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08/12/2022 | FRANCE | N°21TL02994

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 08 décembre 2022, 21TL02994


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Safpel a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le maire de Manduel lui a refusé un permis d'aménager pour la création d'un lotissement de douze lots.

Par un jugement n° 1903518 rendu le 28 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2019 et a enjoint au maire de Manduel de réexaminer la demande de permis d'aménager de la société Safpel.


Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2021 sous le n° 21MA0...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Safpel a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le maire de Manduel lui a refusé un permis d'aménager pour la création d'un lotissement de douze lots.

Par un jugement n° 1903518 rendu le 28 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2019 et a enjoint au maire de Manduel de réexaminer la demande de permis d'aménager de la société Safpel.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2021 sous le n° 21MA02994 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL02994 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis un mémoire enregistré le 6 avril 2022, la commune de Manduel, représentée par la SCP CGCB et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 mai 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société à responsabilité limitée Safpel devant le tribunal administratif de Nîmes ;

3°) de mettre à la charge de la société Safpel une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a estimé que le refus opposé par le maire était entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison de la présence d'une canalisation d'irrigation faisant obstacle à la réalisation du projet ;

- c'est à tort que le tribunal a refusé de faire droit à la substitution de motif qu'elle a sollicitée sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article UA 3 du plan local d'urbanisme s'agissant des conditions d'accès et de desserte.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 août 2021 et le 20 avril 2022, la société à responsabilité limitée Safpel, représentée par Me Blanc, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Manduel une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 2 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Becquevort, représentant la commune de Manduel, et de Me Rouault, représentant la société Safpel.

Considérant ce qui suit :

1. La société Safpel a présenté, le 11 avril 2019, une demande de permis d'aménager portant sur la création d'un lotissement de douze lots à usage d'habitation sur un terrain situé au n° 20 de la rue Pasteur sur le territoire de la commune de Manduel (Gard). Par un arrêté pris le 2 septembre 2019, le maire de Manduel lui a refusé la délivrance de ce permis. Par la présente requête, la commune de Manduel relève appel du jugement du 28 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté et a enjoint à son maire de réexaminer la demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Il ressort des termes de l'arrêté litigieux du 2 septembre 2019 que, pour refuser le permis d'aménager sollicité par la société Safpel, le maire de Manduel s'est fondé, d'une part, sur ce que le projet de lotissement méconnaissait l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors qu'il ne présentait pas les garanties de sécurité requises eu égard à la présence d'un ouvrage relevant d'un réseau d'irrigation et, d'autre part, sur ce que ledit projet méconnaissait l'article R. 111-5 du même code compte tenu de l'insuffisance de l'accès et de la voirie.

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire ou un refus de permis d'aménager sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. Lorsqu'un projet est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui permettraient d'assurer la conformité du projet, sans y apporter de modifications substantielles nécessitant une nouvelle demande.

4. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette de l'opération est traversé, sur son côté ouest, par une canalisation d'eau appartenant à un réseau d'irrigation dont la gestion relève de la société BRL Exploitation et permettant la desserte de la partie nord du territoire de la commune de Manduel. La présence de cet équipement a d'ailleurs justifié l'institution d'une servitude d'utilité publique A2 reportée en annexe du plan local d'urbanisme. Dans le cadre de l'instruction de la demande de permis d'aménager, la société BRL Exploitation a été consultée sur le projet et a émis, le 20 juin 2019, un " avis défavorable " motivé par la " présence à proximité du projet d'ouvrages BRL nécessitant la prise en compte de leur implantation " et par la nécessité de " prise en compte des servitudes, des dispositions générales techniques et de l'implantation des constructions ". Le document joint à cet avis vient préciser les dispositions techniques générales et minimales à respecter pour la protection et l'exploitation des conduites. Il rappelle que les travaux réalisés à proximité de celles-ci peuvent entraîner des fissurations provoquant des ruptures brutales de canalisations et indique notamment qu'aucune construction ni aucune opération d'excavation ou de remblaiement ne doit être réalisée à moins de deux ou trois mètres de l'axe des conduites, la distance variant selon le diamètre de ces dernières.

5. Pour refuser le permis sollicité par la société Safpel sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le maire de Manduel a considéré, après avoir rappelé l'avis de la société BRL Exploitation, que le projet ne présentait pas, en l'état, les garanties nécessaires pour la sécurité des personnes et des biens. La société pétitionnaire a toutefois pris en compte l'existence de la servitude d'utilité publique liée à la présence de l'ouvrage d'irrigation en matérialisant la canalisation sur les plans annexés à sa demande de permis. Il n'apparaît sur ces plans aucun aménagement susceptible d'empiéter sur l'emprise de la conduite ni sur la bande de protection mentionnée dans la notice jointe à l'avis de la société BRL Exploitation. En particulier, à supposer même que le diamètre de la canalisation en cause impose le respect d'un recul de trois mètres, la seule circonstance que le plan intitulé " hypothèse d'implantation des bâtiments " représente des maisons situées à moins de trois mètres de celle-ci ne saurait suffire pour établir l'existence d'un risque dès lors, d'une part, que le permis d'aménager n'a nullement pour objet d'autoriser l'implantation de constructions dans le lotissement et, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas même allégué par la commune que la servitude liée à cette conduite pourrait rendre impossible la réalisation de maisons d'habitation sur les douze lots créés. Dans ces conditions et alors que l'avis de la société BRL Exploitation invite d'ailleurs le pétitionnaire à se rapprocher de ses services pour apprécier le respect des prescriptions générales par les constructions à venir, le projet de la société Safpel ne peut être regardé comme portant une atteinte à la sécurité ou à la salubrité publiques du seul fait de la présence de la canalisation. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le maire de Manduel avait commis une erreur d'appréciation en refusant le permis d'aménager sollicité par ladite société sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

6. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-1 du code de l'urbanisme : " Le règlement national d'urbanisme est applicable aux constructions et aménagements faisant l'objet d'un permis de construire, d'un permis d'aménager ou d'une déclaration préalable ainsi qu'aux autres utilisations du sol régies par le présent code. / Toutefois les dispositions des articles R. 111-3, R. 111-5 à R. 111-19 et R. 111-28 à R. 111-30 ne sont pas applicables dans les territoires dotés d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu. ". Par ailleurs, selon l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Manduel relatif aux conditions d'accès et de desserte des terrains et applicable à la zone UA dans laquelle se situe le projet : " 1) Accès / (...) / Toute construction ou installation doit être desservie par des voies publiques ou privées de caractéristiques suffisantes. / Les accès sur la voie publique doivent avoir des caractéristiques correspondant à la destination des constructions projetées et répondre aux exigences de la sécurité publique, de la défense contre l'incendie, de la protection civile et des services publics (ramassage des ordures ménagères notamment). / Ils doivent être aménagés de manière à ne pas créer de difficultés ou dangers pour la circulation publique. / (...) / 2) Voirie / Les constructions doivent être desservies par des voies publiques ou privées dont les caractéristiques correspondent à leur destination, notamment quand elles entraînent des manœuvres de véhicules lourds et encombrants. Ces caractéristiques doivent également répondre aux exigences de la sécurité publique, de la défense contre l'incendie, de la protection civile et, éventuellement, des services publics (ramassage des ordures ménagères notamment). / Les voies en impasse doivent n'être utilisées qu'exceptionnellement et être terminées par un dispositif permettant le retournement des véhicules en tout genre, qu'il s'agisse de véhicules privés ou des véhicules des services publics (lutte contre l'incendie, ramassage des ordures ménagères...). ".

7. Il résulte de l'article R. 111-1 précité du code de l'urbanisme que les dispositions de l'article R. 111-5 du même code ne pouvaient pas être légalement opposées par le maire de Manduel au projet de la société Safpel dès lors que le territoire de cette commune est couvert par un plan local d'urbanisme. La commune requérante a demandé au tribunal administratif de regarder le refus en litige comme pouvant trouver son fondement dans les dispositions de l'article R. 111-2 de ce même code, telles que rappelées au point 3 ci-dessus, ainsi que dans celles de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme, mentionnées au point 6. Il ressort des pièces du dossier que le projet de lotissement prévoit un accès des véhicules et des piétons par la rue Pasteur, laquelle présente, selon les mesures indiquées dans le procès-verbal de constat d'huissier produit par la société pétitionnaire, une largeur de chaussée de cinq mètres complétée par un trottoir de deux mètres au droit du terrain d'assiette de l'opération. En se bornant à se prévaloir d'un rapport rédigé par l'agent de police municipale relatant l'importance de la circulation automobile dans la rue Pasteur et l'existence de problèmes de stationnement dans le secteur alentour en raison de la présence d'équipements publics, la commune de Manduel n'établit pas que la voie de desserte du projet ne présenterait pas des caractéristiques suffisantes, au sein de ce quartier urbanisé, pour supporter le trafic supplémentaire engendré par la réalisation de douze habitations. Il n'apparaît pas davantage que le projet serait de nature à aggraver les difficultés de stationnement sur la voie publique, alors que la société pétitionnaire projette d'aménager vingt-quatre places de stationnement au sein du lotissement en conformité avec les prescriptions du plan local d'urbanisme. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que l'accès prévu pour les véhicules par un portail débouchant sur une voie interne de 5,50 mètres de largeur présenterait un caractère insuffisant au regard de la destination du projet. Il est par ailleurs séparé de l'entrée dédiée aux piétons et la sortie sur la rue en ligne droite ne pose aucun problème de visibilité. Enfin, si la commune critique également la voirie interne du lotissement, laquelle est prévue en impasse, d'une part, une telle voie n'est pas soumise aux dispositions de l'article UA 3 du plan local d'urbanisme qui ne régissent que les voies de desserte des terrains et, d'autre part, l'organisation retenue par le porteur du projet n'est pas de nature à entraîner des risques pour la sécurité des habitants, dès lors que la largeur des voies est adaptée et que deux aires de retournement sont prévues en bout d'impasse. Eu égard à l'ensemble de ces considérations, c'est à juste titre que le tribunal administratif a refusé de faire droit à la substitution de motif sollicitée par la commune de Manduel.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Manduel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté litigieux et enjoint au maire de réexaminer la demande de permis d'aménager.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Safpel, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme réclamée par la commune de Manduel au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Manduel le paiement de la somme de 1 500 euros au profit de la société Safpel sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Manduel est rejetée.

Article 2 : La commune de Manduel versera une somme de 1 500 euros à la société Safpel en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Manduel et à la société à responsabilité limitée Safpel.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne à la préfète du Gard, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL02994


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL02994
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-04-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Lotissements. - Autorisation de lotir.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS BLANC - TARDIVEL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-12-08;21tl02994 ?
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