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16/03/2023 | FRANCE | N°21TL02784

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 16 mars 2023, 21TL02784


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Foissac à leur verser, à titre principal, une somme de 174 786,04 euros ou, à titre subsidiaire, une somme de 166 762, 04 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant pour eux de la délivrance d'autorisations d'urbanisme.

Par un jugement n° 1903787 du 28 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :>
Par une requête et un mémoire, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Foissac à leur verser, à titre principal, une somme de 174 786,04 euros ou, à titre subsidiaire, une somme de 166 762, 04 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant pour eux de la délivrance d'autorisations d'urbanisme.

Par un jugement n° 1903787 du 28 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21MA02784 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL02784 les 15 juillet 2021 et 27 octobre 2021, Mme C... et M. B..., représentés par Me Gaborit, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Foissac à leur verser, à titre principal, une somme de 187 586,04 euros ou, à titre subsidiaire, une somme de 175 434,04 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant pour eux de la délivrance d'autorisations d'urbanisme ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Foissac une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leurs préjudices ont un lien de causalité direct et certain avec les fautes commises par la commune consistant en l'édiction d'autorisations d'urbanisme illégales ;

- le maire de Foissac a commis une faute en n'opposant pas un sursis à statuer dès le permis de construire initial du 7 octobre 2011 ;

- ils ont subi un préjudice tenant à la perte de valeur du terrain devenu inconstructible s'élevant à la somme de 115 000 euros, la cause de l'inconstructibilité n'étant pas la modification postérieure du plan local d'urbanisme mais l'annulation de leur permis de construire ; les décisions d'urbanisme ont conforté Mme C... dans son projet alors que cette dernière n'aurait pas gardé le terrain après leur séparation et l'aurait revendu dans son état de constructibilité ;

- ils ont subi un préjudice tenant aux frais liés aux dossiers de demande préalable de travaux et de permis de construire lesquels s'élèvent à 2 786,04 euros ;

- Mme C... a subi un préjudice lié à l'impossibilité de construire en lien direct et certain avec les autorisations d'urbanisme illégales tenant en une dépense locative de 64 800 euros ou 52 648 euros après prise en compte des loyers réellement déboursés ;

- ils ont subi un préjudice lié au montant des condamnations prononcées au titre des frais de procédure dans le cadre des recours contre leurs autorisations d'urbanisme, ce préjudice s'élevant à 5 000 euros ;

- ils n'ont pas commis de fautes de nature à exonérer la commune de sa responsabilité, ni au regard du choix d'abandonner le premier permis de construire, ni au niveau de l'attente pour déposer une nouvelle demande.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2021, la commune de Foissac, représentée par Me Margall, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C... et M. B... une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... et M. B... ne sont pas fondés et que l'imprudence des appelants ayant conduit aux préjudices subis consécutivement à la délivrance d'un permis de construire irrégulier est de nature à l'exonérer de toute responsabilité.

Par ordonnance du 1er mars 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de Mme C... et M. B....

Par ordonnance du 7 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gaborit, représentant Mme C... et M. B... et de Me Teles, représentant la commune de Foissac.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 25 avril 2013, le maire de Foissac ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par M. B... en vue de la division foncière de la parcelle cadastrée ..., lui appartenant en indivision avec Mme C.... Par jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1501980 du 28 juin 2016, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 16MA03388 du 27 novembre 2018, cet arrêté a été toutefois annulé. Par arrêté du 14 novembre 2013, le maire de Foissac a accordé à Mme C... un permis de construire en vue de la construction d'une maison individuelle sur la parcelle cadastrée ..., issue de la division foncière autorisée le 25 avril 2013. Par un arrêt n° 16MA03492 du 27 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Nîmes rejetant le recours formé par une voisine contre ce permis de construire et a annulé l'arrêté du 14 novembre 2013. Mme C... et M. B... font appel du jugement du 28 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Foissac à leur verser une indemnité en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des arrêtés des 25 avril 2013 et 14 novembre 2013.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Foissac :

2. La responsabilité d'une personne publique n'est susceptible d'être engagée que s'il existe un lien de causalité suffisamment direct entre les fautes qu'elle a commises et le préjudice subi par la victime.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'arrêté du 25 avril 2013 portant non opposition à la déclaration préalable de division foncière de la parcelle appartenant à M. B... et Mme C... a été annulé, de façon définitive, par la juridiction administrative en raison d'un vice de forme tenant à la méconnaissance de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 alors en vigueur. L'arrêté du 14 novembre 2013 accordant un permis de construire à Mme C... sur un des deux lots issus de la division parcellaire a été annulé de façon définitive par la juridiction administrative au motif, d'une part, que le maire de Foissac avait commis une erreur manifeste d'appréciation en n'opposant pas un sursis à statuer alors que le nouveau plan local d'urbanisme de la commune, qui classait le terrain d'assiette en cause en zone Ap, avait été approuvé le 12 décembre 2013 et, d'autre part, au motif que le projet méconnaissait les prescriptions de l'article UC 11 du document d'urbanisme alors en vigueur. Par suite, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, ces illégalités fautives sont de nature à engager la responsabilité de la commune de Foissac.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. (...) Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. (...) ". Selon l'article L. 153-11 du même code : " (...) L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire que lorsque l'état d'avancement des travaux d'élaboration du nouveau plan local d'urbanisme permet de préciser la portée exacte des modifications projetées, sans qu'il soit cependant nécessaire que le projet ait déjà été rendu public. Il ne peut en outre être opposé qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir, et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.

6. Mme C... et M. B... soutiennent pour la première fois en appel que le maire de Foissac a commis une faute en accordant le 22 septembre 2011 un permis de construire sur la parcelle cadastrée A 705, ce qui les a incités à acheter le terrain en litige, alors qu'il aurait dû opposer un sursis à statuer, l'élaboration du plan local d'urbanisme ayant été prescrite par délibération du conseil municipal de Foissac du 2 décembre 2009. Toutefois, ils n'établissent ni même n'allèguent que ce plan local d'urbanisme était dans un état d'avancement suffisant pour permettre le sursis à statuer au sens des dispositions précitées à la date du permis de construire annexé à l'acte notarié de vente de la parcelle du 7 octobre 2011, alors d'ailleurs que ce dernier n'a été adopté que le 12 décembre 2013. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ce fondement de responsabilité, le maire de Foissac n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de la commune en n'opposant pas de sursis à statuer à cette première demande de permis de construire.

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant du préjudice allégué lié à la perte de valeur du terrain :

7. Il résulte de l'instruction, d'une part, que lors de l'acquisition de leur parcelle, par acte notarié du 7 octobre 2011 auquel été annexé un permis de construire une habitation avec garage et piscine, cette parcelle était classée en zone UA du plan d'occupation des sols alors en vigueur et que, par délibération du 12 décembre 2013, le conseil municipal a approuvé un nouveau document d'urbanisme en application duquel la parcelle en cause a été classée en zone Ap. D'autre part, les requérants ont déposé une déclaration préalable de division foncière de leur parcelle en deux lots le 6 mars 2013 et Mme C... a déposé une demande de permis de construire sa résidence principale le 19 septembre 2013. Ainsi, la perte de valeur vénale liée à l'inconstructibilité de la parcelle en litige résulte de la mise en œuvre du nouveau plan local d'urbanisme de la commune de Foissac à la date à laquelle Mme C... a entendu construire et non des illégalités contenues dans les autorisations d'urbanisme et notamment, celle consistant en une erreur manifeste d'appréciation à ne pas avoir opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire de Mme C.... Par suite, les requérants ne justifient d'aucun lien direct et certain entre le préjudice tenant à la perte de valeur vénale de leur bien et les fautes commises.

S'agissant du préjudice allégué lié à la privation de la possibilité de jouir du bien qu'ils n'ont pas pu construire ou, à défaut, au remboursement des loyers exposés par Mme C... :

8. Les requérants soutiennent avoir été privés de la possibilité de jouir du bien qu'ils n'ont pas pu construire et que Mme C... a dû exposer des loyers jusqu'à ce jour du fait des illégalités contenues dans les autorisations d'urbanisme en litige. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7 du présent arrêt, de tels préjudices liés à l'inconstructibilité de la parcelle des requérants résultent de la mise en œuvre du nouveau plan local d'urbanisme de la commune de Foissac à la date à laquelle Mme C... a entendu construire et non des illégalités contenues dans les autorisations d'urbanisme en litige. Par suite, les requérants ne justifient d'aucun lien direct et certain entre ces préjudices et les fautes commises.

S'agissant du préjudice allégué lié aux frais de dossier :

9. Les requérants soutiennent que s'ils avaient eu connaissance de l'inconstructibilité de leur terrain, ils n'auraient ni engagé de frais de géomètre en vue de la division foncière ni engagé de frais d'architecte en vue du dépôt du permis de construire du 14 novembre 2013. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7 du présent arrêt, l'inconstructibilité de la parcelle des requérants résulte de la mise en œuvre du nouveau plan local d'urbanisme de la commune de Foissac à la date à laquelle Mme C... a entendu construire et non des illégalités contenues dans les autorisations d'urbanisme en litige. Par suite, les requérants ne justifient d'aucun lien direct et certain entre ces préjudices et les fautes commises.

S'agissant du préjudice allégué lié aux frais de procédures :

10. Les frais de justice, s'ils ont été exposés en conséquence directe d'une faute de l'administration, sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de l'illégalité fautive imputable à l'administration. Toutefois, lorsque l'intéressé avait qualité de partie à l'instance, la part de son préjudice correspondant à des frais non compris dans les dépens est réputée intégralement réparée par la décision que prend le juge dans l'instance en cause.

11. Il résulte de l'instruction que M. B... et Mme C... ayant la qualité de partie dans les instances engagées devant la juridiction administrative contre les autorisations d'urbanisme en litige, les frais exposés pour leur défense ont fait l'objet d'une appréciation d'ensemble dans ce cadre qui exclut toute demande indemnitaire sur un autre fondement juridique.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme C... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande indemnitaire.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Foissac qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que Mme C... et M. B... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... et M. B... la somme demandée par la commune de Foissac en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... et M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Foissac présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., à M. A... B... et à la commune de Foissac.

Délibéré après l'audience du 21 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. ChabertLe greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL02784


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL02784
Date de la décision : 16/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-05 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Services de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : GABORIT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-03-16;21tl02784 ?
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