Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le titre de perception n° 031000 006 053 031 485571 2018 0037579 émis le 18 septembre 2018 par la direction régionale des finances publiques Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées pour le recouvrement de la somme de 34 590,34 euros correspondant à la première fraction de l'indemnité de départ volontaire qui lui a été versée en novembre 2014, ensemble la décision implicite de rejet de sa réclamation en date du 23 octobre 2018, et de le décharger de l'obligation de payer la somme de 34 590,34 euros mise à sa charge par le titre de perception litigieux.
Par une ordonnance n° 1902825 du 7 janvier 2021, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 avril 2021 sous le n° 21BX01565 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL21565, et un mémoire complémentaire enregistré le 4 mai 2022, M. B... A..., représenté par Me Lapuelle, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 7 janvier 2021 ;
2°) d'annuler le titre de perception émis le 18 septembre 2018 par la direction régionale des finances publiques Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées pour le recouvrement de la somme de 34 590,34 euros correspondant à la première fraction de l'indemnité de départ volontaire qui lui a été versée en novembre 2014, ensemble la décision implicite de rejet de sa réclamation en date du 23 octobre 2018 ;
3°) de le décharger du paiement de la somme de 34 590,34 euros, ou subsidiairement de le décharger des majorations mises à sa charge par la mise en demeure de payer du 28 février 2022 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance est entachée d'irrégularité en ce que le premier juge a estimé que sa demande était irrecevable : il a expressément déclaré contester la décision qui fonde le titre de perception et a joint à sa réclamation la requête en annulation de la décision du 10 juillet 2018 ;
- le titre de perception est entaché d'un vice de forme dès lors qu'il appartient au rectorat de l'académie de Toulouse de justifier de la compétence de son ordonnateur ;
- le rectorat ne pouvait ordonner le recouvrement de la première fraction de l'indemnité de départ volontaire litigieuse par sa décision du 10 juillet 2018 sans méconnaître, plus de quatre mois après son édiction, la décision créatrice de droits du 1er juillet 2014 portant attribution de cette indemnité ;
- la créance du rectorat, à supposer qu'elle soit fondée, est prescrite en application de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 ;
- les décisions attaquées sont entachées d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 3 du décret n° 2008-368 du 17 avril 2008 et des différentes circulaires ministérielles qui sont venues encadrer les conditions de mise en œuvre de ce dispositif et en fixer les lignes directrices ; il est en outre fondé à se prévaloir du droit à l'erreur prévu par l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2021, le recteur de l'académie de Toulouse conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable en ce qu'elle méconnaît l'exigence d'un recours administratif préalable obligatoire auprès du comptable chargé du recouvrement, telle que prévue par les dispositions de l'article 118 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; elle est également irrecevable en ce qu'elle est dirigée contre une décision implicite de rejet inexistante ;
- en tout état de cause, la requête introduite le 9 avril 2021 est entachée de forclusion en ce que le titre de perception est définitif ;
- à titre subsidiaire, aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse la requête de M. A....
Par ordonnance du 2 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2008-368 du 17 avril 2008 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Foucard, représentant M. A..., et de Mme C..., représentant le recteur de l'académie de Toulouse.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui exerçait en qualité de professeur de lycée professionnel dans la discipline " construction et réparation de carrosserie ", a sollicité sa radiation de la fonction publique et l'octroi d'une indemnité de départ volontaire pour créer une entreprise de réparation, achat et vente de véhicules et pièces automobiles. Par un arrêté en date du 1er juillet 2014, la rectrice de l'académie de Toulouse l'a radié des cadres à compter du 31 août 2014 et lui a accordé une indemnité de départ volontaire d'un montant de 75 575,66 euros bruts dont le versement en deux fractions était conditionné à la production de pièces justificatives attestant de l'existence juridique de l'entreprise et permettant de vérifier la réalité de l'activité de l'entreprise. La première tranche de cette indemnité de départ volontaire lui a été versée le 20 novembre 2014, après production de l'extrait K-bis attestant de l'existence juridique de la société " Atelier du transporter " créée par son épouse et immatriculée au registre des sociétés et du commerce le 31 mars 2014. Par un courrier du 10 juillet 2018, la rectrice de l'académie de Toulouse l'a informé de ce qu'un titre de perception d'un montant de 34 590,34 euros allait être émis à son encontre, en remboursement de la fraction de l'indemnité de départ volontaire perçue en novembre 2014. M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le titre de perception émis le 18 septembre 2018 concernant le remboursement de la première fraction de l'indemnité de départ volontaire, ainsi que la décision implicite de rejet de sa réclamation en date du 23 octobre 2018, et de le décharger de l'obligation de payer la somme de 34 590,34 euros mise à sa charge. Par ordonnance du 7 janvier 2021, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. M. A... relève appel de cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance contestée :
2. Aux termes de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable : " En cas de contestation d'un titre de perception, avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser cette contestation, appuyée de toutes pièces ou justifications utiles, au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. / Le droit de contestation d'un titre de perception se prescrit dans les deux mois suivant la notification du titre ou, à défaut, du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause. / Le comptable compétent accuse réception de la contestation en précisant sa date de réception ainsi que les délais et voies de recours. Il la transmet à l'ordonnateur à l'origine du titre qui dispose d'un délai pour statuer de six mois à compter de la date de réception de la contestation par le comptable. A défaut d'une décision notifiée dans ce délai, la contestation est considérée comme rejetée. / La décision rendue par l'administration en application de l'alinéa précédent peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de cette décision ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent. ".
3. Pour rejeter la demande présentée par M. A... comme irrecevable, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur l'absence de moyen de droit à l'encontre du bien-fondé du titre de perception contesté dans sa demande du 23 octobre 2018, laquelle ne peut en conséquence être regardée comme une réclamation préalable au sens des dispositions de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 10 juillet 2018, la rectrice de l'académie de Toulouse a informé M. A... de ce qu'un titre de perception d'un montant de 34 590,34 euros allait être émis à son encontre, en remboursement de la fraction de l'indemnité de départ volontaire perçue en novembre 2014. L'intéressé a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler ce courrier du 10 juillet 2018 par une requête enregistrée sous le n° 1804118, laquelle a été rejetée par ordonnance du 12 novembre 2020 au motif que ledit courrier constituait une mesure préparatoire du titre de perception. A la suite de la réception du titre émis le 18 septembre 2018 par la direction régionale des finances publiques Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, M. A... a formé une réclamation auprès de ce service le 23 octobre 2018, en sollicitant la suspension de l'exécution du titre de perception dans l'attente du jugement de la requête n° 1804118. Alors même que l'objet de la demande présentée par le conseil de M. A... portait sur la suspension des poursuites entreprises à l'encontre de ce dernier, la copie de la requête enregistrée devant le tribunal administratif de Toulouse, qui contestait tant la forme que le bien-fondé de la créance en litige, était cependant jointe au courrier. Il s'ensuit que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme irrecevable la demande de M. A....
4. Si le recteur fait valoir que le titre de perception émis le 18 septembre 2018, qui comportait la mention des voies et délais de recours, est devenu définitif en l'absence de réclamation préalable présentée par M. A..., il ressort toutefois des pièces du dossier que le courrier du 23 octobre 2018 doit être regardé comme une réclamation préalable, ainsi qu'il vient d'être exposé. Il y a dès lors lieu d'écarter par voie de conséquence la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de la requête.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur la recevabilité de la demande de première instance dirigée contre la décision implicite de rejet de la réclamation préalable :
6. Le recteur fait valoir qu'aucune décision implicite de rejet n'a pu naître à la suite du courrier du 23 octobre 2018, en l'absence de réclamation préalable répondant aux conditions fixées par l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable. Il résulte toutefois de ce qui a été exposé au point 3 que la fin de non-recevoir ainsi opposée tant à la demande de première instance qu'à la requête d'appel par le recteur doit être écartée.
7. De même, et alors que l'administration n'a pas accusé réception de la réclamation préalable qui lui avait été adressée, il y a lieu d'écarter la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande enregistrée le 23 mai 2019 sous le n° 1902825 au greffe du tribunal administratif de Toulouse.
Sur les conclusions à fin d'annulation et de décharge de l'obligation de payer la somme de 34 590,34 euros :
8. Aux termes de l'article 1er du décret du 17 avril 2008 instituant une indemnité de départ volontaire, dans sa version applicable au litige : " Une indemnité de départ volontaire peut être attribuée aux fonctionnaires qui quittent définitivement la fonction publique de l'État à la suite d'une démission régulièrement acceptée en application du 2° de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " (...) l'indemnité de départ volontaire peut être attribuée aux agents mentionnés à l'article 1er qui quittent définitivement la fonction publique de l'État pour créer ou reprendre une entreprise au sens de l'article L. 351-24 du code du travail. (...) / L'agent dispose d'un délai de six mois pour communiquer aux services de l'État le K bis attestant de l'existence juridique de l'entreprise qu'il crée ou reprend. Il devra transmettre, à l'issue du premier exercice, les pièces justificatives permettant de vérifier la réalité de l'activité de l'entreprise. / L'indemnité de départ volontaire est versée, pour la moitié de son montant, lors de la communication du K bis précité, et, pour l'autre moitié, après la vérification de la réalité de l'activité de l'entreprise mentionnée à l'alinéa précédent. ".
9. Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire, alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage.
10. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 10 juillet 2014 pris à la demande de M. A..., la rectrice de l'académie de Toulouse l'a radié des cadres à compter du 31 août 2014 et lui a accordé une indemnité de départ volontaire d'un montant de 75 575,66 euros bruts. En application des dispositions alors en vigueur prévues à l'article 3 du décret du 17 avril 2008 instituant une indemnité de départ volontaire, le versement en deux fractions de cette indemnité était conditionné à la production de pièces justificatives attestant de l'existence juridique de l'entreprise et permettant de vérifier la réalité de l'activité de l'entreprise. A la suite de la communication de l'extrait K bis attestant de l'existence juridique de la société " Atelier du transporter ", le versement de la première fraction de l'indemnité d'un montant de 37 787,83 euros bruts est intervenu le 20 novembre 2014. Le versement de la seconde fraction n'a en revanche pas été effectué, par suite du refus du comptable assignataire au motif que M. A... ne détenait pas de capital social sur la société créée par son épouse le 19 mars 2014, ayant seulement la qualité de co-gérant de ladite société au 31 décembre 2014. Par un courrier du 2 août 2016, le directeur régional des finances publiques a informé le conseil de l'intéressé du maintien du refus de procéder au versement de la seconde fraction de l'indemnité, ainsi que de la nécessité de procéder au remboursement de la somme indûment perçue au titre de la première fraction. Toutefois, en informant M. A... par lettre du 10 juillet 2018 de ce qu'une demande de remboursement de la fraction de l'indemnité qu'il a perçue en novembre 2014 allait faire l'objet de l'émission d'un titre de perception, laquelle lettre fonde le titre de perception émis le 18 septembre 2018, le recteur doit être regardé comme ayant nécessairement procédé au retrait de l'article 2 de l'arrêté du 10 juillet 2014. Or, ainsi qu'il a été énoncé au point 9, le recteur ne pouvait retirer cette décision accordant à M. A... un avantage financier que dans le délai de quatre mois suivant cette édiction. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité dont est entaché le titre de perception contesté en raison du retrait illégal d'une décision créatrice de droit doit être accueilli.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la demande et de la requête d'appel, que M. A... est fondé à demander l'annulation du titre de perception émis le 18 septembre 2018, ensemble le rejet de sa réclamation préalable, et la décharge de l'obligation de payer la somme de 34 590,34 euros réclamée en remboursement de la fraction de l'indemnité de départ volontaire perçue en novembre 2014.
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 1902825 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse du 7 janvier 2021 est annulée.
Article 2 : Le titre de perception d'un montant de 34 590,34 euros émis le 18 septembre 2018 à l'encontre de M. A... et la décision implicite de rejet de sa réclamation préalable sont annulés.
Article 3 : M. A... est déchargé de l'obligation de payer la somme de 34 590,34 euros mise à sa charge par le titre de perception mentionné à l'article précédent.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à la direction régionale des finances publiques d'Occitanie.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2023.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°21TL21565 2