Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier :
1°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser une somme de 85 105,69 euros en réparation du préjudice subi du fait de son maintien irrégulier en position de disponibilité ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1803119 du 4 mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser une somme de 13 000 euros en réparation de ses préjudices, mis à la charge du centre hospitalier la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 avril 2021 sous le n° 21MA01652 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL01652, Mme B... A..., représentée par Me Betrom, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du 4 mars 2021 en ce qu'il a limité le montant de son indemnité à 13 000 euros ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser une somme de 67 559 euros en réparation du préjudice subi en raison des fautes commises par le centre hospitalier universitaire ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le maintien en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 25 décembre 2015 est irrégulier en l'absence de consultation du comité médical lors des renouvellements des 27 décembre 2015, 27 décembre 2016 et 27 décembre 2017, de la commission de réforme à cette dernière date, et en l'absence de recherche de poste adapté entre le 27 décembre 2015 et le 27 décembre 2018 ; ces fautes sont de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier, ainsi que l'a retenu le tribunal ;
- le tribunal a fait une inexacte appréciation des préjudices subis en ne retenant que la somme de 13 000 euros : son préjudice financier au titre de la perte des traitements pendant trois ans s'établit à 26 798 euros ; la perte de chance de percevoir des primes s'élève à 6 516 euros et 2 745 euros ; la perte de ses droits à pension doit être indemnisée à hauteur de 16 500 euros, sauf à renvoyer le calcul de cette indemnité devant le centre hospitalier ; son préjudice moral doit être indemnisé à hauteur de 15 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2022, le centre hospitalier universitaire de Montpellier, représenté par la SCP Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et associés agissant par Me Constans, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il n'a pas commis de faute et était dans l'impossibilité de la reclasser ;
- le jugement sera confirmé s'agissant des sommes allouées au titre du préjudice lié à une perte de rémunération et au titre du préjudice moral ; il sera également confirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions de l'intéressée au titre d'un préjudice relatif à ses droits à pension ;
- à titre subsidiaire, la demande est irrecevable dès lors que la nouvelle réclamation préalable du 7 mars 2018 a le même fondement que celle du 24 septembre 2015, reposant sur les mêmes faits et est par suite confirmative.
Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse la requête de Mme A....
Par ordonnance du 7 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 11 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 67-624 du 23 juillet 1967 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 ;
- le décret n° 88-1083 du 30 novembre 1988 ;
- le décret n° 90-693 du 1er août 1990 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Duarte substituant Me Constans, représentant le centre hospitalier universitaire de Montpellier.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., qui exerçait ses fonctions d'agent titulaire du centre hospitalier universitaire de Montpellier en qualité de puéricultrice, a été victime d'un accident de trajet le 5 septembre 2013. Après la consolidation de son état de santé fixée à la date du 24 décembre 2013, elle a été placée en congés de maladie ordinaire du 25 décembre 2013 au 25 décembre 2014 en raison de phénomènes douloureux cervicaux de nature rhumatologique. Par une décision du 10 août 2015, le directeur du centre hospitalier de Montpellier l'a placée en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 25 décembre 2014. Par une décision du 14 décembre 2018, la position de disponibilité de Mme A... a été prolongée du 25 décembre 2017 au 24 décembre 2018. Par un courrier en date du 7 mars 2018, elle a présenté une réclamation préalable en vue de l'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de son maintien irrégulier en position de disponibilité d'office. Par un courrier du 2 mai 2018, le directeur du centre hospitalier a rejeté sa demande. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser la somme de 85 105,69 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis. Elle relève appel du jugement du 4 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité le montant de son indemnité à la somme de 13 000 euros et demande de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser une somme de 67 559 euros.
Sur la recevabilité de la requête devant le tribunal :
2. Il résulte de l'instruction que, par une première réclamation préalable en date du 24 septembre 2015, Mme A... a sollicité l'indemnisation de ses préjudices en raison de l'illégalité de la décision initiale de placement en disponibilité d'office à compter du 25 décembre 2014, de l'abstention fautive de recherche d'un poste adapté à compter de l'avis du comité médical du 19 février 2015 et du défaut de réintégration de droit au 18 mars 2015, à hauteur de la somme de 20 198,40 euros. Contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier universitaire, la réclamation préalable présentée par Mme A... en date du 7 mars 2018 porte sur des faits générateurs nouveaux en ce qu'elle sollicite la réparation de ses préjudices du fait de l'illégalité des décisions successives qui l'ont maintenue en disponibilité d'office pendant trois années, à compter du 25 décembre 2015 et jusqu'au 25 décembre 2018. Ainsi, la présente demande indemnitaire porte sur des faits et préjudices distincts de ceux ayant donné lieu à sa précédente réclamation préalable. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du caractère confirmatif de la décision du 2 mai 2018 de rejet de sa réclamation indemnitaire doit être écartée.
Sur la responsabilité :
3. Aux termes de l'article 29 du décret 13 octobre 1988 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires hospitaliers, à l'intégration et à certaines modalités de mise à disposition : " La mise en disponibilité d'office prévue à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée ne peut être prononcée que s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues par la section 3 du chapitre V de cette loi. La durée de la disponibilité prononcée d'office ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié. Toutefois, si, à l'expiration de la troisième année de disponibilité, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, mais s'il résulte d'un avis du comité médical prévu par la réglementation en vigueur qu'il doit normalement pouvoir reprendre ses fonctions ou faire l'objet d'un reclassement avant l'expiration d'une nouvelle année, la disponibilité peut faire l'objet d'un troisième renouvellement ". Aux termes de l'article 36 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière, dans ses dispositions applicables au litige : " La mise en disponibilité prévue aux articles 17 et 35 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission départementale de réforme sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions. Elle est accordée pour une durée maximale d'un an et peut être renouvelée à deux reprises pour une durée égale. Toutefois, si à l'expiration de la troisième année de disponibilité le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, mais s'il résulte d'un avis du comité médical qu'il doit normalement pouvoir reprendre ses fonctions avant l'expiration d'une nouvelle année, la disponibilité peut faire l'objet d'un troisième renouvellement. (...) Le renouvellement de la mise en disponibilité est prononcé après avis du comité médical. Toutefois, lors du dernier renouvellement de la mise en disponibilité, c'est la commission de réforme qui est consultée ".
4. Il résulte de l'instruction que par un jugement n° 1900463, 2001073 du 4 mars 2021 devenu définitif, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 14 décembre 2018 de la directrice des ressources humaines et de la formation du centre hospitalier universitaire plaçant Mme A... en situation de disponibilité d'office pour raisons de santé du 25 décembre 2017 au 24 décembre 2018, ainsi que la décision du 14 janvier 2020 la plaçant dans cette même position du 25 décembre 2014 au 24 décembre 2018 à la suite de l'arrêt n°18MA00409 rendu par la cour administrative d'appel de Marseille le 5 décembre 2019. Le tribunal a estimé qu'au regard des éléments médicaux produits, si le placement en disponibilité de Mme A... a pu être justifié par l'incompatibilité de son état de santé avec ses fonctions de puéricultrice, l'intéressée n'était toutefois pas inapte à toutes fonctions et une réintégration, sur un poste aménagé ou dans le cadre d'un reclassement, pouvait être envisagée. Or, celle-ci n'ayant pas été invitée à exercer son droit au reclassement, le tribunal a considéré que le maintien de la disponibilité d'office à compter du 25 décembre 2014 était entaché d'erreur de droit. Si le centre hospitalier expose dans ses écritures en appel que Mme A... a fait valoir ses droits à un congé maternité du 18 août 2015 au 15 février 2016, il ne justifie d'aucune recherche d'un poste adapté et d'une impossibilité de la reclasser à l'issue de ce congé maternité et jusqu'au 24 décembre 2018. S'il se prévaut de nouveau des différents avis médicaux rendus, il ressort cependant de l'avis émis par le médecin agréé le 27 août 2015 que l'état de santé de l'intéressée était incompatible avec une réintégration dans les seules fonctions de puéricultrice. L'avis émis par ce médecin le 12 janvier 2016 évoquait l'absence d'élément médical nouveau de nature à lever la contre-indication à la manutention des patients. En outre, le jugement précité retient un vice de procédure entachant les décisions de maintien en disponibilité d'office à compter du 25 décembre 2015, en l'absence de saisine du comité médical, puis de la commission de réforme lors du dernier renouvellement ainsi que le prévoient les dispositions de l'article 36 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière. Le comité médical ne s'est ainsi prononcé sur la situation de l'intéressée que le 19 février 2015, concernant la demande de placement en congé de longue maladie à compter du 25 décembre 2013 et de reprise à mi-temps thérapeutique, puis le 8 novembre 2018 afin de régulariser sa situation, sans que cette dernière consultation ne suffise à démontrer la régularité de la procédure suivie au regard des dispositions énoncées au point 3. Ces fautes tenant à l'irrégularité de la procédure suivie et à l'absence de recherche d'un poste adapté pendant une durée de trois ans sont de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier, ainsi que l'ont à bon droit estimé les premiers juges.
Sur les préjudices :
5. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.
6. Eu égard à ce qui a été énoncé au point 4, Mme A..., qui a été réintégrée sur un poste adapté à compter du 25 décembre 2018, a perdu une chance sérieuse d'être réintégrée à compter du 25 décembre 2015. Il résulte de l'instruction, notamment des bulletins de paie produits par l'intéressée devant le tribunal, que celle-ci a perçu des indemnités journalières pour un montant net moyen de 1 509 euros, du 25 décembre 2015 au 24 décembre 2018. L'absence de recherche de reclassement sur un poste adapté lui a fait perdre une chance sérieuse de percevoir son traitement indiciaire, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que la prime spécifique paramédicale et l'indemnité de sujétion spéciale. Compte-tenu des traitements et primes qu'elle perçoit depuis sa réintégration effective, à l'indice majoré 423, et dans les circonstances de l'espèce, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice de l'appelante jusqu'au 24 décembre 2018 en indemnisant sa perte de revenus financiers à hauteur de 12 000 euros.
7. Si Mme A... demande la réparation du préjudice financier qu'elle subira au moment de sa retraite du fait de son absence de réintégration, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressée aurait déjà pu faire valoir ses droits à la retraite à la date du présent arrêt. Ainsi, le préjudice qui résulterait de la perte de ses droits à pension présente à l'heure actuelle un caractère incertain.
8. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme A... du fait de son maintien irrégulier en disponibilité d'office pour raison de santé, alors qu'elle ne fait état d'aucune démarche qu'elle aurait effectuée pendant trois années afin d'être réintégrée avant l'échéance de sa disponibilité d'office, en l'évaluant à la somme de 1 000 euros comme l'ont estimé les premiers juges.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier ne lui a alloué qu'une somme de 13 000 euros en réparation de ses préjudices.
Sur les frais de l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier universitaire de Montpellier et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera une somme de 1 000 euros au centre hospitalier universitaire de Montpellier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier universitaire de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 21 février 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°21TL01652 2