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28/03/2023 | FRANCE | N°21TL03028

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 28 mars 2023, 21TL03028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes :

- sous le n° 1901606, d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2018 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident survenu le 16 juillet 2018 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 8 janvier 2019, et d'enjoindre à l'autorité compétente de reconnaître l'imputabilité au service de son ac

cident et de procéder au réexamen de sa situation administrative et financière dans u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes :

- sous le n° 1901606, d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2018 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident survenu le 16 juillet 2018 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 8 janvier 2019, et d'enjoindre à l'autorité compétente de reconnaître l'imputabilité au service de son accident et de procéder au réexamen de sa situation administrative et financière dans un délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

- sous le n° 1901608, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le président du service départemental d'incendie et de secours du Gard a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident déclaré le 11 septembre 2018, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale, et d'enjoindre à l'autorité compétente de reconnaître l'imputabilité au service de son accident et de procéder au réexamen de sa situation administrative et financière dans un délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1901606, 1901608 du 28 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2021, sous le n° 21MA03028 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL03028, et un mémoire enregistré le 29 avril 2022, M. B... D..., représenté par Me Allegret-Dimanche, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 mai 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 22 novembre 2018 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 16 juillet 2018, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 8 janvier 2019 ;

3°) d'annuler la décision du 15 mars 2019 par laquelle le président du service départemental d'incendie et de secours du Gard a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 11 septembre 2018 ;

4°) d'enjoindre au service départemental d'incendie et de secours du Gard de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 16 juillet 2018 ainsi que de celui du 11 septembre 2018, en procédant au réexamen de sa situation administrative et financière dans un délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Gard la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'illégalité de l'arrêté du 22 novembre 2018 :

- la décision est entachée d'un vice de procédure tenant à l'irrégularité de l'avis de la commission de réforme du 18 octobre 2018 en raison du manque d'impartialité de M. A... et de l'absence d'information du médecin de prévention, en méconnaissance de l'article 18 du décret n°86-442 du 14 mars 1986 et de l'article 25 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité au travail dans la fonction publique territoriale ; la commission de réforme s'est fondée sur des faits inexacts, de sorte que son avis est vicié ;

- elle est entachée d'erreur de droit en ce que le président du conseil d'administration s'est cru lié par l'avis de la commission de réforme ;

- elle est entachée d'inexactitude des faits, d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de procédure dès lors qu'il se trouvait bien en situation de trajet domicile-travail au moment de l'accident et qu'aucun fait personnel ne peut lui être reproché ;

En ce qui concerne l'illégalité de la décision du 15 mars 2019 :

- elle est entachée d'irrégularités de procédure : le procès-verbal de la commission de réforme ne comporte pas la mention des nom et spécialité du médecin spécialiste, ne permettant pas de garantir qu'un médecin spécialiste de l'affection dont il souffre siégeait lors de la séance ; il appartenait à ce médecin de voter lors de cette séance ; les représentants des sapeurs-pompiers professionnels de catégorie A et B n'ont pas été désignés par tirage au sort comme le prévoit l'article 7 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, entachant la procédure d'un vice substantiel ;

- elle est entachée d'erreur de droit en ce que le président du conseil d'administration s'est cru lié par l'avis de la commission de réforme ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 en raison du caractère brutal et soudain du changement d'affectation qui lui a été notifié le 11 septembre 2018, en représailles de l'accident de service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2021, le service départemental d'incendie et de secours du Gard, représenté par Me Journault, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. D... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Par ordonnance du 11 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 2 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Allegret, représentant M. D..., et de Me Journault, représentant le service départemental d'incendie et de secours du Gard.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., capitaine stagiaire de sapeur-pompier en poste au centre de secours principal de Nîmes, a été victime d'un accident de la circulation, le 16 juillet 2018, en se rendant sur son lieu de travail. Par un arrêté du 22 novembre 2018, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Le 11 septembre 2018, M. D... s'est vu notifier un changement d'affectation au sein du groupement territorial de la vallée du Rhône à ... (Gard) et a été placé en arrêt de travail à compter du même jour. Par un arrêté du 15 mars 2019, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré le 11 septembre 2018. M. D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler ces deux arrêtés ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 8 janvier 2019 à l'encontre du premier arrêté. Il relève appel du jugement rendu le 28 mai 2021 qui a rejeté ses demandes.

Sur la légalité de l'arrêté du 22 novembre 2018 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le président de la commission de réforme est désigné par le préfet qui peut choisir soit un fonctionnaire placé sous son autorité, soit une personnalité qualifiée qu'il désigne en raison de ses compétences, soit un membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme. Dans ce cas, un président suppléant, n'appartenant pas à la même collectivité, est désigné pour le cas où serait examinée la situation d'un fonctionnaire appartenant à la collectivité dont est issu le président. Le président dirige les délibérations mais ne participe pas au vote. / Cette commission comprend : 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; 2. Deux représentants de l'administration ; 3. Deux représentants du personnel. / Chaque titulaire a deux suppléants désignés dans les conditions prévues aux articles 5 et 6 ci-dessous ".

3. Le principe d'impartialité, qui s'impose à toute autorité administrative, fait obstacle à ce que participe à la séance de la commission de réforme toute personne susceptible d'avoir un intérêt personnel à l'affaire examinée ou une animosité particulière à l'égard de la personne concernée. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... désigné conformément à l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 pour siéger au sein de cette commission de réforme en qualité de représentant du personnel, ait manifesté une animosité particulière à l'égard de M. D..., alors qu'en septembre 2018 il a refusé d'être affecté au sein du groupement territorial Vallée du Rhône où est affecté M. A.... Si le requérant se prévaut ensuite d'un courrier en date du 13 septembre 2018 du chef du groupement territorial Cévennes-Aigoual adressé au directeur départemental concernant le litige qui l'oppose au service départemental d'incendie et de secours du Gard, il ressort de ce courrier que le chef du groupement territorial a indiqué que son adjoint, M. A..., l'avait alors informé d'" anomalies constatées sur le comptage par le major D... de son temps de travail en 2011 ", relatant ainsi des faits intervenus il y a plusieurs années et qui n'ont donné lieu à aucune procédure à l'encontre de M. D.... De plus, il ne ressort pas des termes de ce courrier que M. A... ait directement pris parti dans le litige l'opposant au service départemental d'incendie et de secours du Gard. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis par la commission de réforme dans sa séance du 18 octobre 2018 en méconnaissance du respect du principe d'impartialité doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 18 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans ses dispositions applicables au litige : " Le médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion ; il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 26, 32, 34 et 43 ci-dessous. (...) ". Aux termes de l'article 25 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Le service de médecine préventive est informé par l'autorité territoriale dans les plus brefs délais de chaque accident de service et de chaque maladie professionnelle ou à caractère professionnel ". Aux termes de l'article 15 de l'arrêté précité du 4 août 2004 : " Le secrétariat de la commission informe le médecin du service de médecine professionnelle et préventive, pour la fonction publique territoriale, le médecin du travail, pour la fonction publique hospitalière, compétent à l'égard du service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis à la commission. (...) ".

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. M. D..., qui relève de la fonction publique territoriale et non de celle de l'Etat, ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, qui a été pris pour l'application des articles 34 et 35 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. S'il soutient ensuite que l'accident dont il a été victime le 16 juillet 2018 aurait dû faire l'objet d'une information par le secrétariat de la commission de réforme, en application des dispositions prévues à l'article 25 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité au travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale, ce vice n'a cependant pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de l'arrêté contesté dès lors que l'administration s'est fondée sur le fait que cet accident a eu lieu en dehors du délai normal de trajet et que l'écart sensible entre l'horaire normal de trajet et l'horaire de l'accident est dû à un fait personnel de l'agent. Il ne saurait être regardé comme ayant, en l'espèce, privé M. D... d'une garantie. Par suite, ce moyen doit être écarté.

7. En troisième lieu, la commission de réforme relève que l'accident de circulation dont a été victime M. D... a eu lieu à 14 heures 15 alors que l'intéressé devait prendre son service à 13 heures 30. La circonstance que l'accident s'est nécessairement produit quelques minutes plus tôt dès lors que les secours ont été alertés par l'intéressé à 14 heures 13, est cependant dépourvu d'incidence sur la régularité de l'avis émis par la commission de réforme.

8. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de l'arrêté en litige, que le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard se serait cru lié par l'avis de la commission de réforme en date du 18 octobre 2018. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché l'arrêté contesté doit être écarté.

9. En cinquième lieu, est réputé constituer un accident de trajet tout accident dont est victime un agent public qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l'accident du service.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. D... devait prendre son service à 13 heures 30, ainsi qu'il est mentionné dans la fiche de renseignements administratifs qu'il a signée. S'il se prévaut de la latitude dont il dispose dans ses déplacements, ne le contraignant pas à un horaire fixé à 13 heures 30, la pièce qu'il produit et qui se borne à lister ses missions, ne permet cependant pas d'en justifier. Il expose que son temps de trajet s'établit entre quinze et trente minutes et qu'il n'a fait aucun détour, sans faire état d'une circonstance particulière qui serait intervenue le jour de l'accident. Alors que celui-ci s'est produit à proximité de son lieu de travail peu avant qu'il ne fasse appel aux services de secours à 14 heures 13, ainsi qu'en a attesté l'autre automobiliste qui a indiqué que l'accident s'est produit à 14 heures 10, l'appelant n'apporte aucun élément probant de nature à contredire les motifs de l'arrêté contesté selon lesquels l'écart sensible entre l'horaire normal de trajet et l'horaire de l'accident est dû à un fait personnel de l'agent, détachable du service. Ainsi, en estimant que l'accident a eu lieu en dehors du délai normal de trajet, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard n'a pas entaché sa décision d'une erreur quant à l'exactitude matérielle des faits ou d'une erreur d'appréciation.

11. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus d'imputabilité au service de l'accident survenu le 16 juillet 2018 constituerait une sanction déguisée à l'encontre de M. D... ou qu'il procèderait d'un détournement de procédure.

Sur la légalité de l'arrêté du 15 mars 2019 :

12. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de l'arrêté précité du 4 août 2004 dont les dispositions de l'article 3 également applicables sont mentionnées au point 2 : " Par dérogation aux règles énoncées aux articles 5 et 6 (...), les représentants de l'administration du service départemental d'incendie et de secours sont désignés par les membres élus locaux de l'organe délibérant du service départemental en son sein. (...) / Les représentants des sapeurs-pompiers professionnels de catégorie A et de catégorie B sont désignés par tirage au sort parmi les sapeurs-pompiers professionnels, en fonction dans le département ou, à défaut, dans un département limitrophe et appartenant au même groupe hiérarchique que l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 16 de cet arrêté : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. / Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller. ". Aux termes de l'article 17 du même arrêté : " La commission ne peut délibérer valablement que si au moins quatre de ses membres ayant voix délibérative assistent à la séance. / Deux praticiens, titulaires ou suppléants, doivent obligatoirement être présents. / Cependant, en cas d'absence d'un praticien de médecine générale, le médecin spécialiste a voix délibérative par dérogation au 1 de l'article 3. / Les médecins visés au 1 de l'article 3 et les médecins agréés ayant reçu pouvoir en application de l'article 8 ne peuvent pas siéger avec voix délibérative lorsque la commission examine le dossier d'un agent qu'ils ont examiné à titre d'expert ou de médecin traitant. / Les avis sont émis à la majorité des membres présents. Ils doivent être motivés, dans le respect du secret médical. / En cas d'égalité des voix, l'avis est réputé rendu. / Les avis sont communiqués aux intéressés dans les conditions fixées par les dispositions du livre III du code des relations entre le public et l'administration. ".

13. Il résulte des articles 3 et 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale que, dans les cas où il est manifeste, au vu des éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste doit être regardée comme privant l'intéressé d'une garantie et comme entachant la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée.

14. Il ressort des pièces du dossier que, dans sa séance du 21 février 2019, la commission départementale de réforme était composée de son président, de deux praticiens de médecine générale, d'un représentant de l'administration et de deux représentants du personnel. Si l'extrait du procès-verbal de cette séance comporte la mention suivante : " présence du médecin spécialiste ", il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que le nom, la qualité et la signature de ce médecin doivent impérativement figurer sur ce même document. Contrairement à ce que persiste à soutenir l'appelant, il n'appartenait pas au médecin spécialiste présent ayant participé aux débats de prendre part au vote, en application des dispositions des articles 3 et 17 de l'arrêté précité du 4 août 2004. Ainsi qu'il a été exposé au point 6, M. D... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires applicables à la fonction publique de l'Etat. En outre, les membres de la commission de réforme ont disposé des documents médicaux produits par M. D... ainsi que de l'expertise médicale rendue par un psychiatre le 23 janvier 2019. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de réforme au regard, d'une part de la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie dont est atteint M. D..., d'autre part de l'absence de participation au vote de ce médecin, doivent être écartés.

15. La circonstance que l'arrêté préfectoral du 1er février 2019 portant composition de la commission départementale de réforme des sapeurs-pompiers professionnels du Gard indique dans ses visas : " Vu la désignation des représentants des sapeurs-pompiers professionnels des catégories A et B au sein du département " sans faire mention expresse d'un tirage au sort contrairement au précédent arrêté préfectoral du 29 juillet 2016, ne permet pas de remettre en cause les modalités de désignation de ces représentants et l'irrégularité de la composition de la commission de réforme dans sa séance du 21 février 2019. Par suite, le moyen tiré du vice substantiel entachant la procédure administrative doit être écarté.

16. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard en particulier aux termes mêmes de l'arrêté en litige, que le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard se serait cru lié par l'avis de la commission de réforme en date du 21 février 2019. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

17. En troisième lieu, aux termes du II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable en l'espèce : " Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...) ".

18. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service le caractère d'un accident de service. Il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. Doit être regardé comme un accident un événement précisément déterminé et daté, caractérisé par sa violence et sa soudaineté, à l'origine de lésions ou d'affections physiques ou psychologiques qui ne trouvent pas leur origine dans des phénomènes à action lente ou répétée auxquels on ne saurait assigner une origine et une date certaines.

19. M. D... soutient que le caractère brutal et soudain de l'entretien auquel il a été convié le 11 septembre 2018 au cours duquel son supérieur hiérarchique lui a notifié son changement d'affectation au sein du groupement territorial de la vallée du Rhône à ... est à l'origine de son arrêt de travail à compter de cette date, en raison des répercussions psychologiques et physiques graves qui en ont découlé. Selon le certificat médical de son médecin généraliste en date du 21 septembre 2018, l'appelant " présente un traumatisme psychique important en rapport avec un conflit professionnel et une décision vécue comme arbitraire qui impacte l'avenir professionnel du patient ". Dans un nouveau certificat de ce médecin en date du 16 novembre 2018, l'appelant " présente toujours un syndrome dépressif réactionnel ". En outre, selon un courrier d'une psychologue clinicienne du 21 octobre 2018, M. D... relate le récit des noyades vécues lors d'une opération de secours survenue en avril 2000 dans le périmètre d'intervention du groupement territorial au sein duquel il a été affecté le 11 septembre 2018, indiquant notamment que " Ces évènements sont actuels depuis toutes ces années. Le retour sur les lieux ont fait et fait ressurgir la journée dramatique. Il est évident que le lieu et le trauma sont associés ". Alors que la décision a été rapportée le 14 novembre 2018, à la suite de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 31 octobre 2018, le rapport du médecin du service de santé et de secours médicaux du service d'incendie et de secours du Gard établi le 19 février 2019, qui a indiqué avoir examiné M. D... le 26 novembre 2018 dans le cadre d'une visite de reprise d'activité professionnelle, précise que le changement d'affectation en litige était mal vécu par ce dernier à la date de la visite, occasionnant des troubles du sommeil et de l'appétit selon les dires de l'intéressé, " exacerbant une anxiété généralisée avec des propos obsessionnels ". Le médecin ajoute : " il m'a semblé avoir une véritable peur de ce changement. Il restait combatif, avait un sentiment d'injustice et n'exprimait aucun sentiment de culpabilité ni idée suicidaire ". Il précise encore : " S'agit-il d'un accident ' L'annonce d'un changement de poste, certes brutale, ne me semble pas pouvoir être considérée comme un accident. L'ampleur de la réaction devrait nous faire nous questionner sur un état antérieur psychologique pour cet officier ". Enfin, l'expertise en date du 23 janvier 2019 du médecin psychiatre, en vue de la réunion de la commission de réforme, conclut à un traumatisme psychique et un souci professionnel imputables à l'activité professionnelle de M. D.... Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que M. D... a vécu des faits traumatisants à l'occasion d'une opération de sauvetage en eaux vives qui s'est déroulée en avril 2000 dans le périmètre d'intervention du groupement territorial auquel il a été affecté le 11 septembre 2018, aucune pièce ne vient attester de ce que l'entretien qui s'est tenu le même jour aurait donné lieu à un comportement ou à des propos de son supérieur excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Celui-ci ne peut dès lors être regardé comme étant constitutif d'un évènement accidentel alors même que l'affectation choisie a ravivé chez l'intéressé des souvenirs douloureux. Eu égard notamment à la teneur du rapport précité du docteur C..., l'état psychologique antérieur de l'intéressé expliqué par un climat de tension et de défiance avec sa hiérarchie depuis plusieurs mois a pu contribuer à l'état d'anxiété qui a suivi l'annonce de son changement d'affectation. Par ailleurs, il ressort d'un courrier du 19 juillet 2018 adressé au directeur départemental du service d'incendie et de secours que le supérieur hiérarchique de l'appelant avait déjà proposé de mettre un terme à son affectation au centre de secours principal de Nîmes. M. D... a par ailleurs exposé dans ses observations à la commission de réforme en date du 14 octobre 2018 que son supérieur avait également évoqué ce fait lors de leur entretien téléphonique du 17 juillet précédent. Dans ces conditions et compte tenu des éléments médicaux versés aux débats, le syndrome dépressif réactionnel dont a souffert M. D... ne peut être regardé comme imputable au service, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré par le requérant le 11 septembre 2018, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Gard, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

22. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... une somme au titre des frais exposés par le service départemental d'incendie et de secours du Gard et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le service départemental d'incendie et de secours du Gard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. B... D... et au service départemental d'incendie et de secours du Gard.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21TL03028 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03028
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie - Accidents de service.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection en cas d'accident de service.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Anne BLIN
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : JOURNAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-03-28;21tl03028 ?
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