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10/07/2025 | FRANCE | N°24PA02688

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 10 juillet 2025, 24PA02688


Vu les procédures suivantes : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement n° 2400508 du 4 juin 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé la déc

ision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 12 janvier 2024 portant in...

Vu les procédures suivantes : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement n° 2400508 du 4 juin 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 12 janvier 2024 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, lui a enjoint, ou à tout autre préfet territorialement compétent, de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. B... dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour du 12 janvier 2024 ci-dessus annulée et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédures devant la Cour : I- Par une requête, enregistrée sous le n° 24PA02688 le 23 juin 2024, M. B..., représenté par la SELARL Minier, Maugendre et Associées, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2400508 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil en date du 4 juin 2024 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai et fixant le pays de destination en date du 12 janvier 2024 ; 2°) d'annuler les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai et fixant le pays de destination en date du 12 janvier 2024 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé ; - le premier juge a omis de répondre aux moyens tirés de la violation de l'article L. 813-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'existence de plusieurs erreurs de fait et de la violation des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, ainsi qu'aux moyens présentés au soutien des conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi ; - la décision portant obligation de quitter le territoire a été signée par une autorité incompétente ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ; - elle méconnaît son droit d'être entendu et le principe du contradictoire ; - elle méconnait les dispositions de l'article L. 813-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle est entachée d'une erreur de fait ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; - elle méconnaît les stipulations des articles 3, 1 et 16 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - la décision portant refus d'un délai de départ volontaire a été signée par une autorité incompétente ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ainsi que d'une erreur de fait ; - la décision fixant le pays de renvoi a été signée par une autorité incompétente ; - elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - la décision portant interdiction de retour sur le territoire a été signée par une autorité incompétente ; - elle est entachée d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de fait. Par un mémoire en défense enregistré le 27 mars 2025 le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... en sont pas fondés. II- Par une requête, enregistrée sous le n° 24PA02934 le 4 juillet 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2400508 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil en date du 4 juin 2024 en tant qu'il a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ; 2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Il soutient que : - la décision d'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation ; - les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision ne sont pas fondés. La requête a été transmise à M. B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a décidé de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté en date du 12 janvier 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. B..., ressortissant tunisien, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 4 juin 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 12 janvier 2024 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par deux requêtes distinctes, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande et le préfet de la Seine-Saint-Denis en relève appel en tant qu'il a annulé la décision faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Sur la requête n° 24PA02688 : En ce qui concerne la régularité du jugement : 2. A l'appui de sa demande, M. B... soutenait notamment que la décision portant obligation de quitter le territoire était entachée d'une erreur de fait et qu'elle méconnaissait les stipulations des articles 3, 1 et 16 de la convention internationale des droits de l'enfant. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil ne s'est pas prononcé sur ces moyens, qu'il n'a pas visés dans son jugement. 3. De même, M. B... soutenait que la décision fixant le pays de destination était illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil ne s'est également pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. 4. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à sa régularité, que M. B... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a statué sur les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai et fixant le pays de destination et, par suite, à en demander l'annulation dans cette mesure. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de ces décisions. En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation : S'agissant du moyen commun aux décisions attaquées : 5. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".

6. L'arrêté en litige comporte une signature non assortie des mentions des prénom, nom et qualité du signataire lisibles. Toutefois, comme l'indique en défense le préfet de la Seine-Saint-Denis, il ressort des mentions du courrier de notification comportant la même signature que l'arrêté attaqué a été signé par M. D..., adjoint à la cheffe du bureau de l'éloignement, bénéficiant d'une délégation de signature en date du 27 novembre 2023. Compte tenu de ces mentions concordantes, le moyen tiré du vice d'incompétence doit être écarté. S'agissant des moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire : 7. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent et elle est, par suite, suffisamment motivée, alors même qu'elle ne mentionne pas l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle, professionnelle et familiale de M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté. 8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B... avant de prendre la décision attaquée. 9. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré, comme en l'espèce, de la violation de l'article 41 de la charte par une autorité d'un Etat membre est inopérant. En tout état de cause, s'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union et qu'il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré, ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. En outre, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision. 10. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. 11. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui, en l'espèce, n'a pas pris de décision sur une demande de titre de séjour, n'était pas tenu d'inviter M. B..., préalablement à l'édiction des décisions attaquées, à présenter des observations, qu'il demeurait libre d'apporter. En outre, il ressort du procès-verbal d'audition en date du 11 janvier 2024 établi par les services de police que M. B... a été mis en mesure de présenter ses observations sur les conditions de son séjour en France. Au demeurant, l'intéressé ne fait état d'aucun élément pertinent, susceptible d'influer sur le contenu de la décision du préfet, qu'il n'aurait pas eu la possibilité de présenter. Par suite, le moyen doit être écarté. 12. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger doit être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels il est autorisé à circuler ou à séjourner en France à toute réquisition d'un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale et, sur l'ordre et sous la responsabilité de celui-ci, des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés à l'article 20 et au 1° de l'article 21 du code de procédure pénale, dans les conditions prévues à la présente section ". Aux termes de l'article L. 813-1 de ce code : " Si, à l'occasion d'un contrôle mentionné à l'article L. 812-2, il apparaît qu'un étranger n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être retenu aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans ce cadre, l'étranger peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale ". Aux termes de l'article L. 813-8 du même code : " L'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire, procède aux auditions de l'étranger retenu. Sous le contrôle de l'officier de police judiciaire, l'étranger est mis en mesure de fournir par tout moyen les pièces et documents requis. Il est procédé, s'il y a lieu, aux opérations de vérification nécessaires ". 13. Les mesures de contrôle et de retenue que prévoient ces dispositions sont uniquement destinées à la vérification du droit de séjour et de circulation de l'étranger qui en fait l'objet et sont placées sous le contrôle du procureur de la République. Elles sont distinctes des mesures par lesquelles le préfet fait obligation à l'étranger de quitter le territoire. Dès lors, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions du contrôle et de la retenue ayant, le cas échéant, précédé l'intervention de mesures d'éloignement d'un étranger en situation irrégulière. Ainsi, la circonstance, à la supposer même établie, selon laquelle M. B... n'a pas, après son interpellation, été mis à même de fournir les justificatifs relatifs à sa situation, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. 14. En cinquième lieu, M. B... soutient qu'il justifie être entré régulièrement en France en 2019 et non irrégulièrement comme le mentionne l'arrêté attaqué. Pour étayer ses dires, il produit une copie de son passeport qui comporte un cachet d'arrivée en France en date du 6 mars 2019 et un visa d'entrée Schengen de type C valable du 5 mars au 5 avril 2019. Si ces éléments permettent de démontrer que M. B... est entré régulièrement sur le territoire, il n'en demeure pas moins qu'à l'expiration de son visa, l'intéressé, après s'être vu opposer un refus de titre de séjour, n'a pas régularisé sa situation. Des lors, l'erreur de fait dans la décision litigieuse est sans influence sur sa légalité. Par suite, le moyen doit être écarté. 15. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 16. M. B... soutient qu'il est entré régulièrement en France le 6 mars 2019 et a été rejoint par son épouse et leurs quatre enfants mineurs le 31 juillet 2019, qu'ils y résident depuis de manière continue et que son épouse est enceinte de leur cinquième enfant. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... sont entrés en France à l'âge de 39 et 35 ans et qu'ils sont depuis lors tous deux en situation irrégulière. S'il produit un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de peintre, ainsi que des bulletins de paie pour les périodes comprises entre les mois de décembre 2019 à octobre 2021, puis de janvier à décembre 2022, ces seuls éléments ne permettent pas de démontrer qu'il a en France des liens d'une intensité ou d'une ancienneté particulières. Par ailleurs, si l'épouse du requérant est enceinte, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cette grossesse nécessite un suivi médical particulier. Ainsi, eu égard aux buts poursuivis par l'arrêté litigieux et alors que rien ne s'oppose à ce que M. B... poursuive avec sa femme et ses enfants une vie familiale normale à l'étranger, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté. 17. En septième lieu, aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 18. La décision portant obligation de quitter le territoire n'a, par elle-même, ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leur père. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté. 19. En dernier lieu, selon l'article 16 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ".

20. Eu égard aux éléments évoqués au point 16, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée constitue une immixtion arbitraire ou illégale, contraire à l'article 16 de la convention internationale des droits de l'enfant, dans la vie privée et familiale des enfants de M. B.... S'agissant des moyens propres à la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire : 21. Eu égard aux conditions de séjour de M. B... sur le territoire français et à la circonstance qu'il a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 16 février 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire, nonobstant la circonstance que, contrairement à ce que mentionne le préfet, il dispose d'un logement stable. Ce moyen doit, dès lors, être écarté, ainsi que celui tiré de l'erreur de fait. S'agissant du moyen propre à la décision fixant le pays de renvoi : 22. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 20 que le moyen tiré de l'illégalité de la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français doit être écarté. 23. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 22 que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions en date du 12 janvier 2024 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. Ses conclusions à fins d'annulation doivent dès lors être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction. En ce qui concerne les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, le versement à M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais qu'il a exposés. Sur la requête n° 24PA02934 : En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal : 25. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ". 26. Pour annuler la décision faisant interdiction à M. B... de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a relevé que M. B... établissait qu'il résidait en France depuis près de cinq années à la date de la décision attaquée, justifiait d'une insertion professionnelle, de la présence de sa femme enceinte et de leurs quatre enfants scolarisés. Il a estimé que, dans ces conditions, la décision faisant interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an était entachée d'une erreur d'appréciation. 27. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en 2019, à l'âge de 39 ans, qu'il a présenté une demande de titre de séjour qui a été rejetée le 16 février 2023, qu'il s'est maintenu depuis en situation irrégulière sans effectuer de nouvelle démarche pour régulariser sa situation et que ses liens privés et familiaux en France ne revêtent pas un caractère ancien et durable. Par ailleurs, il ne peut se prévaloir de la présence de son épouse, dont il n'est nullement justifié qu'elle serait en situation régulière, et de ses quatre enfants, qui ont vocation à l'accompagner. Enfin, s'il produit des bulletins de salaire pour les périodes comprises entre les mois de décembre 2019 et octobre 2021 puis de janvier à décembre 2022 pour un emploi de peintre, il ne justifie pas d'une insertion professionnelle ancienne. Ces éléments, alors même que M. B... ne représente pas une menace pour l'ordre public, sont de nature à justifier légalement, dans son principe et sa durée, l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an prononcée à son encontre par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a considéré, pour annuler cette décision, que le préfet de la Seine-Saint-Denis l'avait entachée d'une erreur d'appréciation. 28. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil pour demander l'annulation de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. B... : 29. En premier lieu, par un arrêté du 27 novembre 2023 régulièrement publié, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à M. C... D..., signataire de la décision portant interdiction de retour, pour signer les décisions relevant notamment du bureau de l'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse doit être écarté. 30. En deuxième lieu, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de ce qu'elle est insuffisamment motivée doit par suite être écarté. 31. En dernier lieu, pour les motifs mentionnés au point 14, la circonstance que la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait est par elle-même sans incidence sur sa régularité.

32. Il résulte de tout ce qui a été dit aux points 25 à 31 que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé sa décision en date du 12 janvier 2024 par laquelle il a fait interdiction à M. B... de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.D E C I D E :Article 1er : Le jugement n° 2400508 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil en date du 4 juin 2024 est annulé.Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Saint-Denis.Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025 à laquelle siégeaient :- M. Lemaire, président,- Mme Boizot, première conseillère,- Mme Lorin, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 10 juillet 2025.La rapporteure,S. BOIZOTLe président,O. LEMAIRELa greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.Nos 24PA02688, 24PA02934 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02688
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAIRE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SCP MAUGENDRE MINIER AZRIA LACROIX SCHWAB

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24pa02688 ?
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