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06/04/2023 | FRANCE | N°21TL00540

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 06 avril 2023, 21TL00540


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... D... et douze autres requérants ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision tacite née le 11 avril 2019 ainsi que l'arrêté du 17 avril 2019 par lesquels le maire de Grabels ne s'est pas opposé à la déclaration préalable présentée par la société Cellnex pour l'installation d'une antenne relais de radiotéléphonie mobile.

Par un jugement n° 1903034 rendu le 24 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 11 avril 2019

et l'arrêté du 17 avril 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... D... et douze autres requérants ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision tacite née le 11 avril 2019 ainsi que l'arrêté du 17 avril 2019 par lesquels le maire de Grabels ne s'est pas opposé à la déclaration préalable présentée par la société Cellnex pour l'installation d'une antenne relais de radiotéléphonie mobile.

Par un jugement n° 1903034 rendu le 24 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 11 avril 2019 et l'arrêté du 17 avril 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2021 sous le n° 21MA00540 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL00540 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis des mémoires enregistrés le 27 avril 2021 et le 15 janvier 2022, la société anonyme Bouygues Telecom et la société par actions simplifiée Cellnex, représentées par Me Hamri, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 décembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... et les autres requérants devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de M. D... et autres une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- à titre principal, c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a admis la recevabilité de la demande de première instance, alors que les intéressés ne justifiaient pas d'un intérêt pour agir à l'encontre de la décision en litige ;

- à titre subsidiaire, c'est à tort que le tribunal administratif a retenu, pour annuler les décisions en litige, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article N 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Grabels : l'opération envisagée constitue un projet autorisé par cet article et présente une bonne intégration dans son environnement ;

- les moyens invoqués par les demandeurs dans leur mémoire du 23 novembre 2021 sont irrecevables pour avoir été présentés après l'expiration du délai de cristallisation prévu par l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme et ne sont en tout état de cause pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 3 mai 2021, la commune de Grabels, représentée par la SCP Territoires avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était recevable ;

- le projet méconnaît l'article N 2 du règlement du plan local d'urbanisme,

- les dispositions de l'article 222 de la loi du 23 novembre 2018 ne lui ont pas permis de retirer légalement l'arrêté de non-opposition à déclaration préalable.

Par des mémoires en défense enregistrés le 23 novembre 2021 et le 15 septembre 2022, Mme O... F... et M. N... A..., M. et Mme P... E..., M. et Mme I... C..., M. et Mme M... L..., M. et Mme K... D..., M. et Mme B... G... et M. J... H..., représentés par Me Pons, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire des sociétés requérantes une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la demande de première instance était recevable ;

- le projet méconnaît l'article N 2 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- les décisions en litige sont en outre illégales en raison de l'absence d'habilitation de la société Cellnex pour déposer la déclaration préalable, de l'absence de consultation préalable de l'autorité environnementale et de la violation de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, de l'article L. 43 du code des postes et des communications électroniques, de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme et de l'article N 10 du règlement du plan local d'urbanisme.

La clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me d'Audigier, représentant la commune de Grabels,

- les observations de Me Remy, représentant Mme F... et les autres intimés.

Considérant ce qui suit :

1. La société Cellnex a déposé le 11 mars 2019, dans le cadre d'un mandat conclu avec la société Bouygues Telecom, une déclaration préalable portant sur l'installation d'une antenne relais de radiotéléphonie mobile sur la parcelle cadastrée section AP n° 0006 située au lieu-dit " Réservoir Montalet - Predimeau " sur le territoire de la commune de Grabels (Hérault). Il n'a pas été fait opposition à cette déclaration préalable dans le délai règlementaire d'un mois et, par un arrêté du 17 avril 2019, le maire de Grabels ne s'est pas opposé à ces travaux. Treize habitants de la commune ont saisi le tribunal administratif de Montpellier pour lui demander l'annulation de la décision tacite née le 11 avril 2019 et de l'arrêté du 17 avril 2019. Par un jugement du 24 décembre 2020, ledit tribunal a administratif annulé ces deux décisions. Par leur requête, les sociétés Bouygues Telecom et Cellnex relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. / (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours tendant à l'annulation d'une décision de non-opposition à déclaration préalable, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, sans pour autant exiger du requérant qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de son recours. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet.

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier joint à la déclaration préalable que le projet porté par la société Cellnex consiste à implanter un pylône treillis de 30 mètres de hauteur, peint en vert, surmonté de six antennes et complété par une zone technique, pour une emprise au sol de l'ordre de sept mètres carrés, à proximité immédiate d'un réservoir d'eau, sur un terrain situé sur une colline boisée, au nord du territoire de la commune de Grabels. La demande de première instance a été présentée par treize particuliers résidant aux ... de la rue de la Pinède, laquelle se trouve en contrebas par rapport à cette colline. Il n'est pas contesté que les maisons de ces derniers sont implantées à des distances comprises entre 167 et 208 mètres de l'emplacement retenu pour l'implantation de la station de radiotéléphonie, dont ils sont séparés par la pente boisée de la colline, ce qui exclut de les regarder comme des voisins immédiats de l'ouvrage. Si les intéressés soutiennent que le pylône s'élèvera au-dessus de la végétation et qu'il sera ainsi visible depuis leurs propriétés et s'ils ont produit en ce sens un photomontage réalisé par leurs soins simulant la perception de l'antenne depuis la rue de la Pinède, leurs affirmations sur ce point sont contredites par le procès-verbal de constat d'huissier établi le 9 mars 2021 et versé au dossier par les sociétés requérantes. Il ressort en effet de ce document, produit pour la première fois en appel, que le sommet de la station relais en litige n'est visible qu'au niveau du numéro zéro de la rue de Prédimeau, laquelle permet d'accéder à la rue de la Pinède depuis le bourg-centre de Grabels, alors qu'il n'apparaît plus jamais par la suite en progressant dans le sens de la montée jusqu'à l'extrémité de la rue de la Pinède. L'équipement n'est notamment pas perceptible au droit des propriétés des demandeurs de première instance, lesquelles ne disposent pas de vues vers le sommet de la colline, largement masqué par la végétation existante. D'autre part, si les intimés invoquent les impacts négatifs possibles des ondes électromagnétiques sur les riverains, tout en reconnaissant cependant les incertitudes scientifiques pouvant subsister sur ce point, il ressort du rapport de simulation établi par le service technique de la société Bouygues Telecom, dont les indications ne sont pas contestées, que le niveau maximal d'exposition de leurs habitations se situe entre zéro et un volt par minute, soit un niveau très inférieur aux valeurs limites règlementaires, lesquelles sont toutes supérieures à 36 volts par minute. Enfin, si les intéressés se prévalent d'une baisse de la valeur vénale de leurs propriétés compte tenu de la proximité de l'équipement en litige, ils n'apportent aucun élément établissant la réalité d'un tel préjudice. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet porterait atteinte aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance des biens des intimés. Les demandeurs ne justifiaient donc pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir à l'encontre des décisions litigieuses. Par suite, les sociétés requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont admis la recevabilité de la demande des intéressés.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que les sociétés Bouygues Telecom et Cellnex sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé l'annulation de la décision du 11 avril 2019 et de l'arrêté du 17 avril 2019.

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soient mises à la charge des sociétés Bouygues Telecom et Cellnex, qui ne sont pas les parties perdantes, les sommes réclamées par Mme F... et autres et par la commune de Grabels au titre des frais non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Grabels à ce titre. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de Mme F... et autres le paiement d'une somme globale de 1 500 euros à verser aux sociétés Bouygues Telecom et Cellnex à ce même titre.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... et autres devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Mme F... et autres verseront aux sociétés Bouygues Telecom et Cellnex une somme globale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Grabels sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bouygues Telecom, à la société Cellnex, à la commune de Grabels et à Mme O... F..., première dénommée, pour l'ensemble des autres intimés.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Haïli, président assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Jazeron, premier conseiller,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

X. Haïli

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL00540


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00540
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Régimes de déclaration préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. HAÏLI
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : KATAM Avocats

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-04-06;21tl00540 ?
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