Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 août 2024 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler sa carte de séjour pluriannuelle, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de cinq ans.
Par un jugement n° 2424654/5-2 du 9 janvier 2025, le tribunal administratif de Paris a admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire (article 1er), a annulé l'arrêté du 26 août 2024, et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, en lui délivrant, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 février 2025, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2 à 4 de ce jugement du tribunal administratif de Paris du 9 janvier 2025 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté en litige au motif que la présence de Mme B... en France ne constituerait pas une menace pour l'ordre public au regard de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que cet arrêté a été pris sur le fondement de l'article L. 432-1-1 de ce code en raison de sa condamnation pour violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique ;
- les autres moyens soulevés par Mme B... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2025, Mme B..., représentée par Me Diallo, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de rejeter la requête du préfet de police ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- l'arrêté en litige a été pris au terme d'une procédure irrégulière, en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code pénal ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 20 juin 1998 à Casablanca, entrée régulièrement en France le 27 août 2017 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour " étudiant ", s'est vu délivrer une carte de séjour portant la mention " étudiant ", qui a été renouvelée jusqu'au 10 janvier 2024. Par un arrêté du 26 août 2024, le préfet de police a refusé de renouveler ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de cinq ans. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 9 janvier 2025, le tribunal administratif a fait droit à sa demande. Le préfet de police fait appel de ce jugement.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, visée ci-dessus : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application de ces dispositions, l'admission provisoire de Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur la requête du préfet de police :
4. Aux termes de l'article L. 432-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance ou le renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé à tout étranger : (...) 4° Ayant commis les faits qui l'exposent à l'une des condamnations prévues au livre II dudit code lorsqu'ils le sont sur le titulaire d'un mandat électif public ou sur toute personne mentionnée aux 4° et 4° bis de l'article 222-12 ou à l'article 222-14-5 du même code, dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur. " Aux termes de l'article 222-11 du code pénal, figurant au livre II de ce code : " Les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. " Le 4°) de l'article 222-12 et l'article 222-14-5 de ce code prévoient les peines applicables à ces violences lorsqu'elles sont commises sur une personne dépositaire de l'autorité publique.
5. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour de Mme B..., le préfet de police s'est, dans l'arrêté en litige, fondé sur les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 432-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et s'est attaché à la circonstance que Mme B... a été condamnée, le 23 juin 2022, par le tribunal correctionnel de Paris à 100 jours-amende à 20 euros pour violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique, suivie d'une incapacité supérieure à huit jours. Il est donc fondé à soutenir que le tribunal administratif ne pouvait annuler l'arrêté en litige, au motif que sa présence en France ne constituait pas une menace pour l'ordre public au regard de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif.
Sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris :
7. En premier lieu, l'arrêté en litige comporte l'exposé de l'ensemble des considérations de droit et de fait au vu desquelles il a été pris. Ainsi il est suffisamment motivé.
8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté en litige n'aurait pas été précédé d'un examen complet de la situation de Mme B....
9. En troisième lieu, Mme B... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité d'étudiante, et ne s'est pas vu refuser sur le fondement de l'article L. 412-9 du même code le renouvellement de ce titre en raison de manquements au contrat d'engagement au respect des principes de la République prévu à l'article L. 412-7 de ce code. Elle ne saurait donc invoquer utilement l'article L. 412-10 de ce même code, pour soutenir que le préfet de police devait consulter la commission du titre de séjour, avant de prendre l'arrêté en litige.
10. En quatrième lieu, compte tenu de la gravité des faits relevés par le préfet de police dans son arrêté, en dépit de la durée de la présence de Mme B... en France, et alors même que les faits reprochés remontaient à deux ans à la date de l'arrêté en litige, que, depuis sa condamnation, elle n'a pas commis de nouveaux faits pénalement répréhensibles, et que l'exécution de cet arrêté fait obstacle à la poursuite de ses études en troisième année de licence " Information-Communication " à l'Université Sorbonne Nouvelle, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de renouveler son titre de séjour.
11. En cinquième lieu, Mme B... ne saurait utilement invoquer l'article L. 412-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif au non-renouvellement de la carte de séjour pluriannuelle ou de la carte de résident pour manquements au contrat d'engagement au respect des principes de la République, pour soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur de droit en refusant de renouveler son titre de séjour.
12. En sixième lieu, le moyen tiré d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est inopérant pour contester le refus de renouveler un titre de séjour en qualité d'étudiant.
13. En septième lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, les moyens tirés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité du refus de titre de séjour, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, et les moyens tirés à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et d'une erreur manifeste d'appréciation, ne peuvent être accueillis.
14. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
15. Mme B... qui a été obligée de quitter le territoire français sans délai et n'est pas fondée à faire état de l'illégalité de cette mesure, et qui ne se prévaut d'aucune circonstance humanitaire particulière, n'est pas fondée à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, serait entachée d'erreur de droit au regard de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En s'attachant à la durée de sa présence sur le territoire français, à ses liens avec la France et à la circonstance que sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le préfet de police a suffisamment motivé cette décision. Compte tenu de cette menace pour l'ordre public, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de police a fixé la durée de l'interdiction à cinq années.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en litige.
Sur les conclusions de Mme B..., présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions mentionnées ci-dessus.
DÉCIDE :
Article 1er : Mme B... est admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2424654/5-2 du tribunal administratif de Paris du 9 janvier 2025 sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Bonifacj, présidente de chambre,
M. Niollet, président-assesseur,
Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 avril 2025.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 25PA00603