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02/07/2025 | FRANCE | N°24PA00480

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 02 juillet 2025, 24PA00480


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 juin 2021 par laquelle le ministre chargé de l'économie et des finances a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre au ministre de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et de régulariser sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification

du jugement à intervenir.



Par un jugement n° 2128322/5-2 du 30 novembre 2023, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 juin 2021 par laquelle le ministre chargé de l'économie et des finances a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre au ministre de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et de régulariser sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2128322/5-2 du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 24 juin 2021 du ministre chargé de l'économie et des finances, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme B..., et a enjoint au ministre de reconnaître dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif et d'en tirer toutes conséquences de droit.

Procédure devant la Cour :

I. Par un recours, enregistré sous le n° 24PA00480 le 31 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... présentée devant ce tribunal.

Il soutient que :

- sa décision n'est pas entachée d'erreur de droit ; en effet, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'administration a bien recherché l'existence d'un lien direct et certain de causalité entre la pathologie alléguée et l'exercice des fonctions de l'intéressée au sens large, et a bien procédé à l'examen de l'ensemble des pièces pour conclure que son état de santé n'était pas imputable au service ;

- les premiers juges ont commis une " erreur de droit " et ont " dénaturé les pièces du dossier " ;

- le syndrome anxio-dépressif de Mme B... n'est pas imputable au service, et s'explique par des circonstances particulières qui en sont détachables ;

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Lesueur, conclut au rejet du recours, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 24 avril 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 mai 2025 à 12 heures.

II. Par un recours enregistré, sous le n° 24PA00482 le 31 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 30 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- les moyens qu'il invoque sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation qu'il a accueillies ;

- l'exécution du jugement risque également d'entraîner des conséquences difficilement réparables, au sens des articles R. 811-15 et 17 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2024, Mme B..., représentée par Me Lesueur, conclut au rejet du recours, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 24 avril 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 mai 2025 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lesueur pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., adjointe administrative principale de 1ère classe, est affectée à la direction générale du Trésor depuis juin 2010, en qualité de secrétaire assistante. Par un jugement du 28 mars 2019 devenu définitif, le tribunal administratif de Paris a annulé à sa demande la décision du 5 octobre 2017 des ministres de l'économie et des finances et de l'action et des comptes publics, en tant que lui a été refusée la reconnaissance de l'imputabilité au service du syndrome carpien dont elle est atteinte, a enjoint à l'administration de reconnaître cette imputabilité et d'en tirer toutes les conséquences jusqu'au 21 juin 2017, et a rejeté la demande de Mme B... tendant à ce que les arrêts de travail et soins consécutifs à la chute dont elle a été victime sur son lieu de travail le 8 janvier 2016, reconnue comme accident de service, soient pris en charge par l'administration au-delà du 6 février 2016. Le 10 novembre 2017, cette dernière a formé une demande de congé de longue maladie pour une période de six mois à compter du 23 septembre 2017. Le 9 décembre suivant, elle a en outre réclamé la reconnaissance de l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif dont elle souffre. Par un jugement du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision prise le 25 juin 2019 pour rejeter sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif et a enjoint au ministre de procéder au réexamen de la situation et de la demande de Mme B.... Par une décision du 24 juin 2021, le ministre a de nouveau refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'état de santé de Mme B.... Le 28 juin 2021, celle-ci a contesté cette décision et a sollicité l'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis, sans obtenir de réponse. Par un recours enregistré sous le n° 24PA00480, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 30 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 24 juin 2021 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 28 juin 2021, lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif dont souffre Mme B... et d'en tirer toutes les conséquences de droit sur la situation de l'intéressée. Par un second recours enregistré sous n° 24PA00482, le même ministre demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes nos 24PA00480 et 24PA00482 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le recours n° 24PA00480 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. Les moyens tirés de ce que les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreurs de droit et d'une dénaturation des faits et pièces du dossiers ne relèvent pas de l'office du juge d'appel et, par suite, ne peuvent qu'être écartés comme étant inopérants.

En ce qui concerne l'imputabilité du syndrome anxio-dépressif de Mme B... :

4. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, entré en vigueur à la date de l'entrée en vigueur de son décret d'application du 21 février 2019, et désormais codifié à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique : " (...) IV. - Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / (...) / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. La seule circonstance qu'un agent souffrirait d'un état antérieur dépressif, même évolutif, ne suffit pas, à elle-seule, à exclure la prise en charge de la pathologie par le service, dès lors que le développement diagnostiqué de cette maladie a pu trouver sa cause prépondérante dans les conditions particulières du service.

6. Il ressort des pièces précises et concordantes du dossier que l'arrêt de travail de Mme B... du 29 septembre 2017 est immédiatement consécutif à la réunion de la commission de réforme ayant rendu un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service du syndrome du canal carpien qui l'affecte. Le certificat médical de son médecin traitant du 10 novembre 2017 mentionne ainsi que le syndrome anxio-dépressif dont elle souffre, est " réactionnel à un imbroglio administratif concernant ses différents accidents du travail (et) maladies professionnelles ", qui l'aurait placée " dans une situation d'insécurité sociale et professionnelle ". Le rapport d'expertise médicale du 16 mars 2021 établi par un médecin psychiatre insiste, par ailleurs, sur le lien direct entre son état psychique et ce qu'elle a ressenti comme un " acharnement " dans le cadre de son activité professionnelle. Ce lien résulte également des attestations de ses proches, notamment d'une collègue, faisant état de la dégradation subite de son état de santé à partir de septembre 2017, en réaction aux nombreuses procédures engagées. Enfin, la circonstance que l'état de santé de Mme B... s'est dégradé lorsque qu'elle a appris, à la suite de la réunion de la commission de réforme, qu'elle allait faire l'objet d'un rappel de traitement au titre des périodes de congé de maladie requalifiées par l'administration et a pris connaissance de la décision statuant sur sa demande d'imputabilité au service du 5 octobre 2017, est corroborée par la notification de deux titres de perception, émis les 26 mars et 16 août 2018 pour des montants respectifs de 5 449,45 euros et 7 935,34 euros et correspondant, selon l'administration, à des trop versés au cours de périodes pendant lesquelles Mme B... était placée en congés de maladie. Ces éléments établissent ainsi que le contexte de son service et le refus de reconnaitre l'imputabilité au service de son état de santé ont concouru à la survenance du syndrome anxio-dépressif dont Mme B... est atteinte. Dès lors, même s'il n'est pas exclu que ce syndrome anxio-dépressif ait pu être favorisé par des éléments tenant à sa personnalité, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé qu'il était imputable au service sans qu'aucune circonstance particulière ni aucun état antérieur ne conduise à l'en détacher. Le ministre ne saurait enfin contester son jugement en faisant état du déménagement de l'intéressée et de ses absences à trois rendez-vous d'expertise médicale, qui sont sans rapport avec les causes de sa pathologie.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 24 juin 2021 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 28 juin 2021 et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif de Mme B....

En ce qui concerne les frais du litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le recours n° 24PA00482 :

9. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur le recours n° 24PA00480 du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique tendant à l'annulation dans son ensemble du jugement du 30 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris, il n'y a plus lieu de statuer sur le recours n° 24PA00482 par lequel le même ministre sollicite le sursis à exécution de ce jugement.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions du recours n° 24PA00482.

Article 2 : Le recours n° 24PA00480 du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 17 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juillet 2025.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 24PA00480, 24P00482


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00480
Date de la décision : 02/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : LESUEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-02;24pa00480 ?
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