Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Rouler libre by Udelcim et autres ont saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2021P110904 du 8 juillet 2021 du préfet de police et de la maire de Paris limitant la vitesse à 30 km/h sur l'ensemble des voies de la ville de Paris à l'exception de certaines voies limitativement énumérées.
Par un jugement n° 2119145/3-2 du 30 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2023, l'association Rouler libre by Udelcim, l'association Union Parisienne, le comité Marais Paris, l'intersyndicale nationale des VTC " INV ", M. D... B... et M. D... A..., représentés par Me Tabet, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 8 juillet 2021 mentionné ci-dessus ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête est recevable car ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- l'arrêté litigieux a été signé par une autorité incompétente dès lors qu'il ne vise aucune délégation de signature régulièrement publiée ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 2213-1-1 du code général des collectivités territoriales ;
- il porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir ;
- il a pour effet d'aggraver la pollution de l'air dans la capitale et méconnaît ainsi les dispositions des articles L. 221-1 et R. 221-1 du code de l'environnement ainsi que le droit à la vie et à la santé garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2025, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérants.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable car les requérants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2025, le ministre d'État, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable car les requérants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la route ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Froger, avocat de la ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Rouler libre by Udelcim l'association Union Parisienne, le comité Marais Paris, l'intersyndicale nationale des VTC " INV ", M. D... B... et M. D... A... ont saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2021P110904 du 8 juillet 2021 du préfet de police et de la maire de Paris limitant la vitesse à 30 km/h sur l'ensemble des voies de la ville de Paris, à l'exception de 78 voies, avenues et boulevards mentionnés dans son article 2 pour lesquels la vitesse demeure limitée à 50 km/h. Par un jugement du 30 novembre 2022, dont ils relèvent appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
2. D'une part, aux termes de l'article R. 413-3 du code de la route : " En agglomération, la vitesse des véhicules est limitée à 50 km/ h (...) ". L'article R. 413-1 du même code dispose que :" Lorsqu'elles sont plus restrictives, les vitesses maximales édictées par l'autorité investie du pouvoir de police prévalent sur celles autorisées par le présent code ". D'autre part, aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales :" Le maire exerce la police de la circulation sur (...) l'ensemble des voies publiques ou privées ouvertes à la circulation publique à l'intérieur des agglomérations (...) ". L'article L. 2213-1-1 de ce code dispose que : " Sans préjudice de l'article L. 2213-1, le maire peut, par arrêté motivé, fixer pour tout ou partie des voies de l'agglomération ouvertes à la circulation publique une vitesse maximale autorisée inférieure à celle prévue par le code de la route, eu égard à une nécessité de sécurité et de circulation routières, de mobilité ou de protection de l'environnement (...) ". Enfin, en application de l'article L. 2512-14 du même code : " I.-Le maire de Paris exerce les pouvoirs conférés au maire par la section 1 du chapitre III du titre Ier du livre II de la présente partie, sous réserve des II à VII du présent article. II. - Sur certains sites, voies ou portions de voies fixés par arrêté du préfet de police après avis du maire de Paris, le préfet de police réglemente de manière permanente les conditions de circulation ou de stationnement ou en réserve l'accès à certaines catégories d'usagers ou de véhicules pour des motifs liés à la sécurité des personnes et des biens ou pour assurer la protection du siège des institutions de la République et des représentations diplomatiques. (...) III. - Sur les axes essentiels à la sécurité à Paris et au bon fonctionnement des pouvoirs publics, le maire de Paris exerce la police de la circulation et du stationnement dans le respect des prescriptions prises par le préfet de police pour les aménagements de voirie projetés par la Ville de Paris. Ces prescriptions visent à garantir la fluidité de la circulation des véhicules de sécurité et de secours. La liste de ces axes est fixée par décret. / IV. - Sur les axes dont l'utilisation concourt à la sécurité des personnes et des biens à Paris en situation de crise ou d'urgence, le maire de Paris exerce, en tenant compte des motifs qui ont présidé à l'élaboration de la liste de ces axes, la police de la circulation et du stationnement, après avis du préfet de police. La liste de ces axes est fixée par arrêté du préfet de police, pris après avis du maire de Paris. /V. - Pour l'application du présent article, le contrôle administratif et le pouvoir de substitution conférés au représentant de l'Etat dans le département sont exercés, au nom de l'Etat, par le préfet de police. / VI. - Les pouvoirs conférés par le code de la route au préfet sont exercés, à Paris, par le préfet de police ".
3. En premier lieu, l'arrêté litigieux du 8 juillet 2021 a été signé par le préfet de police et, pour la maire de Paris et par délégation, par Mme C... E..., directrice de la voirie et des déplacements. D'une part, en application de l'arrêté du 26 janvier 2021 régulièrement publié au bulletin officiel de la ville le 2 février 2021, la direction de la voirie et des déplacements de la ville de Paris définit et met en œuvre la politique des déplacements, pilote la circulation et en assure la réglementation sur l'ensemble du domaine de voirie. D'autre part, en application de l'article 1er de l'arrêté du 7 mai 2021 portant délégation de signature de la maire de Paris à la direction de la voirie et des déplacements, régulièrement publié au bulletin officiel de la ville de Paris le 14 mai 2021, Mme E..., en sa qualité de directrice a reçu délégation pour signer au nom de la maire dans la limite de ses attributions, tous les arrêtés, actes et décisions préparés par les services placés sous son autorité. Par suite, et eu égard à l'objet de l'arrêté attaqué, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
4. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux a été pris, premièrement à titre principal dans le but d'améliorer la sécurité routière, deuxièmement dans le but d'améliorer la cohabitation entre les usagers des voies publiques, troisièmement dans le but de limiter les nuisances sonores. Les requérants soutiennent que ces trois motifs sont entachés d'erreur d'appréciation.
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'abaissement de la vitesse maximale de circulation de 50 à 30 km/h permet de limiter le risque de collision en divisant par deux la distance de freinage et en élargissant le champ de vision des conducteurs de véhicules motorisés, ce qui n'est pas sérieusement contesté par les requérants. Si ces derniers soutiennent que cette moindre vitesse serait de nature à diminuer la concentration des conducteurs, ils ne l'établissent pas. En outre, il ressort des études versées aux débats que cet abaissement de la vitesse maximale diminue drastiquement le risque d'accident grave, voire mortel, pour les piétons. Comme l'a relevé le tribunal, l'exemple de la métropole de Grenoble où l'abaissement de la vitesse maximale à 30 km/h depuis le mois de septembre 2015 a permis de diminuer le nombre d'accidents mortels ou entraînant des blessures nécessitant une hospitalisation pour les piétons, confirme cette diminution. La circonstance que des facteurs autres que la vitesse, notamment le comportement des usagers des voies publiques, sont à l'origine de certains accidents ne permet pas d'en remettre en cause la réalité. D'autre part, bien que l'impact de la mesure litigieuse sur le développement des mobilités dites " actives " soit moins aisément quantifiable, il ressort des études versées aux débats qu'une politique de réduction de la vitesse de circulation des véhicules motorisés favorise l'essor de ce type de mobilités, notamment parce qu'elle facilite et sécurise la cohabitation des différents usagers de la voie publique. Les requérants n'établissent d'ailleurs pas que cette limitation générerait une congestion du trafic entraînant une " frustration " des usagers de nature à détériorer cette cohabitation. Enfin, si les effets de la limitation de la vitesse maximale sur les nuisances sonores sont plus incertains, comme l'a noté le tribunal, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le principal objectif de cette mesure de police était d'améliorer la sécurité routière, les autres objectifs étant secondaires. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit donc être écarté.
6. En troisième lieu, dès lors que l'arrêté litigieux n'implique pas une interdiction totale de la circulation et qu'au surplus la vitesse maximale autorisée reste de 50 km/h sur certaines voies, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cet arrêté méconnaît le principe de la liberté d'aller et de venir.
7. En dernier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il n'est pas établi que la diminution de la vitesse maximale de circulation à 30km/h dans l'agglomération parisienne provoquerait une hausse de la pollution de l'air, ni qu'une telle limitation de vitesse favoriserait plus les émissions de gaz qu'une limitation de la vitesse à 50km/h. Par suite, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions des articles L. 221-1 et R. 221-1 du code de l'environnement et le droit à la vie et à la santé des parisiens, protégé par l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la ville de Paris et le ministre d'État, ministre de l'intérieur, que l'association Rouler libre by Udelcim et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions au titre de l'article L761 - 1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
9.Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des requérants une somme de 1 500 euros à verser à la ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association Rouler libre by Udelcim, de l'association Union Parisienne, du comité Marais Paris, de l'intersyndicale nationale des VTC " INV ", de M. D... B... et de M. D... A... est rejetée.
Article 2 : L'association Rouler libre by Udelcim, l'association Union Parisienne, le comité Marais Paris, l'intersyndicale nationale des VTC " INV ", M. D... B... et M. D... A... verseront solidairement la somme de 1 500 euros à la ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Rouler libre by Udelcim, première dénommée pour l'ensemble des requérants, à la ville de Paris et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2025.
Le rapporteur,
D. PAGESLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E.TORDO
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°23PA00367