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10/07/2025 | FRANCE | N°23PA02758

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 10 juillet 2025, 23PA02758


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 15 juillet 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur l'a placé, à titre de régularisation, en congé de longue durée pour maladie pour une période de six mois avec solde pleine du 15 décembre 2018 au 14 mai 2019 puis pour une période d'un mois avec solde pleine du 15 mai 2019 au 14 juin 2019, ensemble la décision implicite de rejet de son recours formé devant la commission des recours des milit

aires. Par un jugement n° 2107506 du 12 mai 2023 l...

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 15 juillet 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur l'a placé, à titre de régularisation, en congé de longue durée pour maladie pour une période de six mois avec solde pleine du 15 décembre 2018 au 14 mai 2019 puis pour une période d'un mois avec solde pleine du 15 mai 2019 au 14 juin 2019, ensemble la décision implicite de rejet de son recours formé devant la commission des recours des militaires. Par un jugement n° 2107506 du 12 mai 2023 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 juin 2023, 18 août 2023, 30 mai 2024 et 28 avril 2025, M. A... B..., représenté par Me Le Foyer de Costil, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2107506 du 12 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juillet 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur l'a placé, à titre de régularisation, en congé de longue durée pour maladie pour une période de six mois avec solde pleine du 15 décembre 2018 au 14 mai 2019 puis pour une période d'un mois avec solde pleine du 15 mai 2019 au 14 juin 2019, ensemble la décision implicite de rejet de son recours formé devant la commission des recours des militaires ; 2°) d'annuler ces décisions ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé ; - le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; - l'enquête administrative produite en défense a été menée dans des conditions irrégulières, les principes du contradictoire et d'impartialité ayant été méconnus ; - la décision du 15 juillet 2020 est entachée d'une erreur d'appréciation, le syndrome anxio-dépressif dont il est atteint résultant d'une situation de harcèlement moral qui ne peut qu'être regardée comme imputable au service. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2025, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot, - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public, - et les observations de M. A... B....

Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., lieutenant-colonel ayant exercé les fonctions de chargé de mission au sein du commandement des réserves de la gendarmerie à Issy-les-Moulineaux, a été placé, à la suite d'un congé de maladie, en congé de longue durée pour maladie à compter du 15 décembre 2018 par une décision du ministre de l'intérieur en date du 14 novembre 2018. Cette décision a été annulée et remplacée par une décision du 15 juillet 2020, par laquelle le ministre de l'intérieur a placé M. A... B..., à titre de régularisation, en congé de longue durée pour maladie avec solde pleine pour une première période du 15 décembre 2018 au 14 mai 2019, puis pour une seconde période du 15 mai 2019 au 14 juin 2019. Conformément à l'article R. 4125-1 du code de la défense, M. A... B... a formé contre cette décision un recours administratif préalable devant la commission des recours des militaires le 12 octobre 2020. Par un jugement du 12 mai 2023, dont il relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision en date du 15 juillet 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur l'a placé, à titre de régularisation, en congé de longue durée pour maladie pour une période de six mois avec solde pleine du 15 décembre 2018 au 14 mai 2019 et pour une période d'un mois avec solde pleine du 15 mai 2019 au 14 juin 2019, ensemble la décision implicite de rejet de son recours formé devant la commission des recours des militaires. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". 3. M. A... B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation dès lors qu'il ne permet pas aux parties de comprendre le raisonnement des premiers juges, qui n'ont pas analysé l'ensemble des faits l'ayant conduit à être placé en congé de maladie. Contrairement à ce que soutient le requérant, les premiers juges ont, au point 6 du jugement attaqué, répondu précisément au moyen tiré de ce que la décision du 15 juillet 2020 est entachée d'une erreur d'appréciation en tant qu'elle mentionne que l'affection motivant cette décision est intervenue pour des raisons étrangères à l'exercice des fonctions, en analysant les pièces versées au dossier par les parties pour apprécier la situation médicale de M. A... B... et considérer que les éléments produits ne permettaient pas d'établir que l'affection ayant justifié son placement en congé de longue maladie aurait présenté un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement d'une telle maladie. Ainsi, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments exposés par les parties, ont suffisamment motivé le jugement attaqué, de sorte que ce moyen tenant à la régularité du jugement doit être écarté. 4. En second lieu, hormis dans le cas dans lequel le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... B... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation pour demander l'annulation du jugement attaqué. Sur le bien-fondé du jugement : 5. En premier lieu, M. A... B... soutient que l'enquête administrative a été menée dans des conditions irrégulières, les principes du contradictoire et d'impartialité ayant été méconnus. 6. Tout d'abord, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose un débat contradictoire lors d'une enquête administrative diligentée par une autorité administrative afin de vérifier et d'apprécier les allégations et les accusations portées à sa connaissance au regard d'éventuels manquements aux obligations et à la déontologie des agents publics. Par ailleurs, la circonstance que certaines personnes n'auraient pas été invitées à témoigner au cours de l'enquête administrative n'est pas de nature à entacher de partialité l'enquête administrative alors qu'il était loisible à M. A... B... de produire les témoignages qui lui semblaient pertinents pour étayer ses allégations de harcèlement moral, ce qu'il a d'ailleurs fait. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que les enquêteurs, auraient fait preuve d'une animosité personnelle à l'égard du requérant ou qu'ils seraient personnellement intéressés. Enfin, est sans incidence la circonstance qu'il n'aurait pas été formellement informé de la portée de son refus d'être entendu dans le cadre de l'enquête. Dans ces conditions et en tout état de cause, l'administration ne peut être regardée comme ayant méconnu les principes du contradictoire et d'impartialité. 7. En second lieu, M. A... B... fait valoir que la décision du 15 juillet 2020 est entachée d'une erreur d'appréciation au motif que le syndrome anxio-dépressif dont il est atteint résulte d'une situation de harcèlement moral qui ne peut qu'être regardée comme imputable au service. 8. D'une part, aux termes de l'article L. 4138-12 du code de la défense : " Le congé de longue durée pour maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie ou des droits du congé du blessé prévus aux articles L. 4138-3 et L. 4138-3-1, pour les affections dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. / Lorsque l'affection survient du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions (...), ce congé est d'une durée maximale de huit ans. Le militaire perçoit, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération pendant cinq ans, puis une rémunération réduite de moitié les trois années qui suivent. / Dans les autres cas, ce congé est d'une durée maximale de cinq ans et le militaire de carrière perçoit, dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération pendant trois ans, puis une rémunération réduite de moitié les deux années qui suivent. (...) ". Aux termes de l'article R. 4138-47 du même code : " Le congé de longue durée pour maladie est la situation du militaire, qui est placé, au terme de ses droits à congé de maladie ou de ses droits à congé du blessé, dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions pour l'une des affections suivantes : / (...) / 3° Troubles mentaux et du comportement présentant une évolution prolongée et dont le retentissement professionnel ou le traitement sont incompatibles avec le service ".

9. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct mais non nécessairement exclusif avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 10. D'autre part, aux termes de l'article L. 4123-10-2 du code de la défense : " Aucun militaire ne doit subir les propos ou les comportements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". 11. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime de discrimination ou d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'une telle discrimination ou d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les discriminations alléguées ou les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. 12. Si M. A... B... soutient que la pathologie dont il souffre est la conséquence d'une dégradation de ses conditions de travail, il ressort du rapport établi dans le cadre de l'enquête administrative diligentée suite au signalement par l'intéressé de faits de harcèlement moral que les reproches adressés par sa supérieure hiérarchique sur son travail et son comportement n'ont pas excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. En particulier, si cette supérieure hiérarchique a pu faire preuve de maladresse s'agissant de la demande d'intervention d'un médecin, cet épisode ne permet pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. De même, si elle a reconnu avoir pu se montrer plus conciliante à l'égard de deux autres officiers du service, cette attitude se justifie par la posture de repli adoptée par M. A... B... au sein du commandement des réserves de la gendarmerie nationale. Il n'est pas contesté que les évènements précités ont été à l'origine de relations conflictuelles et de difficultés relationnelles entre M. A... B... et sa supérieure hiérarchique, mais il ne résulte pas des pièces du dossier que sa hiérarchie aurait manifesté une quelconque volonté de l'humilier ou de lui nuire. L'auteur de ce rapport, dont l'objectivité n'est pas sérieusement remise en cause par M. A... B..., conclut, d'ailleurs, que l'intéressé " n'avait pas fait les efforts nécessaires pour s'intégrer au groupe et faciliter les échanges ", faisant état d'une attitude distante avec ses collègues et d'un comportement individualiste dans un contexte où le service faisait face à un surcroît de travail. Le rapport précise, également, que M. A... B... a refusé de rencontrer les enquêteurs mandatés pour un entretien, arguant du fait qu'il avait déjà transmis par écrit l'ensemble des éléments qu'il souhaitait faire valoir. Si l'intéressé produit le témoignage d'un ancien officier ayant servi avec lui au sein du bureau des réserves, qui souligne l'existence d'un climat délétère au sein de cette unité en raison d'une mise sous pression continuelle du personnel, ce seul document ne suffit pas à caractériser un contexte de travail pathogène ni un harcèlement ou une malveillance, voire un parti pris négatif envers M. A... B.... 13. Enfin, le requérant n'établit pas, par la seule production de certificats ou comptes rendus médicaux relatant ses allégations, selon lesquelles il aurait évolué dans un environnement professionnel pathogène, alors même qu'aucun autre facteur explicatif ne ressort des pièces du dossier, que la maladie dont il souffre peut être regardée comme présentant une probabilité suffisante d'un lien direct avec son exercice professionnel et, par suite, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'affection ouvrant droit à la période de congé de longue durée pour maladie accordée, le ministre des armées n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. A... B... demande au titre des frais qu'il a exposés.

D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur.Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025, à laquelle siégeaient :- M. Lemaire, président,- Mme Boizot, première conseillère,- Mme Lorin, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 10 juillet 2025. La rapporteure,S. BOIZOTLe président,O. LEMAIRELa greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 23PA02758 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02758
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAIRE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELAS NAUSICA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;23pa02758 ?
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