Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 et 22 mars 2023, M. B... A..., représenté par Me Ghameol Sabahy, demande au juge des référés :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension des effets de l'arrêté du 19 octobre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'ordonner à la préfète de Vaucluse de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler le temps nécessaire à ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande de première instance tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux a été présentée dans le délai de recours contentieux ; en effet, il a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 4 novembre 2022 et a saisi le tribunal administratif huit jours après la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;
- la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie dès lors qu'il encourt le risque d'être persécuté par les autorités syriennes en cas de renvoi dans son pays d'origine ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
- ainsi, l'arrêté litigieux est signé d'une personne dont il n'est pas démontré qu'elle aurait reçu délégation de signature pour ce faire ;
- de plus, son droit à être entendu a été méconnu ;
- par ailleurs, tant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que la Cour nationale du droit d'asile lui ont reconnu la qualité, sinon le statut, de réfugié au sens du A de l'article 1er de la convention de Genève ; or, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne un État-membre ne peut renvoyer dans son pays d'origine une personne qui a perdu son statut de réfugié mais qui justifie l'existence de motifs sérieux et avérés de croire qu'il y serait exposé à subir des traitements prohibés par les articles 4 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; la jurisprudence du Conseil d'État est dans le même sens ;
- étant déserteur de l'armée syrienne il est exposé à subir de tels traitements et l'arrêté attaqué méconnaît également, de ce fait, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu la requête enregistrée le 16 février 2023 sous le n° 23TL00412 par laquelle M. A... a demandé l'annulation de l'ordonnance du 8 février 2023 par laquelle le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi.
Vu la décision par laquelle le président de la cour a désigné M. Rey-Bèthbéder, président de la 3ème chambre, pour statuer sur les demandes de référés, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 27 mars 2023:
- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, juge des référés,
- les observations de Me Ghaemol Sabahy, représentant M. A....
La clôture de l'instruction a été prononcée, à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité syrienne, est entré en France, en provenance des Émirats arabes unis, au mois de janvier 2016. Il y a ensuite demandé l'asile politique, qui lui a été refusé par décision du 27 septembre 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 9 octobre 2018. Sa demande de réexamen a été également rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 21 avril 2021.
2. Par la présente requête, il sollicite du juge des référés de la cour, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension des effets de l'arrêté du 19 octobre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur les conclusions aux fins de suspension :
3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets (...) ". Aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) ". Enfin aux termes du premier alinéa de l'article R. 522-1 dudit code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit (...) justifier de l'urgence de l'affaire ".
4. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'apprécier et de motiver l'urgence compte tenu de l'incidence immédiate du refus de titre de séjour sur la situation concrète de l'intéressé. Cette condition d'urgence sera en principe constatée dans les cas de retrait ou de refus de renouvellement d'un titre de séjour. Dans les autres cas, il appartient au requérant d'établir la réalité de circonstances particulières qui justifient que la condition d'urgence soit regardée comme remplie.
5. Eu égard à la perspective de mise en œuvre à tout moment de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... et au rejet de sa demande d'annulation de cette décision par le président du tribunal administratif de Nîmes, la condition d'urgence doit être regardée comme satisfaite.
6. En l'état de l'instruction, les moyens tirés de ce que le droit de l'intéressé à être entendu avant l'intervention de l'arrêté litigieux, droit proclamé notamment par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu et de ce qu'il est susceptible d'être exposé à subir des traitements inhumains et dégradants en cas de renvoi en Syrie, en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sont de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté litigieux. En conséquence, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner la suspension de l'exécution de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à la préfète de Vaucluse de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler jusqu'à la date à laquelle il sera statué sur la requête d'appel enregistrée sous le n° 23TL00412, dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance. En revanche, l'exécution de la présente ordonnance n'implique pas que la préfète réexamine la situation de l'intéressé d'ici à ce qu'il soit statué sur la requête d'appel précitée.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : L'exécution de l'arrêté du 19 octobre 2022 de la préfète de Vaucluse est suspendue au plus tard jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête d'appel enregistrée sous le n° 23TL00412.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de Vaucluse de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête d'appel enregistrée sous le n° 23TL00412 dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance.
Article 3 : L'État versera à M. A..., une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de Vaucluse
Fait à Toulouse, le 28 mars 2023.
Le juge des référés,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N°23TL00562