Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2018 par lequel le maire de Montarnaud, agissant au nom de l'Etat, l'a mis en demeure d'interrompre immédiatement les travaux réalisés en infraction sur sa propriété.
Par un jugement n° 1805803 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 février 2020 et le 31 mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°20MA00505 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°20TL00505, M. A..., représenté par Me Kauffmann, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2018 par lequel le maire de Montarnaud, agissant au nom de l'Etat, l'a mis en demeure d'interrompre immédiatement les travaux réalisés en infraction sur sa propriété.
3°) de mettre à la charge de la commune de Montarnaud une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'aucune procédure contradictoire n'a été mise en œuvre à la suite du procès-verbal en date du 24 septembre 2018 constatant les infractions ;
- s'agissant de la maison, il n'a pas commis d'infractions car il n'a méconnu ni les articles 6 UD et 7UD du plan local d'urbanisme ni le plan de prévention du risque inondation dès lors que sa maison se situe en zone bleue de ce plan ;
- s'agissant du cabanon, il n'a pas commis d'infractions car ce dernier existait avant l'édiction du plan de prévention du risque inondation, n'a pas fait l'objet d'une surélévation et, faisant moins de 20 m², n'était pas soumis à l'octroi d'un permis de construire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 6 janvier 2022, la commune de Montarnaud, représentée par Me Valette-Berthelsen, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire est inopérant compte tenu de la situation d'urgence ;
- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. A....
Par ordonnance du 11 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 3 mai 2018, le maire de Montarnaud a délivré à M. A... un permis de construire pour la reconstruction à l'identique après sinistre d'une maison à usage d'habitation ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme en 1987. Par un arrêté du 28 septembre 2018, le maire de Montarnaud, agissant au nom de l'Etat, a ordonné à M. A... d'interrompre des travaux de surélévation et d'extension de cette maison et des travaux de rehaussement du toit d'un cabanon. M. A... fait appel du jugement en date du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'intervention de la commune de Montarnaud :
2. La commune de Montarnaud, qui a la qualité d'intervenante et non de partie à l'instance dès lors que l'arrêté contesté a été pris par le maire au nom de l'Etat, justifie d'un intérêt au maintien de l'arrêté en litige. Son intervention en défense doit donc être admise.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne l'arrêté en tant qu'il interrompt les travaux sur le cabanon :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme : " Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. (...) Dans le cas de constructions sans permis de construire ou d'aménagement sans permis d'aménager, ou de constructions ou d'aménagement poursuivis malgré une décision de la juridiction administrative suspendant le permis de construire ou le permis d'aménager, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ". En vertu des dispositions combinées des articles L. 121-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, l'arrêté interruptif de travaux, qui constitue une mesure de police, est soumis au respect d'une procédure contradictoire préalable sauf en cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ou lorsque les travaux sont réalisés sans permis de construire ou au mépris d'une décision de justice. Le respect de cette formalité implique que l'intéressé ait été averti de la mesure que l'administration envisage de prendre, des motifs sur lesquels elle se fonde, et qu'il bénéficie d'un délai suffisant pour présenter ses observations. La situation d'urgence permettant à l'administration de se dispenser de cette procédure contradictoire s'apprécie tant au regard des conséquences dommageables des travaux litigieux que de la nécessité de les interrompre rapidement en raison de la brièveté de leur exécution.
4. D'autre part, en vertu des articles R. 421-1 et R. 421-9 du code de l'urbanisme, les constructions nouvelles d'une surface supérieure à 20 m² doivent faire l'objet d'un permis de construire. Par ailleurs, les travaux exécutés sur des constructions existantes en zone urbaine d'un plan local d'urbanisme, ayant pour objet de créer plus de 40 m² de surface de plancher sont également soumis à permis de construire en vertu de l'article R. 421-14 du même code.
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'état des lieux effectué par un géomètre expert le 31 janvier 2020 produit pour la première fois en appel, que le cabanon, objet des travaux en litige, dispose d'une surface de plancher de 18,22 m². Ainsi, et dès lors que ce dernier n'était pas soumis en raison de sa superficie à l'obtention préalable d'un permis de construire, le maire de Montarnaud, qui n'était pas en situation de compétence liée, ne pouvait pas mettre en demeure M. A... d'interrompre les travaux sans mettre à même l'intéressé de présenter ses observations. Contrairement à ce que font valoir le ministre et la commune intervenante, le courrier en date du 7 septembre 2018 par lequel le maire a informé M. A... que plusieurs travaux en cours étaient réalisés en infraction du permis de construire délivré le 3 mai 2018 ne peut tenir lieu de mise en œuvre de la procédure contradictoire préalable susmentionnée, en l'absence de mention de ceux des travaux réalisés sur le cabanon concernés et des dispositions méconnues du plan de prévention du risque inondation. Si le maire de Montarnaud se prévaut de la dispense cette procédure, en raison de la poursuite des travaux à vive allure et de la nécessité d'éviter une aggravation de la construction en litige, il n'apporte au soutien de ce moyen aucun élément circonstancié et étayé de nature à caractériser une situation d'urgence. Dans ces conditions, et dès lors qu'aucune situation d'urgence n'est établie, M. A... est fondé à soutenir que l'arrêté portant interruption de ces travaux est entaché d'un vice de procédure au regard des dispositions combinées des articles L. 121-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
6. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens présentés à l'appui de sa requête par M. A... n'est de nature à fonder l'annulation de l'arrêté en litige en tant qu'il ordonne l'interruption les travaux effectués sur le cabanon.
En ce qui concerne l'arrêté en tant qu'il interrompt les travaux sur la maison à usage d'habitation :
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été informé, par courrier du 7 septembre 2018, de ce que plusieurs travaux en cours étaient réalisés en infraction avec la règlementation applicable et le permis de construire délivré le 3 mai 2018 et de ce que les illégalités relevées ne pouvaient faire l'objet d'une régularisation, dès lors que les travaux effectués méconnaissaient les articles 6 UD, 7UD et 9UD du plan local d'urbanisme. Ce courrier mentionnait, en outre, la possibilité que soient pris un procès-verbal d'infraction et un arrêté interruptif de travaux. Il n'est pas contesté que M. A... a présenté ses observations écrites à la suite de la réception de ce courrier. A cet égard, M. A... ne peut utilement se prévaloir du fait qu'il n'ait pas pu présenter des observations sur le non-respect du plan de prévention du risque inondation, l'arrêté en litige n'étant pas fondé sur la méconnaissance de ces dispositions s'agissant des travaux sur la maison à usage d'habitation. Enfin, la seule circonstance que M. A... n'ait pas eu l'occasion de présenter à nouveau des observations à la suite du procès-verbal d'infraction dressé le 24 septembre 2018 n'entache pas d'irrégularité la procédure contradictoire ainsi menée. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige interruptif des travaux sur la maison à usage d'habitation serait entaché d'un vice de procédure doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal ". Aux termes de l'article L. 480-2 du même code : " L'interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l'une des associations visées à l'article L. 480-1, soit, même d'office, par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel.(...) Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. (...) ". Aux termes de l'article L. 480-4 du même code: " Le fait d'exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable est puni d'une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d'une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l'article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros. En cas de récidive, outre la peine d'amende ainsi définie un emprisonnement de six mois pourra être prononcé (...) ". Aux termes de l'article L. 610-1 du même code : " En cas d'infraction aux dispositions des plans locaux d'urbanisme, les articles L. 480-1 à L. 480-9 sont applicables, les obligations mentionnées à l'article L. 480-4 s'entendant également de celles résultant des plans locaux d'urbanisme (...) ". Il résulte de ces dispositions que le maire est tenu de dresser un procès-verbal lorsqu'il a connaissance d'une infraction mentionnée à l'article L. 610-1 du même code, résultant de la méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme. Il ne saurait cependant, dans cette hypothèse, prendre un arrêté interruptif pour des travaux exécutés conformément aux autorisations d'urbanisme en vigueur à la date de sa décision, même s'il estime que les travaux en cause méconnaissent les règles d'urbanisme et notamment le plan local d'urbanisme.
9. Si M. A... soutient que les travaux en litige ne méconnaissent pas les dispositions des articles 6UD et 7UD du plan local d'urbanisme de la commune de Montarnaud, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige dès lors que le maire de Montarnaud, même s'il a relevé cette méconnaissance, a décidé d'interrompre les travaux au seul motif que ces derniers étaient réalisés en infraction au permis de construire délivré le 3 mai 2018.
10. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que rappelés au point précédent, M. A... ne peut davantage se prévaloir de ce que les travaux menés sur la maison d'habitation seraient conformes aux dispositions du plan de prévention du risque inondation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 septembre 2018 en tant que le maire de Montarnaud a ordonné l'interruption des travaux effectués sur son cabanon.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montarnaud qui, en tout état de cause, n'est pas partie à la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention de la commune de Montarnaud est admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il rejette la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 septembre 2018 par lequel le maire de Montarnaud lui a ordonné d'interrompre les travaux effectués sur son cabanon.
Article 3 : L'arrêté en date du 28 septembre 2018 par lequel le maire de Montarnaud a ordonné à M. A... l'interruption des travaux effectués sur son cabanon est annulé.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Montarnaud.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Haïli, président-assesseur assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
M. Jazeron, premier conseiller,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2022.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
X. Haïli La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N°20TL00505