Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2024 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de cinq ans.
Par un jugement n° 2431924/8 du 12 février 2025, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 20 novembre 2024 (article 1er), et lui a enjoint de délivrer à M. A... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la même date (article 2).
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 mars 2025, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 12 février 2025 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision portant refus de titre de séjour méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2025, M. A..., représenté par Me Alaimo, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de police ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 20 novembre 2024, mentionné ci-dessus ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour le temps du réexamen, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation ;
- la commission du titre de séjour a émis un avis favorable à sa demande ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 7 bis e) de l'accord franco-algérien en date du 27 décembre 1968 ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- et les observations de Me Alaimo, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né le 13 mars 2005 à Rubi, Barcelone (Espagne), qui a déclaré être entré en France en mars 2009, et a été muni d'un document de circulation pour étranger mineur, régulièrement renouvelé jusqu'en 2022, a, le 16 mai 2023, sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien sur le fondement du e) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 20 novembre 2024, le préfet de police a refusé de délivrer ce titre de séjour à M. A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de cinq ans. Le préfet de police fait appel du jugement du 12 février 2025 par lequel le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la requête du préfet de police :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit (...) e) Au ressortissant algérien qui justifie résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ; / (...) ". Ces stipulations ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence de dix ans lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
4. Pour refuser de délivrer un certificat de résidence à M. A..., le préfet de police a estimé que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
5. Pour annuler l'arrêté du préfet de police, le tribunal administratif a estimé que M. A... était entré en France en mars 2009 à l'âge de quatre ans et qu'il réside auprès de sa mère et de son frère, qui séjournent régulièrement en France. Il a également relevé que M. A... a été scolarisé de la classe de CP à la classe de seconde professionnelle et qu'il justifie d'une promesse d'embauche en date du 21 octobre 2024. Il a en outre relevé que la commission du titre de séjour a, le 6 novembre 2024, émis un avis favorable à sa demande. Le tribunal s'est enfin attaché à la circonstance que seule une condamnation à une amende pénale prononcée par le président du tribunal judiciaire de Paris le 25 mars 2024 figurait au bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé. Le tribunal a estimé que, dans ces conditions, l'arrêté du préfet de police avait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
6. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi que le soutient le préfet de police, sans être sérieusement contesté sur ce point, que M. A... a été condamné par le tribunal judiciaire de Paris le 16 mars 2022 à une mesure éducative judiciaire pour des faits de vol par ruse et effraction, le 15 septembre 2022 à trente-cinq heures de travail d'intérêt général (TIG) à réaliser en dix-huit mois pour des faits de vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt et vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance, le 7 juin 2023 à un avertissement judiciaire pour des faits de conduite d'un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants et circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance et le 25 mars 2024 à cent-vingt jours-amende à dix euros à titre principal pour des faits, commis le 11 novembre 2023, de refus, par le conducteur d'un véhicule, d'obtempérer à une sommation de s'arrêter exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité permanente, usage illicite de stupéfiants et conduite d'un véhicule sans permis. Le préfet de police soutient également, sans être davantage contesté sur ce point, que M. A... est défavorablement connu des services de police pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis commis le 8 septembre 2023, et d'usage illicite de stupéfiants commis les 25 novembre 2023, 1er mars et 10 août 2024. Compte tenu de la menace que la présence de M. A... en France représente donc pour l'ordre public et de sa gravité, le préfet de police est fondé à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, en violation des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et que les premiers juges ne pouvaient se fonder sur ce motif pour annuler son arrêté.
7. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris et devant la Cour.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... :
En ce qui concerne les moyens propres à la décision portant refus de titre de séjour :
8. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour comporte l'exposé de l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, elle est suffisamment motivée.
9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige n'aurait pas été précédée d'un examen complet de la situation de M. A....
10. En troisième lieu, si M. A... soutient que la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation au regard du e) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ces stipulations ne privent pas, ainsi qu'il a été dit au point 3, l'autorité compétente du pouvoir qu'elle tient des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Compte tenu de ce qui a été dit au point 6 et alors, au demeurant, que la décision en litige n'est pas fondée sur la circonstance que M. A... ne satisferait pas aux conditions prévues par l'article 7 bis de l'accord franco-algérien, ce moyen doit être écarté.
En ce qui concerne les moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, selon les dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait, pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour.
12. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police ne se serait pas livré à examen complet de la situation de M. A....
13. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 et 6, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne le moyen propre à la décision portant refus de délai de départ volontaire :
14. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'absence de menace pour l'ordre public, la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne le moyen propre à la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
15. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / (...) ".
16. M. A... ne justifie pas de circonstances humanitaires au sens de l'article L. 612-6 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se bornant à se prévaloir de la durée de sa présence en France, de son insertion sociale et professionnelle et de la présence en France de sa mère et de son frère. Par suite, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de police a pu lui interdire de retourner sur le territoire français.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 novembre 2024.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 2431924/8 du tribunal administratif de Paris du 12 février 2025 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'État, ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2025.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 25PA01199