêcher d'exercer des fonctions syndicales et d'autre part, que cette décision a été prise au vu de la perte de confiance de sa hiérarchie en raison de ses multiples interventions en qualité de représentante syndicale de nature à la placer en conflit d'intérêt. Toutefois ce moyen, qui a trait au bien-fondé de la décision juridictionnelle, est sans incidence sur sa régularité.

9. Pour soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé, Mme B... se borne à invoquer la contrariété de motifs visée au point précédent, laquelle relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

10. Le fait, pour le juge de première instance, d'écarter à tort un moyen comme irrecevable ne constitue pas une irrégularité de nature à entraîner l'annulation du jugement par le juge d'appel saisi d'un moyen en ce sens. Par suite, et en tout état de cause, la circonstance que le tribunal administratif de Montpellier aurait estimé à tort, au regard des termes de la demande de Mme B..., qu'elle n'avait pas invoqué de moyens de légalité externe avant l'expiration du délai de recours contentieux de sorte que les moyens tirés de la méconnaissance des garanties procédurales liées à la commission administrative paritaire et de l'insuffisance de motivation, soulevés dans un mémoire complémentaire enregistré le 27 juillet 2020, constitueraient une demande nouvelle irrecevable, n'est pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité.

11. Par ailleurs, les éventuelles erreurs de droit ou de fait qu'aurait commises le tribunal quant au droit applicable à l'action syndicale, si elles sont susceptibles de remettre en cause le bien-fondé de sa décision, sont en revanche sans incidence sur la régularité de celle-ci.

Sur le bien-fondé du jugement :

12. Une mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier.

13. Il ressort des pièces du dossier qu'alors qu'elle remplaçait un autre chef de service en charge de la mise en œuvre de la protection des mineurs non accompagnés, Mme B... a repris intégralement, dans un projet de lettre ouverte qu'elle a rédigé et transmis à trois collègues et au syndicat auquel elle appartient, une consigne interne, délivrée par courriel du 25 mai 2018 du cabinet du président du conseil départemental, relative à la gestion des mineurs non accompagnés poursuivis par le procureur de la République. Mme B..., qui avait été avisée oralement de cette consigne par sa directrice, avait en effet demandé à en avoir la confirmation écrite. Cette demande de confirmation écrite, puis la diffusion de cette consigne à l'ensemble des agents du département dans une lettre ouverte adressée au président du conseil départemental par le syndicat auquel appartient Mme B..., succède de quelques jours à la parution dans la presse nationale d'un article mettant en cause explicitement la politique institutionnelle du département de l'Hérault dans la gestion des mineurs non accompagnés, ce que ne pouvait ignorer l'intéressée. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de Mme B... et la diffusion de cette consigne remettant expressément en cause la politique institutionnelle du département aient eu un caractère professionnel ayant pour objet de remédier à des atteintes aux conditions de travail des agents du département ou à des difficultés professionnelles, notamment pour faire préciser les délégations de signature nécessaires à l'exercice de leur fonction, comme le soutient l'intéressée. Au regard des conditions dans lesquels ce document a été transmis, du contexte sensible et de ses destinataires, le contenu d'un tel document n'avait pas vocation à être diffusé, quand bien même il était dépourvu de mention relative à des restrictions de diffusion, et ne pouvait être regardé comme constituant par lui-même une instruction impérative à caractère public communicable. Contrairement à ce qu'indique l'intéressée, la décision n'a pas été prise en raison de son refus d'obéir à une consigne orale. La réalité de la transmission de la consigne n'étant, par ailleurs, pas sérieusement contestée, la matérialité des faits reprochés doit être regardée comme établie. Compte tenu de ses responsabilités de cadre et eu égard au contexte dans lequel Mme B... a récupéré puis divulgué cette consigne, ce comportement a été de nature à altérer la confiance de sa hiérarchie et à porter atteinte au bon fonctionnement du service.

14. En revanche, il ne ressort pas des pièces des pièces du dossier que la présence de Mme B... en sa qualité de représentante syndicale, le 16 mai 2018, à une réunion portant sur la réorganisation de la direction générale adjointe des solidarités, alors que l'intéressée était couverte par le dépôt d'un préavis de grève pour l'ensemble des secteurs de la direction générale adjointe des solidarités pour la période du 3 mai 2018 au 18 mai 2018 et qu'elle n'était pas accompagnée d'agents de son service, ait dépassé l'exercice de ses activités syndicales normales. Elle ne caractérise pas un conflit d'intérêt entre les actions syndicales et la qualité de cadre de Mme B.... Toutefois, les faits mentionnés au point 13 et la perte de confiance qu'ils ont entraînée étaient suffisants pour justifier la mutation dans l'intérêt du service.

15. La décision contestée, qui procède à la mutation interne de Mme B... du poste de cheffe du service orientation départementale de l'enfance en danger du département à celui de contrôleur de gestion au sein de la mission " contrôle évaluation ", a eu pour effet de lui faire perdre les fonctions d'encadrement qu'elle exerçait et a entraîné une baisse de 9% de sa rémunération. La circonstance que cette décision soit intervenue alors qu'une procédure disciplinaire était initiée depuis plusieurs semaines, que le conseil de discipline ne s'était pas encore réuni, et celle supplémentaire que le département ait produit, dans le cadre d'un référé suspension dirigé contre la décision du 3 décembre 2018, un rapport d'analyse technique établi le 4 juillet 2018 par la direction des systèmes d'information qui ne figurait pas dans le dossier transmis aux membres de la commission administrative paritaire chargée d'examiner la décision de mutation dans l'intérêt du service, alors que ce rapport figurait dans le dossier disciplinaire, n'est pas en soi de nature à établir que cette décision ait été motivée par la volonté de sanctionner l'intéressée en contournant la procédure disciplinaire et non, comme c'est le cas en l'espèce, par celle de préserver l'intérêt du service. Le moyen tiré de ce que la décision constituerait une sanction déguisée doit par suite être écarté.

16. Si Mme B... soutient par ailleurs avoir mis en place le service départemental de l'information préoccupante, avoir donné pleinement satisfaction durant de nombreuses années et à supposer qu'il soit établi que cette mutation ait eu pour effet le départ du service de plusieurs de ses subordonnés alors que celui-ci était en sous-effectif, il résulte de ce qui a été dit au point 13 que l'intérêt du service est établi.

17. Il ne ressort pas par ailleurs des pièces du dossier que cette mutation aurait pour objet ou pour effet d'empêcher l'exercice par Mme B... de ses fonctions syndicales et méconnaîtrait ainsi les dispositions des articles 6 et 8 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

18. Mme B..., qui avait soutenu, dans son mémoire introductif d'instance du 7 février 2019 que la décision contestée était entachée d'un détournement de procédure et constituait une sanction disciplinaire déguisée, avait également indiqué que cette décision avait été prise en méconnaissance de la procédure disciplinaire. Dans ces conditions, les moyens de légalité externe tirés de la méconnaissance des garanties procédurales liées à la commission administrative paritaire et de l'insuffisance de motivation, soulevés dans un mémoire complémentaire enregistré le 27 juillet 2020, ne constituaient pas une demande nouvelle irrecevable. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le département de l'Hérault doit être écartée.

19. Mme B... soutient que la décision du 3 décembre 2018 prononçant sa mutation dans l'intérêt du service n'est pas motivée. Toutefois, les mutations d'office des fonctionnaires, même prises en considération de leur personne, ne sont pas au nombre des décisions administratives individuelles défavorables dont les dispositions de l'article L.211-2 du code des relations du public avec l'administration imposent la motivation. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, qui est inopérant, ne peut ainsi qu'être écarté.

20. En vertu de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984, les commissions administratives paritaires connaissent des mutations comportant un changement de résidence ou une modification de la situation des intéressés. L'article 1er du décret du 17 avril 1989 relatif aux commissions administratives paritaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics dispose que : " Les commissions administratives paritaires comprennent en nombre égal des représentants des collectivités territoriales ou établissements publics et des représentants du personnel. Elles ont des membres titulaires et un nombre égal de membres suppléants ". Hormis dans les cas où la commission siège en conseil de discipline, aucune disposition ne subordonne la validité des délibérations de cet organe à la présence effective d'un nombre égal de représentants des deux catégories de représentants. Il suffit, en application de l'article 36 de ce même décret, que la moitié au moins des membres de la commission soient présents ou représentés lors de l'ouverture de la séance.

21. La commission administrative paritaire qui s'est réunie le 23 novembre 2018 était composée de deux représentants de l'administration et de deux représentants du personnel titulaire. Il ne ressort pas du procès-verbal de la séance du 23 novembre 2018 que les trois assistants administratifs, dont la présence est prévue par l'article 7 du règlement intérieur de la commission administrative paritaire des agents de catégorie A, et dont la vocation est d'assurer le bon déroulement de la séance, aient pris part au débat devant la commission. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de la règle de la parité doit être écarté.

22. Il ne ressort pas non plus de ce procès-verbal que la directrice générale adjointe en charge des ressources humaines qui représentait par délégation le directeur général des services pour assister aux séances ait fait preuve de partialité de nature à vicier la procédure.

23. Aux termes de l'article 35 du décret du 17 avril 1989 susvisé : " Toutes facilités doivent être données aux commissions administratives paritaires par les collectivités et établissements pour leur permettre de remplir leurs attributions. En outre, communication doit leur être donnée de toutes pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission huit jours au moins avant la date de la séance. ".

24. Si le rapport technique du 4 juillet 2018 réalisé par la direction des systèmes d'information du département de l'Hérault n'était pas joint au dossier remis aux membres de la commission administrative paritaire, il ne ressort pas du procès-verbal de la commission du 23 novembre 2018 que ces derniers se soient déterminés au vu de cette pièce pour se prononcer sur la mutation d'office dont ils étaient saisis. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier remis aux membres de la commission administrative paritaire et celui tiré de ce que ce le rapport technique aurait été obtenu au terme d'un procédé déloyal doivent être écartés.

25. La décision attaquée ne constituant pas une sanction disciplinaire ainsi qu'il a été dit au point 15, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure disciplinaire ne peut qu'être écarté.

26. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et mis à sa charge les frais de première instance en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Hérault la somme demandée par Mme B... et les autres requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des requérants, la somme demandée par le département de l'Hérault sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de l'Hérault tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au syndicat FO CD 34, au syndicat FSU CD 34, au syndicat SUD CD 34, au syndicat CGT CD 34 et au département de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

La rapporteure,

C. Arquié

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21TL00952


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00952
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-01-02 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Affectation et mutation. - Mutation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Céline ARQUIÉ
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-06-20;21tl00952 ?
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