Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Expert Immo a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le certificat d'urbanisme négatif du 15 janvier 2020 par lequel le maire de Montredon-des-Corbières a déclaré non réalisable son projet de lotissement de cinq lots.
Par un jugement n° 2000584 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande et a mis à la charge de la société Expert Immo une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 août 2020 sous le n° 20MA03186 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL03186 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société à responsabilité limitée Expert Immo, représentée par Me Boillot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000584 du 30 juin 2020 ;
2°) d'annuler le certificat d'urbanisme négatif délivré le 15 janvier 2020 par le maire de Montredon-des-Corbières ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au maire de Montredon-des-Corbières de lui délivrer un certificat d'urbanisme positif dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, d'enjoindre au maire de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Montredon-des-Corbières une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par le maire au regard des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme s'agissant de la desserte du projet par le réseau d'électricité ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- l'arrêté en litige méconnaît l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux motifs du jugement du 13 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier avait annulé le précédent certificat d'urbanisme délivré le 5 septembre 2018 ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article UC 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Montredon-des-Corbières s'agissant de l'accès au projet ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme et de l'article UC 4 du règlement du plan local d'urbanisme s'agissant de la desserte par les réseaux d'eau potable, d'assainissement et d'électricité.
Une mise en demeure a été adressée à la commune de Montredon-des-Corbières le 25 juillet 2022.
Par une ordonnance du 7 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Boillot, représentant la société requérante.
Considérant ce qui suit :
1. La société Expert Immo a sollicité, le 5 juillet 2018, un certificat d'urbanisme portant sur la réalisation d'un lotissement composé de cinq lots destinés à la construction d'habitations sur les parcelles cadastrées section BA 57, 59 et 69, situées au lieu-dit " Pech Montredon ", sur le territoire de la commune de Montredon-des-Corbières (Aude). Le maire de cette commune lui a délivré, le 5 septembre 2018, un certificat d'urbanisme indiquant que le terrain ne pouvait être utilisé pour la réalisation de l'opération projetée. Par un jugement n° 1805132 rendu le 13 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier, saisi par la société Expert Immo, a annulé ce certificat d'urbanisme et ordonné une nouvelle instruction de la demande. Le maire de Montredon-des-Corbières a délivré à ladite société, le 15 janvier 2020, un nouveau certificat d'urbanisme indiquant toujours que le projet de lotissement n'était pas réalisable. Par la présente requête, la société Expert Immo fait appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de ce certificat.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Montpellier y a répondu, au point 8, au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme que la société Expert Immo avait invoqué devant lui, en relevant notamment que les réseaux d'eau et d'assainissement ne présentaient pas un caractère suffisant pour alimenter le lotissement projeté. Si la société appelante fait valoir que le tribunal ne s'est pas prononcé sur la situation de son projet au regard de sa desserte par le réseau d'électricité, les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés à l'appui du moyen dont s'agit. Par suite, le jugement n'est pas entaché de l'irrégularité invoquée.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. L'article R. 612-6 du code de justice administrative dispose que : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 25 juillet 2022 par la voie de l'application " Télérecours ", la commune de Montredon-des-Corbières n'a produit aucun mémoire en défense avant la clôture de l'instruction. Ainsi, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête. Il appartient toutefois au juge de vérifier que ces faits ne sont pas contredits par l'instruction et qu'aucune règle d'ordre public ne s'oppose à ce qu'il soit donné satisfaction au requérant. En outre, l'acquiescement aux faits est en lui-même sans conséquence sur la qualification juridique au regard des textes sur lesquels l'administration s'est fondée ou dont le requérant revendique l'application.
4. Il ressort des termes du certificat d'urbanisme en litige que, pour estimer que le projet de la société Expert Immo n'était pas réalisable, le maire de Montredon-des-Corbières s'est fondé, d'une part, sur ce que l'accès au projet par la route départementale n° 6113 serait de nature à porter atteinte à la sécurité publique et, d'autre part, sur ce que le terrain d'assiette du projet n'était pas desservi par les réseaux d'eau potable, d'assainissement et d'électricité.
5. En premier lieu, selon l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
6. Selon l'article UC 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Montredon-des-Corbières, applicable dans la zone UC au sein de laquelle se situe, pour sa majeure partie, le terrain d'assiette du projet : " Accès et voirie : / 1 - Accès : / Tout terrain enclavé est inconstructible à moins que son propriétaire n'aménage un accès à une voie publique ou privée. / Les caractéristiques des accès doivent permettre de satisfaire aux règles minimales de sécurité, telles que la défense contre l'incendie et la protection civile. / (...) / Lorsque le terrain est riverain de plusieurs voies publiques, l'accès sur les voies qui présentent une gêne ou un risque pour la circulation peut être interdit. / Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique. / (...) ".
7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, par le jugement du 13 novembre 2019 mentionné au point 1 du présent arrêt, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le précédent certificat d'urbanisme délivré à la société Expert Immo le 5 septembre 2018 en retenant, notamment, que le maire n'avait pas pu légalement lui opposer les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme s'agissant des conditions d'accès à son projet. Si la société appelante soutient que le maire aurait méconnu l'autorité de la chose jugée en se fondant sur le même motif, lequel constituait le support nécessaire du dispositif dudit jugement, pour lui délivrer le nouveau certificat en litige, il ressort des termes de ce dernier certificat que le maire y a estimé que la desserte du projet par la route départementale n° 6113 ne respectait pas les prescriptions de l'article UC 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, invoquant ainsi un motif de droit distinct de celui sur lequel reposait le certificat annulé, en s'appuyant au surplus sur un avis émis par le président du conseil départemental de l'Aude le 18 décembre 2019, en sa qualité d'autorité gestionnaire de la voie, alors qu'aucun avis de cette autorité n'était intervenu avant la délivrance du premier certificat. Eu égard à ces circonstances nouvelles, la société Expert Immo n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige aurait été prise en violation de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement susmentionné.
8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'accès au projet a été prévu sur la route départementale n° 6113 reliant Narbonne à Carcassonne, laquelle est classée route de première catégorie à grande circulation et itinéraire de transports exceptionnels. Dans son avis rendu sur le projet le 18 décembre 2019, le président du conseil départemental de l'Aude a souligné que la circulation automobile était très importante sur cette voie située en dehors de l'agglomération et que les vitesses pratiquées par les véhicules y restaient élevées en dépit des limitations règlementaires. Il a également estimé que, malgré la présence d'une ligne continue sur cette route, il existait un risque important de " cisaillement " de la voie par les habitants du lotissement lors de leurs entrées et sorties et, par voie de conséquence, un risque d'accident au regard de la configuration des lieux. Il a enfin précisé que la sécurisation de l'accès exigerait la mise en place d'un terre-plein central de grande largeur, ce qui supposerait un élargissement de la voie particulièrement malaisé à réaliser compte tenu des contraintes techniques et de son impact économique démesuré à l'échelle du projet. Si la société Expert Immo relève que l'accès prévu donne sur une ligne droite, il ressort cependant des pièces du dossier qu'un virage situé à moins de cent mètres vers l'est restreint la visibilité pour les usagers. Dans ces conditions, la seule installation d'un panneau de signalisation, proposée par la société requérante, ne peut être regardée comme suffisante pour garantir la sécurité des conditions d'accès au lotissement par la route départementale n° 6113. Par suite, c'est sans méconnaître l'article UC 3 du règlement du plan local d'urbanisme que le maire de Montredon-des-Corbières a pu opposer les risques liés à l'accès pour délivrer le certificat d'urbanisme en litige à la société requérante.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. ". Il résulte de ces dispositions que le permis doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte du projet et, d'autre part, lorsque l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité ou par quel concessionnaire ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.
10. Selon l'article UC 4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Montredon-des-Corbières : " Desserte par les réseaux : / Alimentation en eau potable : / Toute construction ou installation doit être raccordée à un réseau public de distribution d'eau potable, suffisant et conforme, sauf les bâtiments n'en nécessitant pas par leur utilisation (garages, celliers). / Eaux usées : / Toute construction ou installation doit être raccordée par des canalisations souterraines au réseau collectif d'assainissement. / Electricité (...) : / Les raccordements aux lignes (...) de distribution d'énergie électrique doivent être installés en souterrain chaque fois que les conditions techniques et économiques le permettent et dans tous les cas lorsque les lignes publiques sont enterrées. / les réseaux établis dans le périmètre des lotissements et des opérations groupées doivent être réalisés en souterrain. (...) ".
11. D'une part, lorsqu'il a été ressaisi du projet de la société Expert Immo, le service " eau et assainissement " de la communauté d'agglomération du Grand Narbonne a relevé, par son avis émis le 7 janvier 2020, d'une part, que le terrain d'assiette du projet n'était pas desservi par les réseaux d'eau potable et d'assainissement et, d'autre part, que les deux réseaux en cause n'avaient pas une capacité suffisante pour assurer sa desserte. En se bornant à produire un procès-verbal de constat d'huissier établi à sa diligence le 2 novembre 2018 et attestant de la présence de regards d'arrivée et d'évacuation des eaux sur une propriété voisine, la société requérante n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'élément de nature à contredire les mentions de l'avis du service gestionnaire s'agissant de la capacité insuffisante de ces deux réseaux. Dès lors que la collectivité publique n'avait par ailleurs pas programmé les travaux de renforcement requis, ainsi que le précise d'ailleurs explicitement le certificat d'urbanisme en litige, le maire de Montredon-des-Corbières a pu légalement opposer à la société Expert Immo l'absence de desserte de son projet par les réseaux d'eau potable et d'assainissement.
12. D'autre part et en revanche, lorsqu'elle a été consultée par le service instructeur, la société Enedis s'est bornée à indiquer, par son avis du 8 janvier 2020, qu'elle avait noté que l'opération exigerait d'alimenter une installation dont la puissance ne relèverait pas d'un simple branchement pour un particulier, qu'une étude électrique serait réalisée lors de l'instruction de l'autorisation d'urbanisme et que des travaux d'extension du réseau électrique seraient alors " potentiellement nécessaires ". Eu égard aux termes imprécis de cet avis, le maire ne pouvait pas légalement retenir dans sa décision, sans avoir réalisé des diligences complémentaires, que le projet de lotissement impliquerait nécessairement une extension du réseau électrique. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que le maire a méconnu les dispositions citées aux points 9 et 10 ci-dessus en tant qu'il s'est prononcé sur la desserte électrique du terrain.
13. Il résulte de ce qui précède que seul est entaché d'illégalité le motif opposé par le maire de Montredon-de-Corbières au titre de l'absence de desserte de l'opération par le réseau public de distribution d'électricité. Il résulte toutefois de l'instruction que le maire aurait pris la même décision sur la demande de certificat d'urbanisme déposée par la société Expert Immo s'il s'était fondé uniquement sur les motifs légaux tirés de l'insuffisance de l'accès au projet et de l'absence de desserte de ce dernier par les réseaux d'eau potable et d'assainissement.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Expert Immo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation du certificat d'urbanisme du 15 janvier 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
15. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation et n'implique aucune mesure d'exécution particulière au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montredon-des-Corbières, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Expert Immo au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Expert Immo est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Expert Immo et à la commune de Montredon-des-Corbières.
Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de l'Aude, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20TL03186