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07/02/2023 | FRANCE | N°21TL00336

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 07 février 2023, 21TL00336


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Saint-Chinian à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi et de mettre à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900283 du 27 novembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Saint-Chinian à verser à M. C... une somme de 1 000 euros en r

paration de son préjudice moral, mis à la charge de la commune la somme de 1 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Saint-Chinian à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi et de mettre à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900283 du 27 novembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Saint-Chinian à verser à M. C... une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral, mis à la charge de la commune la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 janvier 2021 et le 27 juillet 2021, sous le n° 21MA00336 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL00336, M. B... C..., représenté par Me Alias, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 27 novembre 2020 en ce qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice subi à la somme de 1 000 euros ;

2°) de condamner la commune de Saint-Chinian à lui verser la somme de 3 008 euros en réparation du préjudice financier subi ainsi que la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Chinian la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux entiers dépens.

Il soutient que :

- la commune a commis plusieurs fautes de nature à engager sa responsabilité en raison de l'illégalité de la rupture de son contrat par lettre du 17 août 2017 : cette décision de licenciement a été prise par une autorité incompétente, à l'issue d'une procédure irrégulière à défaut d'entretien préalable et du respect du délai de préavis mentionné à l'article 6 du contrat ; le motif invoqué est totalement infondé dès lors qu'il avait justifié de son absence ;

- elle a également commis une faute de nature à engager sa responsabilité en raison de l'illégalité des conditions de son recrutement : il appartiendra à la commune de justifier que le maire était habilité par le conseil municipal pour recruter un agent non titulaire pour remplacer un agent en arrêt maladie ; le motif de son recrutement est imprécis et ne permet pas de considérer que les dispositions de l'article 3-1 de la loi du 26 janvier 1984 ont été respectées ;

- il a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral durant l'exécution de son contrat, au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ; il a également été victime de pressions de la part des membres du conseil municipal après la rupture de son contrat ;

- il est fondé à solliciter l'indemnisation de la perte du traitement qu'il aurait dû percevoir jusqu'au terme de son contrat, ainsi que le préjudice moral subi, lesquels préjudices sont directement imputables aux fautes commises par la commune.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2021, la commune de Saint-Chinian, représentée par Me Hiault Spitzer de la SCP Juris Excell, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- aucune faute ne lui est imputable alors qu'elle a mis un terme à la période d'essai de M. C... et que la décision du 17 août 2017 est définitive ;

- le tribunal n'a pas recherché si le maire aurait pris la même décision que sa première adjointe et la responsabilité de la commune doit être écartée s'agissant de l'illégalité liée au vice d'incompétence ; les vices de forme et de procédure ne sont pas de nature à engager sa responsabilité ;

- la décision mettant fin au contrat de M. C... aurait pu être prise sur le motif tiré de l'insuffisance professionnelle, de sorte que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande de substitution de motifs ;

- le moyen tiré de l'illégalité des conditions de recrutement de M. C... est inopérant en ce que cette prétendue illégalité ne présente aucun lien de causalité avec la rupture de son contrat travail ;

- M. C... n'apporte aucun élément susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ;

- les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice financier, nouvelles en appel, sont irrecevables ; celles tendant à l'indemnisation du préjudice moral sont infondées.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. C....

Par ordonnance du 13 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 13 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit:

1. M. C... a été recruté par la commune de Saint-Chinian (Hérault) sur un emploi d'agent administratif polyvalent par cinq contrats à durée déterminés successifs sur des périodes non continues à compter du 11 avril 2016, le dernier ayant été conclu pour la période du 14 août au 15 octobre 2017. Par une décision du 17 août 2017, la première adjointe au maire de la commune de Saint-Chinian a mis fin au contrat de travail de M. C... à compter du 20 août 2017. Par un courrier du 7 novembre 2018, l'intéressé a introduit une réclamation préalable auprès de la commune de Saint-Chinian afin d'obtenir le versement d'une somme de 15 000 euros au titre des préjudices qu'il estimait avoir subis. En l'absence de réponse à sa demande, M. C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estimait avoir subi. Par un jugement rendu le 27 novembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Saint-Chinian à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité l'indemnisation sollicitée à la somme de 1 000 euros et demande en outre la condamnation de la commune à lui verser la somme de 3 008 euros au titre de son préjudice financier.

Sur la fin de non-recevoir opposée aux conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice financier :

2. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant, le cas échéant, des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle.

3. Devant le tribunal administratif, M. C... a limité ses conclusions à la condamnation de la commune de Saint-Chinian à lui allouer une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estimait avoir subi. Dès lors, les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice financier subi par l'intéressé en raison de la perte de son traitement jusqu'à la fin de son contrat à hauteur de la somme de 3 008 euros venant s'ajouter à l'indemnité de 15 000 euros sollicitée en réparation de son préjudice moral, ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et sont, par suite, irrecevables. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense par la commune doit être accueillie.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

En ce qui concerne les fautes alléguées :

S'agissant de l'illégalité de la décision litigieuse du 17 août 2017 :

4. Aux termes de l'article 4 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige : " Le contrat peut comporter une période d'essai qui permet à la collectivité territoriale ou à l'établissement public d'évaluer les compétences de l'agent et à ce dernier d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été recruté par la commune de Saint-Chinian à plusieurs reprises à compter du 11 avril 2016 par contrats à durée déterminée d'une durée maximale de deux mois. A l'instar des précédents contrats, le dernier contrat qui a été conclu pour la période du 14 août au 15 octobre 2017 sur des fonctions d'agent administratif polyvalent ne prévoyait aucune période d'essai, contrairement à ce que persiste à faire valoir la commune en appel. Par suite, la décision du 17 août 2017 mettant fin au contrat de M. C... à compter du 20 août suivant constitue un licenciement avant l'échéance du contrat.

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation, à des membres du conseil municipal. (...) ".

7. La décision mettant fin au contrat de M. C... a été signée par Mme D..., première adjointe au maire, laquelle ne disposait d'aucune délégation consentie par le maire aux fins de signer une décision de licenciement. Par suite, la décision du 17 août 2017 a été prise par une autorité incompétente. Cette illégalité fautive est de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Chinian.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 42 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, dans sa version alors applicable : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La convocation à l'entretien préalable est effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. L'agent peut se faire accompagner par la personne de son choix. Au cours de l'entretien préalable, l'autorité territoriale indique à l'agent le ou les motifs du licenciement. En cas de licenciement pour l'un des motifs prévus à l'article 13 ou aux 1° à 4° de l'article 39-3 l'employeur territorial informe l'agent du délai pendant lequel il doit présenter sa demande écrite de reclassement ainsi que les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont présentées. ".

9. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

10. Il est constant que M. C... n'a bénéficié d'aucun entretien préalable à son licenciement et a ainsi été privé d'une garantie. Par suite, la décision du 17 août 2017 est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance de l'article 42 du décret du 15 février 1988. Cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Chinian.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 40 du décret du 15 février 1988 : " L'agent recruté pour une durée indéterminée ainsi que l'agent qui, engagé par contrat à durée déterminée, est licencié avant le terme de son contrat, a droit à un préavis qui est de : -huit jours pour l'agent qui justifie auprès de l'autorité qui l'a recruté d'une ancienneté de services inférieure à six mois de services ; - un mois pour l'agent qui justifie auprès de l'autorité qui l'a recruté d'une ancienneté de services égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans ; - deux mois pour l'agent qui justifie auprès de l'autorité qui l'a recruté d'une ancienneté de services égale ou supérieure à deux ans. (...) ".

12. Il est également constant que M. C... a été licencié sans préavis, en méconnaissance des dispositions énoncés à l'article 6 de son contrat, alors qu'il bénéficiait d'une ancienneté de services d'environ quatre mois. Par suite, cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Chinian.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 39-2 du décret du 15 février 1988 : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle. L'agent doit préalablement être mis à même de demander la communication de l'intégralité de toute pièce figurant dans son dossier individuel, dans un délai suffisant permettant à l'intéressé d'en prendre connaissance. Le droit à communication concerne également toute pièce sur laquelle l'autorité territoriale entend fonder sa décision, même si elle ne figure pas au dossier individuel. ". Aux termes de l'article 42 du même texte : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La convocation à l'entretien préalable est effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. (...) ".

14. La décision mettant fin au contrat de M. C... est fondée sur son absence le 17 août 2017 à son poste de travail, alors même que l'intéressé avait fait parvenir un avis d'arrêt de travail allant jusqu'au 18 août inclus par le biais de son père qui s'est présenté à la mairie le 17 août à 16 heures 30, et avait par ailleurs transmis ledit avis à la caisse primaire d'assurance maladie qui l'a reçu dès le même jour. La commune fait de nouveau valoir en appel que la décision aurait pu être prise sur un autre motif tiré de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, lequel motif avait été évoqué dans le compte-rendu du conseil municipal du 24 août 2017, alors même qu'elle venait de conclure un nouveau contrat d'une durée de deux mois avec M. C... trois jours avant la décision y mettant fin. Toutefois, à supposer même que ce motif puisse être regardé comme établi, ce qui ne résulte d'aucune pièce produite, la commune de Saint-Chinian n'ayant pas davantage observé la procédure prévue notamment par les articles 39-2 et 42 du décret du 15 février 1988 avant de mettre un terme au contrat de l'intéressé, il ne peut être fait droit à la demande de substitution de motif dès lors qu'elle priverait celui-ci d'une garantie procédurale. Dans ces conditions, M. C... est également fondé à soutenir que la commune de Saint-Chinian ne pouvait pas légalement procéder à la rupture de son contrat de travail par la décision du 17 août 2017. Cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Chinian.

S'agissant de l'illégalité du recrutement de M. C... :

15. D'une part, aux termes de l'article 34 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale alors applicable : " Les emplois de chaque collectivité ou établissement sont créés par l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement. (...) ". L'article 40 de cette même loi dispose que : " La nomination aux grades et emplois de la fonction publique territoriale est de la compétence exclusive de l'autorité territoriale (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation, à des membres du conseil municipal (...) ".

16. D'autre part, l'article 3-1 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa version applicable du 14 mars 2012 au 8 août 2019 dispose que : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et pour répondre à des besoins temporaires, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour assurer le remplacement temporaire de fonctionnaires ou d'agents contractuels autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé annuel, d'un congé de maladie, de grave ou de longue maladie, d'un congé de longue durée, d'un congé de maternité ou pour adoption, d'un congé parental ou d'un congé de présence parentale, d'un congé de solidarité familiale ou de l'accomplissement du service civil ou national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux ou de leur participation à des activités dans le cadre des réserves opérationnelle, de sécurité civile ou sanitaire ou en raison de tout autre congé régulièrement octroyé en application des dispositions réglementaires applicables aux agents contractuels de la fonction publique territoriale. ".

17. Le maire de Saint-Chinian était compétent pour procéder au recrutement de M. C... sur l'emploi existant d'agent administratif polyvalent en application des dispositions de l'article 3-1 de la loi du 26 janvier 1984, en raison du placement d'un agent en congé de maladie. Le contrat à durée déterminée conclu le 11 août 2017 mentionne que " en raison d'arrêts maladie, le bon fonctionnement des services implique le recrutement d'un agent contractuel ". L'appelant se borne à soutenir que ce motif imprécis ne permet pas de considérer que les dispositions de l'article 3-1 de la loi du 26 janvier 1984 ont été respectées, sans autres précisions utiles. Aucune illégalité fautive en raison du recrutement de M. C... par un contrat à durée déterminée sur le fondement des dispositions de l'article 3-1 de la loi du 26 janvier 1984 ne saurait dès lors être retenue, alors que cette décision était, en tout état de cause, favorable au requérant.

S'agissant des faits de harcèlement moral :

18. Aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses (...) ". Aux termes de l'article 6 quinquies de la même loi : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".

19. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

20. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

21. M. C... soutient qu'il a subi des agissements répétés de harcèlement moral constitués par des reproches infondés et humiliants, des accusations de vol, des pressions quotidiennes et des exclusions de réunions. Toutefois, alors que l'intéressé a exercé des fonctions au sein de la commune pendant une durée totale d'environ un mois et demi en 2016, entre le 11 avril et le 15 juillet, puis de manière continue à compter du 1er juin 2017, il a conclu un nouveau contrat le 11 août prenant effet le 14 août 2017. Ni la circonstance que la première adjointe au maire se soit rendue à son domicile le 17 août 2017 au matin, après avoir constaté son absence à son poste de travail, ni celle que ladite première adjointe ait donné consigne le jour-même de refuser de réceptionner son avis d'arrêt de travail, ne sauraient révéler par elles-mêmes des agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre. La seule production d'un courriel que le requérant a adressé au préfet de l'Hérault ainsi qu'au cabinet du ministre de l'intérieur le 22 août 2017 afin d'alerter sur sa situation, notamment le refus de la gendarmerie de Saint-Chinian d'enregistrer sa plainte pour des faits de harcèlement et de licenciement abusif, ne saurait permettre de présumer qu'il aurait été victime de faits de harcèlement avant son licenciement. Les attestations produites émanant d'agents de la commune et d'un élu de l'opposition ne font aucune mention de faits le concernant, et se bornent à faire état des difficultés rencontrées par ces personnes elles-mêmes. Les faits invoqués qui se sont produits après son licenciement, en particulier une altercation dont il aurait été victime le 14 juillet 2018, à les supposer même établis, ne sauraient davantage révéler des faits de harcèlement subis par M. C... dans le cadre de ses fonctions. Ainsi, dès lors que les éléments exposés par M. C... ne révèlent aucun fait susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre, au sens des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la commune de Saint-Chinian aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité sur ce fondement.

En ce qui concerne le préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision du 17 août 2017 :

22. Lorsqu'un agent public sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, de la décision prononçant son éviction du service, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise dans le cadre d'une procédure régulière.

23. De même, lorsque la décision administrative est entachée d'un vice de forme, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement être prise. Si tel est le cas, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme trouvant sa cause directe dans le vice de forme entachant la décision administrative illégale.

24. Il résulte de ce qui a été énoncé aux points 7, 10, 12 et 14 que la décision attaquée du 17 août 2017 est entachée d'incompétence, de vices de procédures et d'illégalité interne.

25. Il résulte de l'instruction que, s'agissant de la faute imputable à la commune de Saint-Chinian tenant au vice d'incompétence, la même décision aurait pu être légalement prise si Mme A... avait disposé d'une délégation de signature régulière du maire. S'agissant en revanche des vices de procédure tirés de l'absence d'entretien préalable au licenciement et de préavis, la commune aurait pu ne pas prendre la même décision dès lors que M. C... disposait d'un justificatif médical à son absence du 17 août 2017. La décision en date du même jour est en outre entachée d'une illégalité de fond, ainsi qu'il a été exposé au point 14.

26. Compte tenu des conditions d'éviction de M. C..., de la durée de son contrat et des fautes commises par la commune de Saint-Chinian, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi en lui allouant la somme de 1 000 euros qui lui a été accordée par les premiers juges.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a limité l'indemnisation sollicitée à la somme de 1 000 euros et rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

28. Les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Chinian, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, et la charge des dépens.

29. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Chinian et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera à la commune de Saint-Chinian la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la commune de Saint-Chinian.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2023.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21TL00336 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00336
Date de la décision : 07/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Anne BLIN
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : ALIAS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-02-07;21tl00336 ?
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