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30/12/2022 | FRANCE | N°20TL04693

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 30 décembre 2022, 20TL04693


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision par laquelle la rectrice de la région académique Occitanie a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle formulée le 2 juillet 2018, d'enjoindre à l'autorité administrative de réexaminer sa situation et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803415 du 20 octobre 2020, le tri

bunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision par laquelle la rectrice de la région académique Occitanie a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle formulée le 2 juillet 2018, d'enjoindre à l'autorité administrative de réexaminer sa situation et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803415 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2020 sous le n° 20MA04693, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°20TL04693, Mme A..., représentée par la SCP Lemoine Clabeaut, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1803415 du tribunal administratif de Nîmes du 20 octobre 2020 ;

2°) d'annuler la décision par laquelle la rectrice de la région académique Occitanie a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle formulée le 2 juillet 2018 ;

3°) d'enjoindre à l'autorité administrative de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration n'a pas motivé sa décision alors qu'elle a interrogé le rectorat, le 5 novembre 2018, sur la réalité de cette demande ;

- sa hiérarchie a reconnu que ses conditions de travail sont à l'origine de son affection mais elle a paradoxalement et sans s'interroger sur la base légale permettant l'octroi de la protection fonctionnelle, refusé de la lui accorder alors qu'elle y avait droit en application des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- la reconnaissance de l'accident de travail, la réalisation d'une enquête administrative et les conclusions du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail justifiaient qu'une protection fonctionnelle lui soit accordée ;

- elle a été harcelée dès la rentrée 2016 en se voyant refuser le bénéfice d'un logement de fonction alors qu'elle était prioritaire pour en bénéficier, elle a été mise à l'écart et a été privée des informations lui permettant d'assurer ses missions, aucune de ses initiatives n'a été suivie d'effet ; ses fonctions ont été redistribuées entre les différents intervenants et elle a été isolée ;

- les faits dont elle est victime sont nombreux et répétés et prennent différentes formes telles que l'intimidation, la falsification de documents, un fonctionnement clanique, des dénonciations calomnieuses ;

- sa supérieure hiérarchique a volontairement pris des décisions et adopté des postures visant à la déprécier et à détériorer ses conditions de travail ;

- sa santé s'est dégradée et elle a bénéficié d'arrêts de travail pour cause d'accident de travail.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 août 2022, la rectrice de la région académique Occitanie conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la décision implicite contestée n'est pas soumise à une obligation de motivation et la lettre du 5 novembre 2018 ne sollicite pas la communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande ;

- il n'y a pas de contradiction entre le refus d'accorder la protection fonctionnelle et la reconnaissance d'imputabilité au service des trois accidents, qui ne relèvent pas des mêmes dispositions ;

- elle a apporté les éléments permettant d'établir que le harcèlement moral n'est pas établi ;

- il n'y a pas eu de refus de lui accorder un logement ;

- la cheffe d'établissement n'a pas falsifié un document afin de favoriser un autre agent qui y avait également droit ;

- la circonstance que Mme A... ait déposé une plainte à l'encontre de sa supérieure hiérarchique ne permet pas de faire présumer de la culpabilité de cette dernière ;

- les services académiques ont perçu, dès l'année scolaire 2016/2017, le conflit qui l'opposait à sa cheffe d'établissement et ont pris les mesures adaptées ;

- la délégation a mené une enquête suffisante qui apporte l'éclairage nécessaire sur l'origine des tensions ;

- il n'existe pas d'agissements répétés visant à une dégradation des conditions de travail mais des difficultés relationnelles et une situation de conflit ;

- l'état de santé dégradé ne suffit pas à démontrer l'existence d'une situation de harcèlement moral.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de Mme A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lemoine pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., principale adjointe affectée au collège ... de ... a demandé, le 2 juillet 2018, le bénéfice de la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime de la part de la cheffe d'établissement. Sa demande a été implicitement rejetée. Par la présente requête, Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de ... qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.

Sur le bien-fondé du jugement de première instance :

2. En premier lieu, ainsi que l'ont indiqué les premiers juges, Mme A... n'établit pas avoir sollicité la communication des motifs de la décision implicite par laquelle l'administration a rejeté sa demande du 2 juillet 2018 sollicitant le bénéfice de la protection fonctionnelle. A cet égard, la lettre du 5 novembre 2018 adressée à la rectrice de l'académie de Montpellier, qui se borne à demander l'examen, par la commission de réforme, de ses demandes de reconnaissance de l'imputabilité au service de trois accidents, ne saurait en tenir lieu. Le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée doit, dès lors, être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes du IV de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 applicable à l'espèce : " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ".

4. Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. Si cette protection n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ".

6. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a sollicité par lettre du 29 juin 2018 le bénéfice de la protection fonctionnelle sur le fondement de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 au motif qu'elle subit un harcèlement moral de la part de la principale de l'établissement, sans invoquer d'autres faits qui justifieraient que lui soit accordée une telle protection. La circonstance que les trois accidents qu'elle a déclarés aient été reconnus imputables au service, si elle atteste que ces accidents sont survenus à une date certaine sur le lieu et dans le temps du service, où à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, et qu'aucune circonstance ne permettait de détacher l'accident du service, n'est pas, en revanche, de nature à établir que ces accidents soient liés à un harcèlement moral, même si elle ne l'exclut pas.

8. Pour soutenir qu'elle a fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de sa supérieure hiérarchique depuis le mois de septembre 2016, Mme A... fait d'abord valoir que, lors de son arrivée dans l'établissement au mois de septembre 2016, la principale a refusé de lui attribuer le logement pour nécessité de service qui devait lui revenir en l'accordant au gestionnaire en place. Si le logement qu'elle souhaitait occuper ne lui a pas été accordé, il ne ressort pas des pièces du dossier que le logement a été irrégulièrement attribué au gestionnaire et qu'il devait revenir de droit à Mme A.... L'intéressée a d'ailleurs été attributaire d'un logement de fonction et aucun élément n'établit que la principale ait falsifié un document afin de favoriser le gestionnaire en place.

9. Si elle soutient ensuite que la cheffe d'établissement l'a mise à l'écart, ne lui a pas communiqué certaines informations telles que les données sur les élèves de sixième qui ont été transmises par le corps enseignant, par une négation du champ de ses fonctions et l'absence de prise en compte de ses initiatives ainsi que par la redistribution de ses fonctions entre d'autres personnels à la rentrée 2017, il ressort des pièces du dossier que l'affectation des logements dans l'établissement et l'insistance de Mme A... à vouloir disposer de celui attribué au gestionnaire sont à l'origine des tensions qui sont apparues rapidement entre l'intéressée et la principale du collège. Le rapport d'enquête administrative établi le 6 juillet 2018, après l'audition individuelle de sept agents du collège et dont l'impartialité n'est pas sérieusement remise en cause, souligne également qu'en plus de ce différend, la situation conflictuelle avec la principale du collège a pour origine le manque de loyauté dont Mme A... a fait preuve très tôt dans l'année de sa prise de fonction, qui a également eu pour effet de l'isoler. Cette situation est à l'origine de dysfonctionnements dans l'établissement que ni la cheffe d'établissement ni Mme A... n'ont su dépasser. Il n'est pas établi par ailleurs que les fonctions de Mme A... auraient fait l'objet d'une redistribution qui l'aurait privée de toutes fonctions ou activités réelles. Aussi, Mme A... a été arrêtée pour maladie à de nombreuses reprises. Il en est de même de la principale du collège. Dans ces conditions de conflit ouvert avec sa hiérarchie, ces mesures n'ont pas excédé le cadre normal du pouvoir d'organisation du service. Enfin, si l'intéressée fait état de la dégradation de son état de santé, en lien avec le service, l'imputabilité au service d'une pathologie psychique ne suffit pas en soi à caractériser des faits de harcèlement moral qui doivent répondre aux prescriptions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.

10. Ainsi, il résulte de ces éléments, pris isolément ou dans leur ensemble, que le comportement de la supérieure hiérarchique directe de Mme A... ne peut être regardé comme constitutif d'un harcèlement moral en lien avec l'exercice de ses fonctions. L'existence de rapports conflictuels tels que rappelés ci-dessus n'est, par ailleurs, pas susceptible de caractériser une situation susceptible de justifier l'attribution de la protection fonctionnelle au sens de l'article IV de la loi du 11 juillet 1983. Il s'ensuit qu'en refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, la rectrice n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

11. Mme A... ne précise pas quelles autres fautes, distinctes, auraient pu engager la responsabilité de l'administration.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de ... a rejeté sa demande. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A... de la somme qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée à la rectrice de la région académique Occitanie, rectrice de l'académie de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La rapporteure,

C. Arquié

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20TL04693


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL04693
Date de la décision : 30/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Céline ARQUIÉ
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : SCP LEMOINE CLABEAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-12-30;20tl04693 ?
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