Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Hocy a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2002886 du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrées le 21 novembre 2022 et le 30 décembre 2022, la société Hocy, représentée par Me Orbillot, demande au juge des référés de la cour, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre la mise en recouvrement des cotisations d'impôt sur les sociétés contestées ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la condition d'urgence est remplie dès lors que :
- la mise en recouvrement des impositions contestées, qui dépasse ses capacités contributives, menacerait la pérennité de l'activité du groupe qu'elle constitue, en tant que société holding, avec les sociétés filiales (les sociétés La Bastide et KS) ;
- la société La Bastide, au regard notamment du montant élevé des concours bancaires qu'elle doit rembourser, ne peut procéder au paiement des impositions contestées, sauf à vendre son stock immobilier dans la précipitation et donc à perte ;
Elle soutient qu'il existe un doute sérieux quant au bien-fondé des impositions contestées dès lors que :
- elle n'a jamais reçu l'avis de mise en recouvrement des impositions contestées, la procédure d'imposition est irrégulière et cette irrégularité l'a privée d'une garantie ;
- en l'absence de notification de cet avis de mise en recouvrement, les impositions litigieuses sont prescrites ;
- la notification de l'avis de mise en recouvrement à une ancienne adresse n'est pas régulière ;
- la somme de 63 648 euros ne constitue pas un abandon de créance de la part de M. B... et la société La Bastide a, en 2021, remboursé cette somme à M. B... ;
- la somme de 450 000 euros que la société civile immobilière du Destin a versée à la société La Bastide n'est pas une libéralité mais un prêt qui a été remboursé, ainsi qu'un acte sous seing privé en atteste ;
- la somme de 86 352 euros dont la société La Bastide a bénéficié ne constitue pas une libéralité mais un prêt consenti par M. B... et qui lui a été remboursé.
Par un mémoire, enregistré le 8 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la condition d'urgence n'est pas établie dès lors que la société La Bastide, solidaire pour le paiement de l'intégralité des impositions dont la société Hocy est redevable en application du dernier alinéa du III de l'article 223 A du code général des impôts, a la capacité d'acquitter les impositions contestées sans que cela n'entraîne des conséquences suffisamment graves et immédiates ;
- les moyens que la société Hocy soulève ne sont pas propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la régularité de la procédure ou au bien-fondé des impositions en litige.
Le président de la cour a, par une décision du 1er septembre 2022, désigné M. Alain Barthez, président de la 1ère chambre, pour statuer sur les demandes de référé.
Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2022 sous le n° 22TL22239, par laquelle la société Hocy demande à la cour d'annuler le jugement du 14 octobre 2022 du tribunal administratif de Nîmes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 14 décembre 2022 :
- le rapport de M. Barthez, juge des référés ;
- les observations de Me Coelho, substituant Me Orbillot, représentant la société Hocy, qui souligne la fragilité de la situation économique du groupe qui, en cas de paiement des impositions en litige, devrait être placé en liquidation judiciaire et qui, pour le reste, persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
- et les observations de Mme A..., représentant le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens.
La clôture immédiate de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience à 14 heures 20.
Considérant ce qui suit :
1. La société La Bastide, qui exerce l'activité de marchands de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 25 octobre 2017 au 22 janvier 2018 à l'issue de laquelle lui ont été notifiés des rehaussements concernant, notamment, l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015 et 2016. Cette société faisant partie d'un groupe fiscal intégré, ces impositions ont été mises en recouvrement à l'encontre de la société-mère, la société Hocy le 31 juillet 2019. Par un jugement du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes et, à la suite de ce jugement, l'administration fiscale a adressé à la société Hocy une mise en demeure de payer, en date du 20 octobre 2022, valant commandement de payer. La société Hocy, qui a saisi la cour administrative d'appel d'une requête tendant à l'annulation de ce jugement et à la décharge des impositions contestées, demande à la cour de prononcer la suspension de la mise en recouvrement de ces impositions.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation au en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ". L'article L. 522-1 du même code dispose que : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. / Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique. / Sauf renvoi à une formation collégiale, l'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public ".
3. Le contribuable qui a saisi le juge de l'impôt de conclusions tendant à la décharge de tout ou partie d'une imposition à laquelle il a été assujetti est recevable à demander au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la mise en recouvrement de l'imposition dont il s'agit, dès lors que celle-ci est exigible. Le prononcé de cette suspension est subordonné à la double condition, d'une part, qu'il soit fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé de l'imposition et, d'autre part, que l'urgence justifie la mesure de suspension sollicitée.
4. L'urgence s'apprécie objectivement et compte-tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce. En cas de demande de suspension de la mise en recouvrement d'impositions, pour vérifier si la condition d'urgence est satisfaite, le juge des référés doit apprécier la gravité des conséquences que pourraient entraîner, à brève échéance, l'obligation de payer sans délai l'imposition ou les mesures mises en œuvre ou susceptibles de l'être pour son recouvrement, eu égard aux capacités du contribuable à acquitter les sommes demandées. Pour apprécier la faculté du contribuable de se libérer de sa dette, il y a lieu de prendre en compte l'ensemble de son patrimoine et des fonds dont il dispose.
5. Aux termes du dernier alinéa du III de l'article 223 A du code général des impôts : " Chaque société du groupe est tenue solidairement au paiement de l'impôt sur les sociétés et, le cas échéant, des intérêts de retard, majorations et amendes fiscales correspondantes, dont la société mère est redevable, à hauteur de l'impôt et des pénalités qui seraient dus par la société si celle-ci n'était pas membre du groupe ". En l'espèce, les impositions en litige procèdent en totalité de la vérification de comptabilité de la société La Bastide et cette société est donc tenue solidairement au paiement des impôts contestés.
6. Il résulte de l'instruction que la société Hocy dispose de capitaux propres d'un montant de 192 607 euros. En outre, cette société produit en réplique le bilan comptable et le compte de résultat de la société La Bastide et confirme ainsi les indications de l'administration selon lesquelles le chiffre d'affaires réalisé en 2021 s'élève à la somme de 1 801 960 euros, correspondant à la vente de plusieurs biens immobiliers, et cette dernière société dispose d'un stock de marchandises, en l'espèce des immeubles, d'une valeur de 1 606 166 euros et d'" autres réserves " d'un montant de 332 545 euros. Ainsi, alors même que le niveau des liquidités dont disposent ces sociétés est très faible et que la société La Bastide a bénéficié de concours bancaires d'un montant de 1 111 804 euros, il ne résulte pas de l'instruction, notamment de la comparaison des chiffres précédemment mentionnés, qu'elle ne pourrait bénéficier de nouveaux concours bancaires temporaires pour permettre, en l'absence de liquidités, le paiement des impositions litigieuses dans l'attente de la vente des biens immobiliers détenus. En outre, l'impossibilité alléguée de procéder rapidement à de telles cessions sauf à accepter une décote importante n'est assortie d'aucune pièce de nature à en établir la réalité. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le recouvrement forcé des impositions litigieuses, d'un montant en droits et pénalités de 300 926 euros, entraînerait des conséquences graves et à brève échéance sur la situation de la société Hocy. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la régularité de la procédure d'imposition et au bien-fondé des impositions, la condition d'urgence n'est pas satisfaite.
7. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter les conclusions à fin de suspension de la mise en recouvrement des impositions contestées. Par voie de conséquence, il y a également lieu de rejeter les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la société Hocy est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Hocy et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Fait à Toulouse, le 4 janvier 2023.
Le juge des référés,
A. Barthez
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21371