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20/05/2025 | FRANCE | N°23PA02996

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 20 mai 2025, 23PA02996


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 avril 2022 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français et l'arrêté ministériel du même jour en tant qu'il fixe l'Algérie comme pays de destination.



Par un jugement n° 2214416 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une req

uête, enregistrée le 7 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Le Bras, demande à la Cour :



1°) d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 avril 2022 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français et l'arrêté ministériel du même jour en tant qu'il fixe l'Algérie comme pays de destination.

Par un jugement n° 2214416 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Le Bras, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces deux arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes ou au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision d'expulsion est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision d'expulsion ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2025, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 24 février 2025, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 25 mars 2025 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- les conclusions de Mme Iliada Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Pelloux, substituant Me Le Bras, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien, né le 25 novembre 1994, fait appel du jugement du 12 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 avril 2022 du ministre de l'intérieur prononçant son expulsion du territoire français et de l'arrêté ministériel du même jour en tant qu'il fixe l'Algérie comme pays de destination.

Sur la légalité de la décision d'expulsion :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision d'expulsion contestée, qui vise, notamment, l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne en particulier, outre l'identité et la nationalité algérienne de M. B..., l'ensemble des faits, exposés d'ailleurs de manière circonstanciée, sur lesquels s'est fondé le ministre de l'intérieur pour estimer que son comportement était lié à des activités à caractère terroriste. Elle précise également que M. B... a été déchu de la nationalité française par un décret du 11 mai 2021 et que l'intéressé, qui ne présente pas de garanties de réinsertion professionnelle en France et qui est célibataire et sans enfant, ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales en Algérie. Ainsi, cette décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée au regard des exigences résultant des dispositions citées au point 2.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3 ". Aux termes de l'article L. 631-3 du même code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".

5. Aucun texte, ni aucun principe ne s'oppose à ce que les " notes blanches " produites par l'autorité ministérielle et versées au débat contradictoire, dès lors que les faits qu'elles relatent de façon suffisamment précise ne sont pas sérieusement contestés par le requérant, soient susceptibles d'être prises en considération par le juge administratif.

6. Par l'arrêté contesté du 27 avril 2022, le ministre de l'intérieur a prononcé, en application des dispositions de l'article L. 631-3 cité ci-dessus, l'expulsion du territoire français de M. B... qui est né en France le 25 novembre 1994 et y a vécu depuis lors, en se fondant, notamment, sur les condamnations pénales dont l'intéressé a fait l'objet ainsi que sur une note des services de renseignement qui a été versée au débat contradictoire.

7. D'une part, il est constant que M. B... a été condamné, par un jugement du 23 juin 2017, devenu définitif, du tribunal correctionnel de Paris, à une peine de 6 ans d'emprisonnement, assortie d'une période de sûreté de moitié et d'une inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes, pour des faits qualifiés de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, commis du 31 août 2013 au 22 janvier 2014 à Nice ainsi qu'en Turquie et en Syrie. Il ressort de ce jugement, notamment des faits constatés par le juge pénal, ainsi que de la note des services de renseignement que, dès 2013, M. B... s'est radicalisé auprès d'Oumar Diaby, qui a exercé un prosélytisme actif à l'égard de jeunes individus niçois, en organisant des réunions au cours desquelles il s'est livré à des prêches virulents en faveur du jihad. Au cours de la même année, M. B... a visionné des vidéos diffusées par cet individu sur son site internet " 19HH.net " (en référence aux auteurs des attentats commis aux Etats-Unis le 11 septembre 2001). Le 24 septembre 2013, M. B... a quitté la France pour rejoindre la Syrie, via la Turquie, sur les instructions du bras droit d'Oumar Diaby, guidé par celui-ci, afin d'intégrer, avec d'autres jeunes originaires C..., les rangs de la katiba francophone Firqatul Ghuraba d'Oumar Diaby. Après être revenu en France le 22 janvier 2014, M. B... a été interpellé, le 11 février 2024, gardé à vue, mis en examen et placé en détention provisoire à compter du 14 février 2014. La perquisition effectuée alors au domicile familial de l'intéressé a permis la découverte de nombreuses photographies de combattants et de drapeaux jihadistes, des photographies le représentant porteur d'un fusil d'assaut de type Kalachnikov ainsi que des échanges, au cours du mois d'octobre 2013, avec " ses frères " relatifs à sa participation à des combats armés et au fait qu'il possédait une arme de guerre de type kalachnikov. S'agissant de ces faits, alors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du jugement du 23 juin 2017, que M. B... a nié ou minimisé, tout au long de la procédure pénale, leur matérialité ou leur gravité, le requérant persiste dans ses écritures, sans convaincre, à les minimiser et à faire valoir que, dès son retour en France en 2014, il a pris " ses distances avec cette vision violente et mortifère de la religion musulmane " en se prévalant, notamment, d'une interview donnée sous couvert d'anonymat, diffusée le 9 octobre 2014 dans le cadre de l'émission " Complément d'enquête " sur la chaîne France 2 et dans laquelle il exprime ses regrets et indique que des " prêcheurs " de son quartier lui auraient " lavé le cerveau ". Ni les assertions de l'intéressé dans ses écritures, ni ses propos lors de cet interview ne sauraient suffire à démontrer que M. B... aurait fait montre d'une remise en cause ou d'une distanciation avérée et sérieuse par rapport aux faits commis entre les mois de septembre 2013 et janvier 2014, alors qu'il ne livre aucun développement étayé, personnalisé et crédible sur son parcours et ses activités en Syrie durant cette période et ne conteste pas être resté informé, après son retour en France, de la situation des personnes qui se trouvaient encore en zone de combat. De même, s'il allègue avoir été identifié, après cette interview, et avoir subi des " menaces de représailles en détention de la part de certaines personnes radicalisées ", il n'apporte aucune précision suffisante, ni aucun élément probant à l'appui de cette assertion. A cet égard, le courrier du 27 juillet 2016 de son conseil adressé à un directeur de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, demandant un transfert pour rapprochement familial, ne revêt aucun caractère probant. Au demeurant, aucune des pièces du dossier n'atteste que l'intéressé aurait fait l'objet de telles menaces ou aurait été transféré pour des motifs de sécurité tenant à sa personne.

8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment de la note des services de renseignement, que M. B... a au cours de sa période d'incarcération, entre 2015 et 2017, mais également postérieurement à celle-ci, fréquenté de nombreux individus au profil radicalisé ou impliqués dans des affaires de terrorisme, dont les noms et les faits délictueux sont précisément indiqués dans cette note. S'agissant de ce relationnel pro-djihadiste développé ou maintenu en détention ou par la suite, M. B..., en se bornant à faire état de ce qu'il n'a plus eu de " contact " avec des individus radicalisés depuis le 28 novembre 2017, n'apporte aucun élément sérieux de nature à remettre en cause la matérialité des différents éléments, précis et circonstanciés, figurant sur ce point dans cette note. De plus, la note relève, sans être contestée sur ce point, qu'il a été constaté, le 19 août 2021, lors d'un contrôle d'identité, que M. B... était en compagnie de l'un des prévenus, un des jeunes niçois ayant rejoint en 2014 la katiba d'Oumar Diaby et condamné, par le même jugement en date du 23 juin 2017, à une peine de 8 ans d'emprisonnement, assortie d'une période de sûreté des deux tiers, pour des faits qualifiés de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, commis courant 2014 au 26 septembre 2014 à Nice ainsi qu'en Turquie, en Irak et en Syrie. Par ailleurs, afin de justifier son comportement et ses fréquentations en détention ou par la suite, si M. B... invoque son rôle de " source " auprès du service national du renseignement pénitentiaire, puis de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), en coopérant " pour indiquer quel détenu s'était radicalisé et lequel était susceptible de passer à l'acte ", le requérant n'apporte aucune précision, ni aucun élément de nature à établir une telle assertion.

9. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, notamment de la note des services de renseignement, des motifs de l'arrêt du 10 janvier 2019 de la cour d'appel de Paris infirmant un jugement du 28 septembre 2018 du juge de l'application des peines admettant M. B... au bénéfice de la semi-liberté à compter du 8 octobre 2018 et jusqu'au 7 juin 2019, ainsi que des motifs des arrêtés des 11 avril 2019 et 5 juillet 2019 du ministre de l'intérieur prononçant à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, que l'intéressé, placé sous contrôle judiciaire le 16 juillet 2014, a violé ses obligations, notamment celles de ne pas quitter le département des Alpes-Maritimes et de ne pas entrer en contact, notamment téléphonique, avec l'une des personnes poursuivie et d'ailleurs condamnée avec lui par le même jugement en date du 23 juin 2017. A cette occasion, l'intéressé s'est borné à expliquer son comportement par une simple raison festive, étant parti " faire la fête, notamment en Espagne ", mais n'a pas hésité à participer à un trafic de stupéfiants pour lequel il a été interpellé le 5 avril 2015. Par ailleurs, au cours de son incarcération, M. B... a fait l'objet de plusieurs comptes rendus d'incident, lui ayant valu des sanctions disciplinaires et une condamnation pénale. En particulier, le 26 février 2016, il a participé à un mouvement collectif de refus de réintégration de promenade et a menacé de le réitérer le 14 janvier 2017. Au mois de janvier 2017, il a été trouvé en possession d'une clé USB, d'une carte SIM, d'une carte micro SD et d'un chargeur de téléphone, moyens lui permettant de communiquer avec l'extérieur. Pour ces faits commis les 14 et 23 janvier 2017, il a, notamment, été condamné, par un jugement du 16 février 2018 du tribunal correctionnel d'Evry, à une peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis du chef de recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas 5 ans d'emprisonnement. Le 17 janvier 2017, une fouille de sa cellule a permis de découvrir plusieurs ouvrages religieux, dont l'un intitulé " Le califat de Umar ", particulièrement prisé des salafistes. Le 2 août 2018, l'intéressé a été impliqué dans une altercation avec un codétenu et a été trouvé en possession d'un téléphone portable ainsi que d'un chargeur, faits qui lui ont valu, notamment, 20 jours de retrait de crédit de réduction de peine par le juge de l'application des peines. Enfin, à raison de son mauvais comportement en détention et de l'absence de gages sérieux et avérés de remise en cause par rapport aux faits qui lui sont reprochés et de réinsertion, sa remise en liberté sous surveillance électronique, autorisée le 19 juillet 2016 par le tribunal de grande instance de Paris, a été annulée le 25 juillet 2016 par la cour d'appel de Paris, tandis que le jugement du 28 septembre 2018 du juge de l'application des peines admettant M. B... au bénéfice de la semi-liberté à compter du 8 octobre 2018 a été infirmé par un arrêt du 10 janvier 2019 de la cour d'appel de Paris. Un tel comportement de l'intéressé démontre une incapacité à respecter les règles de la vie carcérale et, plus généralement, les mesures de surveillance et les décisions de justice dont il a fait l'objet.

10. Enfin, libéré le 13 avril 2019, M. B... a fait l'objet, par un arrêté du 11 avril 2019 du ministre de l'intérieur et à raison de sa dangerosité, d'une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, qui a été renouvelée le 5 juillet 2019. Par ailleurs, si le requérant fait état d'une réinsertion, notamment professionnelle, depuis sa libération, il ne fournit aucun élément sérieux à l'appui de ses allégations. A cet égard, il se borne à produire, notamment, une attestation d'entrée en formation " agent de propreté et d'hygiène " pour une session du 23 novembre 2020 au 6 avril 2021, sans démontrer avoir suivi cette formation, ainsi qu'un extrait Kbis pour une activité d'" Epicerie alimentaire. Vente de boisson alcoolisée. Vente accessoire et recharge téléphonique " sous la dénomination " Market Pasteur ", qui aurait débuté le 11 juin 2021, un permis de vente de boissons alcoolisées la nuit et un permis d'exploitation en date des 8 et 10 juin 2021, sans fournir la moindre pièce attestant de l'effectivité ou de la réalité de cette activité.

11. Il suit de là que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la nature et de l'extrême gravité des faits commis en 2013 et 2014 par l'intéressé, inscrit très jeune dans un parcours de délinquance, de l'absence de garanties sérieuses et avérées quant à une remise en question élaborée et sincère par rapport à ces faits et à leur gravité, de son comportement lors de son contrôle judiciaire et de sa détention, de sa fréquentation persistante, durant cette détention et par la suite, de personnes radicalisées et impliquées dans des affaires de terrorisme et de l'absence de gages de réinsertion, le ministre de l'intérieur, en estimant que le comportement de M. B... était lié à des activités à caractère terroriste et, en conséquence, en prononçant son expulsion du territoire français, n'a commis aucune erreur de droit, ni aucune erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. M. B... se prévaut de sa présence en France depuis sa naissance ainsi que de celle de sa mère, titulaire d'un certificat de résidence de 10 ans, de l'ensemble de sa fratrie et de sa compagne, de nationalité française, avec laquelle il entretient une relation depuis plusieurs années. Toutefois, en l'espèce, le droit à mener une vie familiale normale se trouve déjà garantie par la protection particulière dont M. B... bénéficie au titre des dispositions précitées de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant qu'étranger résidant habituellement en France depuis sa naissance, qui n'autorisent son expulsion qu'en raison de son comportement dont la particulière gravité justifie, ainsi qu'il a été dit aux points 7 à 11, son éloignement durable du territoire français alors même que ses attaches y sont fortes. En tout état de cause, si M. B... a acquis la nationalité française le 30 avril 2008 par déclaration d'acquisition souscrite devant le juge d'instance C... sur le fondement du second alinéa de l'article 21-11 du code civil, il a été déchu de la nationalité française par un décret du 11 mai 2021 pris sur le fondement du 1° de l'article 25 du même code et le recours de l'intéressé formé contre ce décret a été rejeté par une décision n° 455395 du 22 juin 2022 du Conseil d'Etat statuant au contentieux. En outre, l'intéressé, âgé de 27 ans à la date de la décision attaquée et qui ne fournit aucun élément sur son parcours scolaire, ne justifie d'aucune insertion professionnelle stable et ancienne sur le territoire. Par ailleurs, s'il fait état d'une relation avec une ressortissante française, il n'établit, ni n'allègue avoir vécu avec cette personne. Enfin, M. B..., qui ne fournit aucune précision, ni aucun élément sur les membres de sa fratrie, qu'il s'agisse de leur nationalité, de leur présence éventuelle en France ou des liens qu'il entretiendrait avec eux, ne justifie d'aucune circonstance de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie à l'étranger et, en particulier, en Algérie où il ne démontre pas être dépourvu de toute attache personnelle ou familiale. A cet égard, il ressort des motifs de l'arrêt du 10 janvier 2019 de la cour d'appel de Paris que la mère de M. B..., originaire de Blida, y a de la famille et y a séjourné en 2018 et que, par ailleurs, l'un des frères de l'intéressé y réside. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la gravité du comportement qui est reproché à l'intéressé, la décision prononçant son expulsion du territoire français ne peut être regardée comme ayant porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées ci-dessus doit être écarté. Par les mêmes motifs, il y a lieu d'écarter, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision d'expulsion en litige, ne peut qu'être écarté.

15. En deuxième lieu, la décision contestée fixant le pays de destination qui vise, notamment, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne, en particulier, que M. B... " n'a pas établi, ni même allégué, être exposé à un risque personnel, réel et sérieux [d'être exposé] à des peines ou des traitements contraires " aux stipulations de cette convention en cas de retour en Algérie. Ainsi, cette décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, est, par suite, suffisamment motivée.

16. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

17. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Cet article 3 stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

18. M. B... soutient que les services de la police aux frontières ont transmis, le 6 mai 2022, au consulat général d'Algérie à Nice un procès-verbal d'audition du 5 mai 2022 dans lequel il indique que ses documents de voyage et d'identité français lui ont été retirés " il y a un an par la police ", l'intéressé estimant qu'il s'agissait de la DGSI, à la suite de sa " déchéance de nationalité pour association de malfaiteur terroriste en septembre 2013 " et qu'il a été incarcéré de mai 2015 à mars 2019 " entre la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, Fresnes et les Baumettes ". Il fait valoir également qu'en 2019, après sa libération, sa mère, lors d'un voyage en Algérie, a été interpellée à l'aéroport d'Alger et conduite dans un bureau de police où une personne en civil l'a interrogée sur l'endroit où se trouvait son fils. Enfin, il fait valoir que le fait qu'il a informé le service du renseignement pénitentiaire et la DGSI pourrait, s'il était connu, s'avérer dangereux pour lui en cas de retour en Algérie. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 8, il n'est pas établi que M. B... aurait coopéré avec les services de renseignement français, notamment durant sa détention. En outre, le requérant, qui n'a, au demeurant, pas sollicité l'asile après la mainlevée de sa rétention au mois de mai 2022, alors qu'il avait été expressément informé de cette possibilité par un courrier du 23 mai 2022, n'apporte aucune autre précision crédible, ni aucun élément probant sur les circonstances selon lesquelles sa mère aurait été, lors d'un voyage à Alger, interrogée sur lui à une date non précisée. Enfin, les seules mentions figurant sur le procès-verbal d'audition du 5 mai 2022 ne sauraient suffire à démontrer que l'intéressé serait exposé, en cas de retour en Algérie, à des peines ou traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, M. B... n'apporte aucun élément sérieux et convaincant permettant de considérer qu'il encourrait dans le cas d'un retour en Algérie, de manière suffisamment personnelle, certaine et actuelle, des menaces quant à sa vie ou sa personne ou des traitements prohibés par cet article 3. Par suite, en décidant, par la décision attaquée, que l'intéressé pourra être éloignée d'office à destination de l'Algérie, le ministre de l'intérieur n'a pas méconnu les dispositions et stipulations précitées.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais de l'instance ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme Jayer, première conseillère,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,

M.-D. JayerLa greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02996


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02996
Date de la décision : 20/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : PELLOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-20;23pa02996 ?
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