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08/12/2022 | FRANCE | N°22TL21536

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 08 décembre 2022, 22TL21536


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la décision du 29 janvier 2021 par laquelle la préfète du Gard a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français.

Par un jugement n° 2101230 du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

I. Sous le n° 22TL21536, par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juillet 2022 et le 13 octobre 2022, la p

réfète du Gard demande à la cour d'annuler ce jugement.

Elle soutient que :

- le refus d'enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la décision du 29 janvier 2021 par laquelle la préfète du Gard a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français.

Par un jugement n° 2101230 du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

I. Sous le n° 22TL21536, par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juillet 2022 et le 13 octobre 2022, la préfète du Gard demande à la cour d'annuler ce jugement.

Elle soutient que :

- le refus d'enregistrer la demande de changement de statut à l'appui de laquelle a été présenté un dossier incomplet ne constitue pas une mesure faisant grief susceptible de recours et la demande de première instance est irrecevable ;

- c'est donc à tort que les premiers juges ont accueilli la demande de M. B... alors que le refus en litige est fondé, en l'absence de justification de l'impossibilité de présenter un dossier complet de demande de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2022, M. A... B..., représenté par Me Chabbert Masson, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le moyen soulevé par la préfète du Gard n'est pas fondé.

II. Sous le n° 22TL21538, par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juillet 2022 et le 13 octobre 2022, la préfète du Gard demande le sursis à exécution du jugement n° 2101230 rendu le 8 juillet 2022 par le tribunal administratif de Nîmes.

Elle reprend les mêmes moyens que dans sa requête au fond.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2022, M. A... B..., représenté par Me Chabbert-Masson, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le moyen soulevé par le préfet n'est pas fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Chabert, président.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né en 1984, est entré en France le 6 mars 2016 et s'est marié le 18 mars 2017 avec Mme C... D..., de nationalité française. Titulaire d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français jusqu'au 19 décembre 2020, il a sollicité le 30 novembre 2020 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un courrier du 29 janvier 2021, la préfète du Gard a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour. Cette décision a été annulée par un jugement du 8 juillet 2022 du tribunal administratif de Nîmes dont la préfète du Gard relève appel par la requête enregistrée sous le n° 22TL21536. Par la seconde requête, enregistrée sous le n° 22TL21538, la préfète du Gard sollicite le sursis à exécution de ce jugement. Ces requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le caractère décisoire du refus d'enregistrer la demande de titre de séjour de M. B... :

2. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans (...), est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. (...) ". L'article R. 311-2-2 du même code dispose que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants (...) ". Aux termes de l'article R. 313-20 du même code : " Pour l'application des articles L. 313-11, L. 313-11-1 et L. 313-14, l'étranger présente à l'appui de sa demande de délivrance de la carte de séjour temporaire, outre les pièces prévues aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes : / 1° Les pièces justifiant qu'il entre dans l'un des cas prévus par ces dispositions pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'en dehors du cas d'une demande à caractère abusif ou dilatoire, l'autorité administrative chargée d'instruire une demande de titre de séjour ne peut refuser de l'enregistrer, et de délivrer le récépissé y afférent, que si le dossier présenté à l'appui de cette demande est incomplet. Le caractère abusif ou dilatoire de la demande doit s'apprécier compte tenu d'éléments circonstanciés. En outre, le refus d'enregistrer une demande tendant à l'octroi d'un titre de séjour, à l'appui de laquelle est présenté un dossier incomplet, ne constitue pas une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir, sauf à ce que le requérant justifie du caractère complet du dossier déposé auprès des services préfectoraux.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, M. B... a produit notamment la copie intégrale de l'acte de naissance de la mère de son enfant valant également certificat de nationalité française de celle-ci, l'acte de naissance de cet enfant dont la filiation avec les deux parents, alors mariés, est établie ainsi que des justificatifs et des photographies tendant à démontrer qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de cet enfant. Alors que le requérant a également indiqué que les conditions difficiles de sa séparation ne lui permettaient pas de disposer de la carte nationale d'identité de son enfant, le dossier ne pouvait, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme étant incomplet. Dans ces conditions, le refus d'enregistrer sa demande de titre de séjour sur la base de ce dossier revêt un caractère décisoire. Par suite, alors que la composition du dossier joint à la demande de titre de séjour de M. B... ne préjugeait en rien de son droit à obtenir la délivrance du titre sollicité, les premiers juges ont pu, à bon droit, écarter la fin de non-recevoir opposée à la demande par la préfète du Gard en relevant au point 4 du jugement attaqué que ce refus d'enregistrer sa demande fait grief et est susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

En ce qui concerne la légalité du refus d'enregistrer la demande de changement de statut de M. B... :

5. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable au présent litige régit la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et prévoit en son 6° qu'elle est délivrée de plein droit, sauf menace pour l'ordre public à " l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ". Aux termes de l'article 18 du code civil : " est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ". L'article 19-3 du même code dispose que : " est français l'enfant né en France lorsque l'un de ses parents au moins y est lui-même né ".

6. Ainsi qu'il a été exposé au point 4 ci-dessus, M. B... a présenté un dossier tendant à obtenir la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées alors en vigueur. Ce dossier de demande ne pouvant être regardé comme incomplet, c'est à tort que la préfète a refusé de l'enregistrer pour que soit examinée la question du droit au séjour de l'intéressé et ce refus se trouve ainsi entaché d'une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Gard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 29 janvier 2021 refusant l'enregistrement de la demande de titre de séjour de M. B.... Sa requête doit, par suite, être rejetée.

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution :

8. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 8 juillet 2022, les conclusions de la requête n° 22TL21538 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement deviennent sans objet.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèces, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 200 euros à verser à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête n° 22TL21536 de la préfète du Gard est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête n° 22TL21538 de la préfète du Gard.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....

Copie en sera adressée à la préfète du Gard.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

L'assesseur le plus ancien,

X. Haïli

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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2

Nos 22TL21536, 22TL21538


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21536
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Denis CHABERT
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : CHABBERT MASSON;CHABBERT MASSON;CHABBERT MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-12-08;22tl21536 ?
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