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28/03/2023 | FRANCE | N°21TL00573

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 28 mars 2023, 21TL00573


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 14 septembre 2018 portant déclaration d'utilité publique d'un projet de régularisation de l'emprise foncière d'un chemin et de mettre à la charge de la commune de Plavilla les entiers dépens ainsi que la somme de 6 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901225 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier

a annulé l'arrêté du préfet de l'Aude du 14 septembre 2018, mis à la charge de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 14 septembre 2018 portant déclaration d'utilité publique d'un projet de régularisation de l'emprise foncière d'un chemin et de mettre à la charge de la commune de Plavilla les entiers dépens ainsi que la somme de 6 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901225 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du préfet de l'Aude du 14 septembre 2018, mis à la charge de la commune de Plavilla une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté les conclusions présentées par la commune sur ce fondement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 février 2021, un dépôt de pièces, enregistré le 17 février 2021, et un mémoire, enregistré le 25 janvier 2022 sous le n°21MA00573 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL00573, la commune de Plavilla, représentée par la SCP Cabet-Biver-Spanghéro, agissant par Me Biver, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation et s'est fondé sur des faits matériellement inexacts en considérant les consorts E... comme propriétaires indivis de la parcelle A 686 et, par suite, comme n'étant pas enclavés et en regardant le chemin litigieux comme utilisé seulement depuis les années 2000 ;

- il est impossible de raccorder la voie publique à la parcelle A 686 ;

- l'arrêté contesté n'est pas entaché de détournement de pouvoir, eu égard à l'utilité publique du projet qui vise à désenclaver des propriétés du hameau de ... et à l'absence d'autres solutions alternatives ;

- aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise dès lors que l'antériorité de l'usage du chemin de ..., goudronné depuis 1967 et qui a fait l'objet d'une réfection en 1996, est incontestable, que le projet est incontestablement d'utilité publique, qu'il n'existait pas de solution alternative à moindre coût et que l'expropriation ne porte pas une atteinte majeure à la propriété de Mme B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2021, un dépôt de pièces, enregistré le 24 novembre 2021, et un nouveau mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, Mme D... B..., représentée par la SCP RSG Avocats, agissant par Me Ruff, conclut à la confirmation du jugement attaqué et à ce que les dépens et une somme de 6 000 euros soient mis à la charge de la commune de Plavilla au titre des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la finalité d'intérêt général de l'opération fait totalement défaut, que l'arrêté contesté procède d'un détournement de pouvoir et de procédure ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la commune de Plavilla.

Une mise en demeure de produire dans un délai d'un mois un mémoire en défense a été adressée le 8 août 2022 au ministre de l'intérieur.

Par une ordonnance du 7 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- les observations de Me Bidois, représentant la commune de Plavilla et les observations de Me Cazaux, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 29 janvier 2015, le conseil municipal de Plavilla (Aude) a approuvé le recours à une procédure d'expropriation pour la maîtrise foncière des terrains nécessaires à la desserte des habitants du hameau de ... correspondant aux parcelles cadastrées section A 456. Le 22 mars 2018, le commissaire enquêteur a remis son rapport d'enquête et formulé un avis favorable à l'acquisition par la commune de l'emprise de la voie actuelle d'accès au hameau de ..., représentant une surface d'environ 525 m². Par un arrêté du 14 septembre 2018, le préfet de l'Aude a déclaré d'utilité publique au profit de la commune de Plavilla le projet présenté en vue de la régularisation de l'emprise foncière du chemin desservant le hameau de ... et a déclaré cessible immédiatement la parcelle n°456, propriété de Mme B..., Par un jugement du 15 décembre 2020, dont la commune de Plavilla relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté du 14 septembre 2018.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente.

3. En l'espèce, il est constant que le projet de régularisation de l'emprise foncière du chemin desservant le hameau de ... en vue de son classement dans le domaine public communal de Plavilla déclaré d'utilité publique par l'arrêté préfectoral contesté a pour objet d'assurer l'accès au hameau des quatre familles y résidant. Toutefois, il ressort de l'acte de vente du 30 mai 1988 que les consorts C... ont cédé l'intégralité des parcelles dont ils étaient propriétaires et constituant alors une unité foncière non enclavée voisine de celle de Mme B... à M. G..., à son épouse et à M. H..., le tout en indivision pour un tiers chacun. Par acte du 25 janvier 1992, les consorts F... ont procédé au partage de leur indivision. Dans ce cadre, la parcelle 670, désignée comme étant à usage de passage et de cour, a été cependant maintenue en indivision. Il ressort de documents d'arpentage versés au dossier qu'en 1999, les consorts F... ont opéré une division parcellaire et il n'est pas contesté que, dans ce cadre, a été créé un chemin sur l'assiette des parcelles nouvellement créées sous les numéros 681, 683, 685 et 686, ces deux dernières parcelles étant issues de la parcelle 670. Par acte de vente du 10 novembre 2000, M. H... a cédé à M. et Mme A..., outre une maison d'habitation, la moitié indivise d'une parcelle de terre à usage de chemin figurant au cadastre sous les n°681, 683, 686 et la moitié indivise d'une parcelle de terre en nature de chemin figurant au cadastre sous le n°685. Il n'est pas contesté que la parcelle 686, située en prolongement des parcelles 685, 683 et 681 est reliée à un chemin communal. Par acte de vente du 22 mai 1999, les consorts F... ont cédé à M. et Mme E..., outre une maison d'habitation, la moitié indivise d'une parcelle à usage de chemin d'accès figurant au cadastre sous les numéros 681 et 683 et le quart indivis d'une parcelle à usage de chemin d'accès figurant au cadastre sous le n°685. Si la commune de Plavilla soutient que la famille E... n'est ainsi pas propriétaire indivis de la parcelle 686 comme le montrent notamment l'acte du 22 mai 1999 ainsi qu'un relevé de propriété mis à jour du 17 décembre 2020, elle ne conteste pas qu'ainsi que le fait valoir Mme B..., ladite parcelle, issue de la parcelle 670 affectée à la desserte des parcelles issues du partage opéré en 1992 par les consorts F...et qui se trouvait déjà en indivision forcée, a le caractère d'accessoire indispensable de l'immeuble desservi et vendu et se trouve donc elle-même dans une indivision forcée et perpétuelle, peu important que l'acte de vente du 22 mai 1999 n'ait pas fait mention de ladite parcelle.

4. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les voisins de Mme B... bénéficient juridiquement d'un accès à la voirie communale, l'enclavement matériel des familles E... et A... ne résultant que de la construction d'une piscine et d'un bâtiment par les époux F... empiétant sur la parcelle 686 assiette du chemin d'accès, après les ventes réalisées en 1999 et 2000. Par ailleurs, si le chemin communal desservant la parcelle A 686 est étroit et pentu, les réserves de l'agence technique départementale de l'Aude quant à la réalisation d'un accès alternatif par ce chemin qui résultent d'une étude au demeurant postérieure à l'acte contesté, ne suffisent pas, à elles-seules, à établir que son aménagement se heurterait à des obstacles insurmontables du fait de ses caractéristiques en matière de déclivité ou de largeur. Dans ces conditions, l'opération, dont l'unique objet est de désenclaver les propriétés du hameau alors que celles-ci ne sont juridiquement pas enclavées, ne peut être regardée comme présentant un caractère d'utilité publique.

5. Au surplus, pour estimer, à la différence de la solution amiable proposée par Mme B... consistant à aménager un accès au hameau par l'arrière de sa maison regardée comme trop coûteuse, le projet de la commune économiquement soutenable, le préfet s'est fondé, ainsi que sa réponse au recours gracieux de Mme B... le confirme, sur un devis de travaux d'aménagement établi pour le compte d'une entreprise de travaux public par un salarié de celle-ci mais qui était également conseiller municipal de la commune et qui avait, en cours d'enquête publique, présenté des observations favorables au projet communal. Un tel document ne pouvait, dans ces conditions, être pris en considération. En conséquence et en l'absence d'autre élément sur le véritable coût financier de l'opération projetée, le préfet ne pouvait légalement conclure à l'absence de solutions alternatives permettant de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes ainsi qu'à l'absence d'inconvénients excessifs de cette opération et la nécessité de cette dernière ne peut, en l'état, être vérifiée.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Plavilla n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté en date du 14 septembre 2018 pris par le préfet de l'Aude.

Sur les frais liés au litige :

7. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent, dans ces conditions, être rejetées.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune de Plavilla la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Plavilla le versement à Mme B... de la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Plavilla est rejetée.

Article 2 : La commune de Plavilla versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la commune de Plavilla.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21TL00573


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00573
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-01-01 Expropriation pour cause d'utilité publique. - Notions générales. - Notion d'utilité publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : RSGN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-03-28;21tl00573 ?
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