Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 26 septembre 2022 par laquelle le jury du master 2 informatique " sciences de l'image " de l'université Gustave Eiffel l'a déclarée ajournée, d'enjoindre à l'université Gustave Eiffel de lui délivrer un relevé de notes au titre de l'année 2016/2017 présentant la mention " admise ", et de condamner l'université Gustave Eiffel à lui verser la somme de
240 000 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts et de leur capitalisation.
Par un jugement n° 2211120-2302881 du 19 avril 2024, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du jury de l'université Gustave Eiffel du 26 septembre 2022, a enjoint à l'université Gustave Eiffel de délivrer à Mme C... B... le diplôme de master 2 d'informatique filière " science de l'image ", l'a condamnée à verser à Mme C... B... une somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice et a rejeté le surplus de la demande indemnitaire de l'intéressée.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 juin 2024, Mme C... B..., représentée par
Me Verdier, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Melun en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation de son préjudice patrimonial et n'a fait que partiellement droit à sa demande d'indemnisation de son préjudice moral ;
2°) de condamner l'université Gustave Eiffel à lui verser la somme de 286 250 euros en réparation de ses préjudices, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2022 et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'université Gustave Eiffel une somme de 3 000 euros à verser à Me Verdier sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions refusant la validation de son master 2 sont dépourvues de base légale et cette illégalité présente un lien de causalité direct avec les préjudices dont elle demande l'indemnisation ;
- la non-obtention de son master 2 l'a empêchée de candidater sur le marché de l'emploi à un poste d'ingénieur en informatique dans la filière de l'image de synthèse, dont les salaires médians oscillent entre 35 000 euros et 50 000 euros par an, aussi est-elle fondée à solliciter une réparation à hauteur des revenus dont elle a été privée ;
- ces fautes lui ont causé un préjudice moral tenant à un sentiment de dévalorisation et au mépris avec lequel elle a été traitée.
Par des mémoires en défense enregistrés les 20 février et 20 mars 2025, l'université Gustave Eiffel, représentée par la SELARL Centaure avocats, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de Mme C... B... ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme C... B... une somme 2 500 euros ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... B... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle aurait pu prendre la même décision d'ajournement au terme d'une procédure régulière ;
- la requérante ne justifie pas de la réalité des préjudices allégués et la somme totale qu'elle demande est disproportionnée.
Par une ordonnance du 27 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au
27 mars 2025.
Mme C... B... a produit un mémoire, enregistré le 5 juin 2025.
Mme C... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 25 avril 2002 relatif au diplôme national de master ;
- l'arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique,
- et les observations de Me Reis, pour l'université Gustave Eiffel.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B... était inscrite, au titre de l'année 2016/2017, en deuxième année de master informatique, filière " signal, image, synthèse " de l'institut Gaspard Monge de l'université Paris-Est-Marne-la-Vallée, devenue l'université Gustave Eiffel. Par une décision du jury du 3 octobre 2017, elle a été déclarée ajournée, après avoir obtenu une moyenne de 9,834/20 hors stage et une note de 16/20 à son stage. Cette décision a été annulée par un jugement du 2 avril 2020 du tribunal administratif de Melun. La décision du 24 septembre 2020 prise en exécution de ce jugement et ajournant à nouveau l'intéressée a également été annulée par un jugement du 29 juin 2022. Par une décision du 26 septembre 2022, Mme C... B... a une nouvelle fois été ajournée. Elle a demandé à être indemnisée des préjudices causés par ces décisions par un courrier réceptionné par l'université le 21 novembre 2022. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 26 septembre 2022, a enjoint à l'université Gustave Eiffel d'admettre Mme C... B... à son master 2 et de lui verser une somme de 2 500 euros en indemnisation de son préjudice. La requérante relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité le montant de son indemnisation. Par la voie de l'appel incident, l'université Gustave Eiffel demande la réformation de ce jugement en tant seulement qu'il l'a condamnée à indemniser Mme C... B....
2. L'article L. 613-1 du code de l'éducation relatif aux diplômes universitaires prévoit : " Les aptitudes et l'acquisition des connaissances sont appréciées, soit par un contrôle continu et régulier, soit par un examen terminal, soit par ces deux modes de contrôle combinés. Les modalités de ce contrôle tiennent compte des contraintes spécifiques des étudiants accueillis au titre de la formation continue. Elles sont adaptées aux contraintes spécifiques des étudiants ou personnes bénéficiant de la formation continue présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé ou en état de grossesse. Elles doivent être arrêtées dans chaque établissement au plus tard à la fin du premier mois de l'année d'enseignement et elles ne peuvent être modifiées en cours d'année ". L'article 11 de l'arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master, dans sa rédaction applicable à l'année 2016/2017, prévoit que " Chaque unité d'enseignement a une valeur définie en crédits européens, au niveau d'études concerné ", et l'article 3 de l'arrêté du 25 avril 2002 relatif au diplôme national de master précise que " Le diplôme de master sanctionne un niveau correspondant à l'obtention de 120 crédits européens au-delà du grade de licence ".
3. En application de ces dispositions, l'université Paris-Est-Marne-la-Vallée a adopté le 14 avril 2016, pour l'année 2016/2017, les modalités de contrôle de connaissances (MCC), qui détaillent les règles applicables, pour l'ensemble des diplômes de master de l'université, en matière d'examen et de calcul des résultats, et prévoient que ces règles générales peuvent être complétées par des modalités spécifiques à chaque formation, notamment pour préciser les règles d'assiduité et les règles de compensation entre les semestres et unités d'enseignements (UE). L'université a adopté des MCC spécifiques pour le master " informatique " au titre de l'année 2016/2017, qui précisent que pour valider l'année, un étudiant doit obtenir une moyenne supérieure ou égale à 10 sur l'ensemble des UE hors stage et une note supérieure ou égale à 10 au stage. Il résulte de l'instruction que Mme C... B... a obtenu une note de 9,834/20 hors stage et de 16/20 à son stage. Les décisions successives l'ajournant ont été annulées au motif que les MCC dont il lui a été fait application n'étaient pas en vigueur à la date des épreuves sur lesquelles Mme C... B... a été évaluée.
4. En premier lieu, il ne résulte d'aucune disposition qu'en l'absence de MCC en vigueur à la date des épreuves, une compensation entre les notes hors stage et notes de stage obtenues par les étudiants aurait dû être opérée. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que la circonstance que les MCC adoptées pour l'année 2016/2017 n'étaient pas exécutoires, faute d'avoir été transmises au recteur, ait eu une incidence sur les notes obtenues par
Mme C... B... et, ce faisant, sur la non-obtention de son diplôme. Il découle de ce qui précède que l'illégalité fautive dont étaient affectées les décisions ajournant Mme C... B... n'est pas susceptible en elle-même d'avoir privé l'intéressée d'une chance sérieuse d'obtenir un emploi.
5. En second lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que la faute de l'université n'est pas à l'origine de la situation précaire de Mme C... B... depuis 2017, qui serait liée selon elle à la non-obtention de son diplôme. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que les démarches contentieuses entreprises par Mme C... B..., motivées par la non-obtention de son diplôme, soient directement liées à l'illégalité dont étaient entachées les décisions qu'elle contestait. Enfin, la circonstance, au demeurant non établie, que l'université Gustave Eiffel aurait méprisé l'institution judiciaire n'est pas de nature à avoir causé un préjudice à Mme C... B.... Dans ces conditions, aucune indemnisation ne saurait lui être versée à ce titre.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a limité la condamnation de l'université Gustave Eiffel à la somme de 2 500 euros. En revanche, cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamnée à verser à Mme C... B... une somme de 2 500 euros au titre de son préjudice moral.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université Gustave Eiffel, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C... B... demande sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... B... la somme que l'université Gustave Eiffel demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 3 du jugement n° 2211120-2302881 du 19 avril 2024 du tribunal administratif de Melun est annulé et la demande de condamnation présentée par
Mme C... B... à laquelle le tribunal a fait droit est rejetée.
Article 2 : La requête de Mme C... B... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de l'université Gustave Eiffel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B... et à l'université Gustave Eiffel.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente de chambre,
Mme Bruston, présidente-assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2025.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA02464 2