Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision de la communauté de communes de la Haute-Ariège en date du 4 octobre 2018 refusant d'imputer au service la pathologie dont il est atteint et d'enjoindre à la communauté de communes de la Haute-Ariège de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie à compter du 12 septembre 2016, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir.
Par un jugement n°1805782 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2020 sous le n° 20BX00308 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL20308, M. A... B..., représenté par Me Sabatté, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2018 du président de la communauté de communes de la Haute-Ariège ;
3°) d'enjoindre à la communauté de communes de la Haute-Ariège de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie à compter du 12 septembre 2016, dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la communauté de communes de la Haute-Ariège une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la communauté de communes a statué sur l'imputabilité au service de sa pathologie alors qu'elle s'estimait insuffisamment éclairée par l'avis de la commission de réforme et du médecin expert : l'arrêté contesté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ;
- il a écarté le moyen tiré de l'absence de rapport du médecin du service de médecine préventive dans le dossier soumis à la commission de réforme en dénaturant les pièces du dossier et en entachant le jugement d'une erreur de fait : la procédure suivie est également entachée d'irrégularité pour ce motif ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur d'appréciation compte-tenu du lien direct entre la maladie et le service, ainsi qu'il en est attesté par les pièces médicales concordantes, et en l'absence de tout état antérieur ainsi que de circonstances particulières détachant la maladie du service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2021, la communauté de communes de la Haute-Ariège, représentée par Me Bazin, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 31 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2022.
Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ;
-
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Nogaret, représentant la communauté de communes de la Haute-Ariège et de Me Sabatté, représentant M. B....
Une note en délibéré, présentée pour la communauté de communes de la Haute-Ariège a été enregistrée le 30 septembre 2022.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., fonctionnaire titulaire du grade d'adjoint technique territorial de 2ème classe, a été recruté par la communauté de communes des Vallées d'Ax, devenue la communauté de communes de la Haute-Ariège, par voie de mutation à compter de janvier 2016 pour assurer les missions de chef de service de la restauration collective et a été affecté à la cuisine centrale de Luzenac. A compter de sa prise de fonctions, il a été associé au projet de création de la cuisine centrale des Vallées d'Ax. Il a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 12 septembre 2016 et a sollicité l'octroi d'un congé de longue maladie par courrier du 30 novembre 2016. La communauté de communes de la Haute-Ariège a refusé de lui octroyer un congé de longue maladie par une décision du 14 juin 2017. Par un arrêté du 28 mars 2018, suite à l'expiration de ses droits à congé, M. B... a été placé en disponibilité d'office pour raison de santé du 27 septembre 2017 au 26 mars 2018. Cette période a été prolongée pour une durée d'un an à compter du 27 mars 2018, suivant un arrêté du 20 avril 2018. Par une décision du 4 octobre 2018, la communauté de communes de la Haute-Ariège a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Par un jugement du 21 novembre 2019 le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale applicable à l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
4. Pour refuser de reconnaître la maladie de M. B... comme imputable au service, la communauté de communes a estimé que tant l'avis du médecin expert que celui de la commission de réforme en date du 11 septembre 2018 n'étaient pas motivés et que l'intéressé ne présentait pas d'éléments permettant d'établir ce lien de causalité, alors que par un courrier qu'il a adressé à l'un de ses précédents employeurs, le 7 avril 2015, il se plaignait déjà d'un surmenage et d'un état " d'épuisement moral " révélant une probable antériorité de sa maladie. Il ressort des pièces du dossier que le rapport d'expertise du 5 juin 2018 du docteur ... conclut que l'état de santé décompensé de M. B... " peut être reconnu imputable au service mais ne peut être reconnu comme maladie professionnelle " à compter du premier arrêt de travail, soit le 12 septembre 2016. Selon ce médecin, M. B... présente un trouble dépressif sévère réactionnel à une situation de souffrance au travail. Se basant sur ces conclusions, la commission de réforme départementale a émis un avis favorable à l'imputabilité au service de la maladie de M. B... à compter du 12 septembre 2016. La communauté de communes, qui n'a pas sollicité de nouvelle expertise, conteste les conclusions du médecin expert ainsi que des pièces médicales antérieures relatives à la demande de congé de longue maladie de M. B..., en faisant valoir que le médecin s'est borné à reprendre les déclarations de l'intéressé sans les vérifier auprès de ses services, s'agissant en particulier des conditions de travail évoquées par celui-ci. Elle expose que toutes les demandes de l'agent à sa hiérarchie en vue d'obtenir une assistance dans l'exercice de ses missions ont été satisfaites, que celui-ci n'a fait que participer à l'élaboration des dossiers techniques et qu'il s'est vu accorder tous les congés sollicités, sans être exposé à des conditions de travail pathogènes en ce qu'il aurait été affecté sur des missions surdimensionnées et multiples sans rapport avec son grade. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les fonctions exercées par M. B... à compter du mois de janvier 2016, en tant que chef de service de la restauration collective au sein de la communauté de communes de la Haute-Ariège, et plus particulièrement les tâches administratives qu'il était chargé de réaliser en vue de l'ouverture de la cuisine centrale de la vallée d'Ax, impliquaient de sa part un travail conséquent pendant une période temporaire afin d'assurer l'ouverture d'une nouvelle unité de production prévue initialement pour la rentrée scolaire 2016, puis repoussée à début novembre 2016. Alors même qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations produites par la communauté de communes, que M. B... a bénéficié d'un accompagnement de la part de sa supérieure hiérarchique et du directeur général des services, la pathologie contractée par l'intéressé en septembre 2016 présente un lien direct avec l'exercice de ses fonctions, lesquelles relevaient de la catégorie B alors qu'en dépit de son expérience professionnelle, M. B... est titulaire du grade d'adjoint technique territorial relevant de la catégorie C. Contrairement à ce que fait valoir la communauté de communes, il ne ressort pas du seul courrier adressé le 7 avril 2015 par M. B... à son précédent employeur, la commune de ..., par lequel il lui faisait part de difficultés rencontrées dans l'exercice de ses fonctions avant sa demande de mise en disponibilité pour convenances personnelles ainsi que d'un état d'épuisement moral, que l'existence d'un probable état antérieur de l'intéressé puisse être retenue, en l'absence de toute autre pièce en justifiant, notamment médicale. Il en va de même de la circonstance selon laquelle l'agent aurait été en arrêt de travail pendant soixante-quatre jours entre 2008 et 2012, alors que M. B... précise par ailleurs avoir été victime d'une pathologie concernant la vésicule biliaire en 2008 ayant justifié une intervention chirurgicale. Enfin, la communauté de communes invoque des faits personnels conduisant à détacher la survenance de la maladie du service. Toutefois, la circonstance que M. B... résidait à une heure trente de trajet de son lieu de travail ne peut être regardée comme ayant été à l'origine de sa maladie alors qu'il a déménagé le 1er août 2016 pour se rapprocher de son lieu de travail, ainsi qu'il en est par ailleurs fait état dans l'attestation établie par la directrice de son service le 13 novembre 2019 évoquant une modification de ses horaires de travail à compter du 1er juin 2016 à la suite de son déménagement. Il ne ressort enfin d'aucune pièce que l'état de santé de l'épouse de M. B..., qui souffrait d'un " burn-out " évoluant depuis février 2016 ayant nécessité une hospitalisation d'un mois, serait davantage à l'origine de la maladie qu'il a contractée en septembre 2016. Dans ces conditions et contrairement à ce que fait valoir la communauté de communes, la pathologie contractée par M. B... doit être regardée comme imputable au service dès lors qu'aucun fait personnel ou circonstance particulière ne conduisent à détacher sa survenance du service.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif de l'annulation qu'il prononce, le présent arrêt implique qu'il soit enjoint à la communauté de communes de la Haute-Ariège de prendre un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes de la Haute-Ariège le versement de la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
8. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la communauté de communes de la Haute-Ariège.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1805782 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du 4 octobre 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la communauté de communes de la Haute-Ariège de prendre un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : La communauté de communes de la Haute-Ariège versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la communauté de communes de la Haute-Ariège au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la communauté de communes de la Haute-Ariège.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A.Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la préfète de l'Ariège en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20TL20308 2