La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2022 | FRANCE | N°20TL24048

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 10 mai 2022, 20TL24048


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège (SMDEA) a demandé au tribunal administratif de Toulouse à être déchargé du paiement des sommes de 22 659,34 euros, 42 713,25 euros et 40 767,25 euros mises à sa charge par le syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes (SAEPPO) au titre de la facturation pour les 1er, 2ème et 3ème trimestres 2018 du transport de l'eau potable du syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège par les installat

ions du syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes.

Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège (SMDEA) a demandé au tribunal administratif de Toulouse à être déchargé du paiement des sommes de 22 659,34 euros, 42 713,25 euros et 40 767,25 euros mises à sa charge par le syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes (SAEPPO) au titre de la facturation pour les 1er, 2ème et 3ème trimestres 2018 du transport de l'eau potable du syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège par les installations du syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes.

Par un jugement n° 1900278-1900279-1900396 du 14 octobre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les titres de recettes émis les 28 mai, 18 juillet et 17 octobre 2018 par le syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes et déchargé le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège des sommes mises à sa charge par ces titres exécutoires.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2020 sous le n°20BX04048 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 16 janvier 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL24048, le syndicat d'alimentation en eau potable du Pays d'Olmes, représenté par Me Faure-Pigeyre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 octobre 2020 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de condamner le syndicat d'alimentation en eau potable du Pays d'Olmes à lui payer les sommes de 22 659,34 euros, 42 713,25 euros et 40 767,25 euros correspondant aux factures des 28 mai, 19 juillet et 15 octobre 2018 ;

3°) de mettre à la charge du syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les demandes présentées par le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège étaient manifestement irrecevables en raison de la tardiveté des conclusions dirigées à l'encontre des titres de recettes dont il avait connaissance acquise, et du caractère définitif de la délibération du 17 octobre 2017 ; son courrier du 4 juin 2018 ne saurait constituer une réclamation préalable dès lors qu'il n'a pas été régulièrement notifié et qu'il ne constitue pas une contestation ; le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège n'avait dès lors pas intérêt à agir ;

- la requête était également irrecevable rationae temporis, le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège n'ayant pas respecté le délai de deux mois prévu par les dispositions du 1° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;

- l'erreur de droit alléguée par le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège n'est nullement établie dès lors que la délibération du 17 octobre 2017 qui institue un droit à redevance au titre de l'utilisation des canalisations d'eau potable et de son acheminement dans le respect des règles sanitaires était fondée, ainsi que l'a confirmé la préfecture de l'Ariège le 22 août 2018 ; c'est donc à tort que les premiers juges ont annulé les créances du syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes ;

- aucune irrégularité n'est établie dans l'adaptation des conventions historiques pour tenir compte de la construction de l'usine de production d'eau potable et de l'adhésion partielle du syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes au syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège pour la seule compétence de production.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2021, le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège, représenté par Me Magrini, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge du syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable, en l'absence de critique utile du jugement en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- le moyen tiré du caractère définitif de la délibération du 17 octobre 2017 est inopérant ; le syndicat ne conteste que la légalité des titres exécutoires pris sur la base de cette délibération illégale ;

- l'intérêt à agir du syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège à l'encontre des titres exécutoires ne soulève aucune difficulté ; la tardiveté de la demande ne saurait être opposée, en l'absence de mention des voies et délais de recours dans les titres exécutoires, et le délai raisonnable d'un an ayant été respecté ; en tout état de cause, le syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes n'a pas accusé réception de ses recours gracieux, en méconnaissance des dispositions de l'article L.112-3 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le jugement n'est entaché d'aucune erreur de droit : les titres exécutoires contestés sont illégaux dès lors qu'ils se fondent sur la délibération du 17 octobre 2017, elle-même illégale.

Par ordonnance du 24 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 14 mars 2022.

Par une ordonnance en date du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête du syndicat d'alimentation en eau potable du Pays d'Olmes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Blin, présidente assesseure,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gautier, représentant le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège a demandé au tribunal administratif de Toulouse de le décharger des titres de recettes émis par le syndicat d'alimentation en eau potable du Pays d'Olmes les 28 mai, 18 juillet et 17 octobre 2018, sur le fondement d'une délibération de son comité syndical adoptée le 17 octobre 2017. Par un jugement du 14 octobre 2020 dont le syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes relève appel, le tribunal a déchargé le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège des sommes mises à sa charge pour des montants de 22 659,34 euros, 42 713,25 euros et 40 767,25 euros.

Sur la recevabilité de la demande de première instance du syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège :

2. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans ses dispositions alors applicables : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. ". Le non-respect de l'obligation d'informer le débiteur sur les voies et les délais de recours, prévue par l'article R. 421-5 du code de justice administrative, ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion, prévu par l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, lui soit opposable.

3. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. Dans une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par les textes applicables, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable.

4. S'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.

5. Il résulte de l'instruction qu'aucun des titres de recettes notifiés au syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège ne comporte la mention des voies et délais de recours. Si celui-ci a contesté chacun des titres de recettes émis auprès du syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes, indiquant son refus de payer ces sommes, il ne résulte pas de l'instruction que ces titres de recettes auraient donné lieu à une décision expresse de rejet d'un recours gracieux assortie de l'indication des voies et délais de recours ou à l'envoi d'un acte de poursuites comportant cette indication. Dès lors, le délai de recours de deux mois prévu par les dispositions du 2° de l'article L. 1617-5 code général des collectivités territoriales n'était pas opposable au syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège, qui pouvait exercer un recours juridictionnel dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle les titres, ou à défaut, le premier acte procédant de ces titres avait été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance. Si le syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes invoque le caractère définitif de la délibération du comité syndical du 17 octobre 2017, le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège s'était cependant borné à invoquer l'illégalité de cette délibération par voie d'exception. Dans ces conditions, le syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes n'est pas fondé à soutenir que la demande de première instance du syndicat intimé dirigée à l'encontre des titres de recettes était irrecevable en raison de sa tardiveté.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte.

7. Il résulte de l'instruction que les titres de recettes contestés ont été pris sur le fondement de la délibération n° 2017/24 du comité syndical du syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes adoptée le 17 octobre 2017, ayant pour objet d'instaurer un tarif pour le transport de l'eau pour le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège. Cette délibération, qui revêt un caractère règlementaire et n'a été prise au visa d'aucune disposition de nature législative ou réglementaire, précise que le tarif de 0,40 euro HT le mètre cube comprend la participation aux fuites et l'entretien des ouvrages. Or, il résulte de l'instruction que des conventions conclues les 9 avril 1970, 17 décembre 1972 et 15 juin 1992 entre d'anciens établissements publics de coopération intercommunale, le syndicat des eaux du pays d'Olmes et le syndicat à vocation multiple du Haut Canton de Mirepoix, aux droits desquels sont venus le syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes et le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège, déterminent les conditions financières du transport de l'eau dans les canalisations du syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes. Dès lors, le comité syndical du syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes ne pouvait unilatéralement décider de mettre à la charge du syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège une redevance pour le transport de l'eau, sans remettre en cause les conventions toujours en vigueur régissant les relations entre les deux syndicats. Ainsi, les titres de recettes contestés, pris sur le fondement d'une délibération entachée d'illégalité, sont privés de base légale.

8. Il résulte de ce qui précède que le syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont déchargé le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège du paiement des sommes qui ont été mises à sa charge par les titres de recettes émis les 28 mai, 18 juillet et 17 octobre 2018. Ses conclusions tendant à la condamnation du syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège à lui verser les sommes correspondant à ces titres de recettes ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9 Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse au syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du syndicat d'alimentation en eau potable du pays d'Olmes une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du syndicat d'alimentation en eau potable du Pays d'Olmes est rejetée.

Article 2 : Le syndicat d'alimentation en eau potable du Pays d'Olmes versera au syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat d'alimentation en eau potable du Pays d'Olmes, au syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège et à la direction départementale des finances publiques de l'Ariège.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ariège.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

Mme Arquié, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne à la préfète de l'Ariège en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20TL24048


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL24048
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

135-01-04 Collectivités territoriales. - Dispositions générales. - Services publics locaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Anne BLIN
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : CABINET URBI et ORBI

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-05-10;20tl24048 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award