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20/04/2023 | FRANCE | N°21TL00337

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 20 avril 2023, 21TL00337


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Mireille et Jean Reynaud a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2018 par lequel le maire de Courthézon a accordé un permis de construire à M. et Mme A... pour réalisation d'une maison individuelle garage et " pool house ", sur une parcelle cadastrée ..., située ... chemin de la Barrade.

Par un jugement n°1801656 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Proc

dure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 janvier 2021 et des mémoires enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Mireille et Jean Reynaud a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2018 par lequel le maire de Courthézon a accordé un permis de construire à M. et Mme A... pour réalisation d'une maison individuelle garage et " pool house ", sur une parcelle cadastrée ..., située ... chemin de la Barrade.

Par un jugement n°1801656 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 janvier 2021 et des mémoires enregistrés le 25 mars 2021, le 4 mai 2021, le 12 et 13 août 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°21MA00337, puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, sous le n°21TL00337, l'EARL Mireille et Jean Reynaud, représentée par Me Desilets demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Courthézon du 8 janvier 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Courthézon une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel est recevable au regard du respect des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté est entaché d'irrégularité au regard des dispositions de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme en l'absence de consultation de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme en raison de l'inconstructibilité du terrain d'assiette du projet en litige ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 158 du règlement sanitaire départemental de Vaucluse ;

- la résiliation du bail sur des parcelles agricoles portant une atteinte à l'économie générale de l'exploitation est illégale au regard de l'article L. 411-32 du code rural ;

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- il y a lieu de considérer que l'ensemble des considérants du jugement sont critiqués.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 février 2021, le 23 avril 2021 et le 9 septembre 2022, M. C... A... et Mme B... A..., représentés par la SELARL Cabinet Debaurain et Associés, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'appelante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- l'appelante ne justifie pas de la notification régulière de la requête d'appel au titre de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- l'entreprise requérante a perdu sa qualité lui donnant intérêt pour agir, au vu des énonciations de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 28 juin 2022 ;

- les moyens de la requête ne sont pas opérants et fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 juin 2021 et le 15 septembre 2022, la commune de Courthézon représentée par Me Berger, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'appelante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'EARL Mireille et Jean Reynaud, en sa qualité d'occupante irrégulière des parcelles louées par l'effet de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 28 juin 2022, a perdu la qualité qui lui donnait intérêt à agir contre le permis de construire en litige et ne justifie plus une occupation régulière au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- les moyens invoqués par l'appelante ne sont pas fondés.

La clôture d'instruction a été fixée au 24 octobre 2022 par une ordonnance du 13 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 8 janvier 2018, le maire de Courthézon a accordé un permis de construire à M. et Mme A... pour la réalisation d'une maison individuelle avec garage et " pool house " sur une parcelle cadastrée section ..., située ... chemin de la Barrade. L'EARL Mireille et Jean Reynaud relève appel du jugement n°1801656 du 24 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. ". Aux termes de l'article L.111-4 du même code : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : / 1°) L'adaptation, le changement de destination, la réfection, l'extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d'habitation à l'intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole , dans le respect des traditions architecturales locales ; / 2° les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole (...) ".

3. Ces dispositions interdisent en principe, en l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions implantées " en dehors des parties urbanisées de la commune ", c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il en résulte qu'en dehors du cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie urbanisée de la commune. Pour apprécier si un projet a pour effet d'étendre une partie urbanisée de la commune, il est notamment tenu compte de la géographie des lieux, de la desserte par des voies d'accès, de la proximité avec les constructions existantes situées dans les parties urbanisées de la commune, du nombre et de la densité des constructions projetées, du sens du développement de l'urbanisation, ainsi que de l'existence de coupures d'urbanisation, qu'elles soient naturelles ou artificielles.

4. La commune de Courthézon n'étant pas dotée d'un document d'urbanisme à la date de la décision en litige, le règlement national d'urbanisme est applicable sur le territoire communal, et notamment la règle de la constructibilité limitée aux espaces urbanisés prévue par l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme.

5. Au soutien du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, la société requérante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément nouveau par rapport à l'argumentation soulevée en première instance. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal au point 5 du jugement attaqué.

6. Dès lors que le projet se situe dans une partie urbanisée de la commune, le moyen de la partie appelante tiré de ce que le projet aurait dû être soumis pour avis à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers en application de l'article L. 111-5 est sans incidence sur la légalité de la décision en litige et doit être rejeté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes (...) ". L'article L. 421-6 du code de l'urbanisme dispose que : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. (...) ".

8. Il résulte de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime que les règles de distance imposées, par rapport notamment aux habitations existantes, à l'implantation d'un bâtiment agricole en vertu, en particulier, de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement sont également applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance du permis de construire une habitation située à proximité d'un tel bâtiment agricole. Il appartient ainsi à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire un bâtiment à usage d'habitation de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu'en soit la nature. Les dispositions des règlements sanitaires départementaux ne peuvent être utilement invoquées au soutien de la contestation de la légalité d'un permis de construire que lorsqu'elles concernent l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l'aménagement de leurs abords au sens des dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme.

9. D'une part, la condition de distance mentionnée à l'article L.111-3 précité, qui ne fixe lui-même aucune mesure, ne s'applique que lorsque des dispositions législatives ou réglementaires spécifiques l'imposent. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet en litige se situe en face d'une cave coopérative exploitée par la société coopérative agricole Le Cellier des Princes, par autorisation du préfet de Vaucluse délivrée le 6 février 2002 au titre du régime des installations classées pour la protection de l'environnement. Dans ces conditions, la partie appelante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 158 du règlement sanitaire départemental, qui s'insère dans le Titre VIII intitulé " prescriptions applicables aux activités d'élevage et autres activités agricoles ", et concerne " les installations non soumises au régime des installations classées qui relèvent de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, codifiée dans le code de l'environnement ". Par suite, le moyen tiré de ce que le permis de construire en litige serait entaché d'illégalité au regard de l'article 158 du règlement sanitaire départemental de Vaucluse ne peut qu'être écarté.

10. En troisième lieu, l'EARL Mireille et Jean Reynaud ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 411-32 du code rural qui, déterminant les conditions dans lesquelles le propriétaire peut modifier un bail agricole en vue de donner une autre utilisation à un terrain, sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué.

11. En quatrième lieu, la seule invocation de la proximité des installations de la cave du Cellier des Princes comme source de danger et de nuisances pour la construction à usage d'habitation autorisée par le permis en litige ne saurait à elle seule, en dehors de toute argumentation précise et étayée, caractériser un risque pour la sécurité ou la salubrité publique. Par suite, le moyen allégué de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

12. En dernier lieu, l'appelante, en se bornant à énoncer qu'elle reprend " l'ensemble des autres critiques des considérants " du jugement attaqué, sans fournir les précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé, ne met pas à même la cour de se prononcer sur la pertinence des moyens de première instance écartés par les premiers juges.

13. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par les intimés, que l'EARL Mireille et Jean Reynaud n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté attaqué.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Courthézon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme à verser à l'appelante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EARL Mireille et Jean Reynaud respectivement une somme de 1 000 euros à verser à M. et Mme A... et une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Courthézon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'EARL Mireille et Jean Reynaud est rejetée.

Article 2 : L'EARL Mireille et Jean Reynaud versera une somme de 1 000 euros à M. et Mme A... et une somme de 1 000 euros à la commune de Courthézon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise agricole à responsabilité limitée Mireille et Jean Reynaud, à la commune de Courthézon et à M. et Mme C... et B... A....

Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2023.

Le président-assesseur,

X. Haïli

Le président,

D. Chabert La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21TL00337 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00337
Date de la décision : 20/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Xavier HAÏLI
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SCP AXIOJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-04-20;21tl00337 ?
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