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30/12/2022 | FRANCE | N°20TL03182

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 30 décembre 2022, 20TL03182


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui payer une somme de 66 878,20 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'accident de service dont il a été victime.

Par une ordonnance n° 1703995 du 8 juillet 2020, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 août 2020 sous le n° 20MA03182 au greffe de la cour administra

tive d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui payer une somme de 66 878,20 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'accident de service dont il a été victime.

Par une ordonnance n° 1703995 du 8 juillet 2020, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 août 2020 sous le n° 20MA03182 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL03182, M. B... A..., représenté par Me Betrom, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 8 juillet 2020 ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 83 082,20 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'accident de service dont il a été victime, sous déduction des deux provisions versées pour un montant total de 44 304 euros, soit la somme de 38 778,20 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête était recevable dès lors que sa réclamation préalable indemnitaire a bien été réceptionnée par le ministre de l'intérieur, et alors que la juridiction avait fait droit à deux référés provision sans soulever d'irrecevabilité sur ce point ;

- il est en droit d'obtenir réparation des préjudices extra-patrimoniaux subis en raison d'un accident de service, même en l'absence de faute de l'Etat, tels qu'ils ont été évalués par les deux rapports d'expertise, soit 11 881,20 euros au titre du déficit fonctionnel total et partiel, 3 000 euros au titre du préjudice esthétique, 8 000 euros au titre des souffrances endurées, 46 000 euros au titre de l'incapacité permanente partielle et 14 201 euros au titre des frais d'achat d'un véhicule électrique.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. A....

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande que l'indemnité sollicitée soit limitée à la somme de 5 648 euros et conclut au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que :

- il s'en remet aux motifs de l'ordonnance et à l'appréciation de la cour en ce qui concerne la recevabilité de la demande de M. A... ;

- aucune indemnité ne saurait être allouée à M. A... au titre des frais de véhicule adapté ; l'indemnité due au titre de l'assistance tierce personne doit être limitée à 2 760 euros ; celle au titre du déficit fonctionnel temporaire à 5 692 euros ; celle au titre du préjudice esthétique temporaire à 2 000 euros ; celle au titre des souffrances endurées à 5 500 euros, celle au titre du déficit fonctionnel permanent à 32 000 euros ; celle au titre du préjudice d'agrément à 1 000 euros et celle au titre du préjudice esthétique permanent à 1 000 euros.

Par ordonnance du 8 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 21 octobre 2022.

Vu :

- les ordonnances en date des 26 juin 2018 et 14 janvier 2020 par lesquelles la présidente du tribunal administratif de Montpellier a liquidé et taxé les frais d'expertise à la somme totale de 1 920 euros ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., gardien de la paix, a été victime d'une chute le 12 octobre 2015, alors qu'il poursuivait un individu auteur d'un vol par effraction en réunion. Cet accident a été reconnu imputable au service par arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité sud en date du 27 novembre 2015. Après avoir ordonné une expertise le 20 novembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à verser à M. A... une provision d'un montant de 16 204 euros en réparation de ses préjudices par ordonnance du 10 octobre 2018. Après avoir ordonné une nouvelle expertise le 3 juin 2019, le juge des référés de ce tribunal a condamné l'Etat à verser à l'intéressé une seconde provision d'un montant de 28 100 euros par ordonnance du 5 mai 2020. M. A... relève appel de l'ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 8 juillet 2020 qui a rejeté sa demande d'indemnisation de ses préjudices à hauteur de la somme de 66 878,20 euros, en raison de l'absence de preuve de la réception par l'administration de sa réclamation préalable indemnitaire.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-1 du même code : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. / La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête. (...) ".

3. Pour rejeter la demande présentée par M. A... comme irrecevable, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur l'absence de production de la pièce démontrant la réception par l'administration de sa réclamation préalable indemnitaire, et de l'absence de justification de l'impossibilité de le faire. Toutefois, M. A... a produit pour la première fois en appel la copie du dépôt de son courrier recommandé adressé au ministre de l'intérieur le 22 mai 2017 ainsi que la preuve de la réception du pli le 26 mai suivant. Une décision implicite de rejet de sa demande étant née le 26 juillet 2017, la requête enregistrée le 17 août 2017 était recevable. Il s'ensuit que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté comme irrecevable la demande de M. A....

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur la responsabilité :

5. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique.

6. M. A..., qui a été victime le 12 octobre 2015 d'un accident reconnu imputable au service le 27 novembre 2015, est fondé à demander la condamnation de l'Etat sur le fondement de la responsabilité sans faute.

Sur la réparation :

7. En premier lieu, si M. A... demande le versement de la somme de 14 201 euros au titre de l'acquisition d'un véhicule électrique d'occasion avec boîte automatique en décembre 2018, les rapports rendus par l'expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier n'ont cependant pas retenu la nécessité d'un tel véhicule en lien avec l'accident de service. Cette demande doit dès lors être rejetée.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise rendus les 20 novembre 2017 et 3 juin 2019, que M. A..., dont l'état a été déclaré consolidé le 31 mai 2019, a subi un déficit temporaire total de vingt-trois jours pendant ses périodes d'hospitalisation, un déficit temporaire partiel à 80 % pendant une période de deux mois, un déficit temporaire partiel à 75 % pendant une période de deux mois cinq jours, un déficit temporaire partiel à 40 % pendant vingt-et-un jours, un déficit temporaire partiel à 30 % pendant un mois quatre jours, un déficit temporaire partiel à 20 % pendant vingt-quatre mois et quatre jours, et un déficit temporaire partiel à 10 % pendant sept mois et onze jours. Il sera fait une juste appréciation des préjudices en résultant en les évaluant à la somme de 5 300 euros.

9. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a subi un préjudice esthétique temporaire du fait de la nécessité de se déplacer en fauteuil roulant et d'utiliser des cannes béquilles pendant un peu plus de deux mois, évalué au taux de 2/7, et qu'il subit un préjudice esthétique permanent en raison de cicatrices au genou et à la cheville gauches, évalué au taux de 1/7 par l'expert. Il sera fait une juste appréciation des préjudices esthétiques subis en lui allouant la somme de 3 000 euros qu'il demande.

10. En quatrième lieu, il sera fait une juste indemnisation des souffrances physiques et morales subies par l'intéressé, dont l'intensité a été évaluée par l'expert à un taux de 3,5/7, en les fixant au montant de 6 000 euros.

11. En cinquième lieu, il sera fait une juste appréciation de l'incapacité permanente partielle au taux de 20 % dont M. A... reste atteint selon l'expert en l'évaluant à la somme de 32 500 euros.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 46 800 euros, sous déduction des provisions qui lui ont été versées d'un montant total de 44 304 euros, en réparation de ses préjudices.

Sur les frais d'expertise :

13. Par ordonnances en date des 26 juin 2018 et 14 janvier 2020, la présidente du tribunal administratif de Montpellier a liquidé et taxé les frais d'expertise à la somme totale de 1 920 euros. Il y a lieu de mettre cette somme à la charge définitive de l'Etat.

Sur les frais d'instance :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1703995 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 8 juillet 2020 est annulée.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A... la somme de 46 800 euros, sous déduction des provisions d'un montant total de 44 304 euros versées par ordonnances des 10 octobre 2018 et 5 mai 2020.

Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 920 euros, sont mis à la charge définitive de l'Etat.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier et des conclusions de sa requête d'appel est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité sud.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°20TL03182 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL03182
Date de la décision : 30/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie. - Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Anne BLIN
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : BETROM

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-12-30;20tl03182 ?
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