Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 juin 2023 par lequel le préfet de police a refusé son admission exceptionnelle au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2329834-1-1 du 3 avril 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 mai 2024, Mme B..., représentée par
Me Poirier Rossi, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 juin 2023 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de
deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, ou, à défaut, de réexaminer sa demande de titre de séjour dans les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du préfet de police est insuffisamment motivé en ce qu'il ne vise pas les accords bilatéraux conclus en matière de circulation entre la France et le Sénégal ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 42 de l'accord franco-sénégalais compte tenu de ses conditions de travail et des motifs humanitaires et exceptionnels dont elle justifie ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'encontre des décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination .
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 mai 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 23 juin 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruston,
- et les observations de Me Poirier Rossi, représentant Mme B....
Une note en délibéré, enregistrée le 8 juillet 2025, a été présentée pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante sénégalaise née le 3 mars 1979 à Bantancoutou (Sénégal), a sollicité auprès des services de la préfecture de police son admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 28 juin 2023, le préfet de police a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté :
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux ressortissants sénégalais : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...) ".
3. Les demandes d'aide médicale d'Etat, les cartes d'aide médicale d'Etat, les ordres de virement, les courriers des fournisseurs de gaz et d'électricité, les ordonnances médicales, les avis d'imposition, les relevés de compte bancaire faisant apparaître divers versements et retraits d'argent, les relevés " Navigo ", les justificatifs de son activité professionnelle à compter de l'année 2018 et les diverses autres pièces produites par Mme B... devant le tribunal établissent sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée du 28 juin 2023. En particulier, l'intéressée produit son passeport revêtu d'un visa Schengen et du tampon établissant qu'elle est arrivée à Madrid le 10 octobre 2012, une carte de consultation médicale auprès de l'association médecins du monde permettant d'établir sa présence en France le 6 mai 2013, un formulaire de demande d'aide médicale d'Etat déposé le 28 octobre 2013 et la carte d'aide médicale d'Etat délivrée le même jour et, pour l'année 2014, un avis d'impôt sur le revenu, des courriers relatifs à l'aide solidarité transport du 1er mars 2014 et 14 octobre 2014, un formulaire de demande d'aide médicale d'Etat déposé le 13 septembre 2014, des relevés de livret A faisant apparaître des versements d'espèces, un devis de soins dentaires du 08 octobre 2014 et des bordereaux de transfert d'argent couvrant la période de janvier à décembre 2014, pièces qui, compte tenu de leur cohérence, démontrent sa présence en France durant le début de la période considérée. Mme B... est donc fondée à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour a été prise au terme d'une procédure irrégulière au regard des dispositions citées ci-dessus, faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour, qui constitue pour elle une garantie, et à en demander l'annulation.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'annulation de l'arrêté attaqué pour le motif retenu ci-dessus implique seulement que le préfet réexamine la situation de Mme B..., après avoir recueilli l'avis de la commission du titre de séjour sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de police, ou tout autre préfet territorialement compétent, d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 200 euros à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2329834-1-1 du 3 avril 2024 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 28 juin 2023 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police, ou a tout autre préfet territorialement compétent, de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, après avoir recueilli l'avis de la commission du titre de séjour sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente,
Mme Bruston, présidente assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.
La rapporteure,
S. BRUSTON
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA02099 2