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02/04/2025 | FRANCE | N°23PA05357

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 02 avril 2025, 23PA05357


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'Office des postes et télécommunications (OPT) de Polynésie française a demandé au tribunal administratif de Polynésie française d'annuler la facture émise par le port autonome de Papeete n° 2022/5918 du 20 octobre 2022 mettant à sa charge la somme de 4 862 487 F CFP.



Par un jugement du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté la demande de l'Office des postes et télécommunications (OPT) de Polynésie française.





Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 26 décembre 2023, l'OPT,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office des postes et télécommunications (OPT) de Polynésie française a demandé au tribunal administratif de Polynésie française d'annuler la facture émise par le port autonome de Papeete n° 2022/5918 du 20 octobre 2022 mettant à sa charge la somme de 4 862 487 F CFP.

Par un jugement du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté la demande de l'Office des postes et télécommunications (OPT) de Polynésie française.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 décembre 2023, l'OPT, représenté par Me Tang, demande à la Cour :

1°) d'annuler, ou à tout le moins de réformer, le jugement n° 2300042 du 26 septembre 2023 du tribunal administratif de Polynésie française ;

2°) d'annuler le titre de recettes émis par le port autonome de Papeete d'un montant de 4 862 487 F CFP ;

3°) de réduire le montant de la somme due au port autonome de Papeete en tenant compte d'une période d'occupation du 5 octobre au 31 décembre 2018 ;

4°) de réduire de 50% la somme mise à sa charge à raison du comportement fautif du port autonome de Papeete ;

5°) de mettre à la charge du port autonome de Papeete la somme de 250 000 F CFP en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal s'est livré à une appréciation erronée des faits en estimant qu'il avait été rendu destinataire du titre de recettes en litige ;

- le titre de recettes est irrégulier en la forme dans la mesure où il ne comprend pas les mentions requises par l'article LP 21 de la loi de pays n° 2020-34 et du II de l'article 85 de la délibération n° 95-205 modifiée ;

- le tarif de 9 741 F CFP du m² sur la base duquel a été calculée l'indemnité mise à sa charge est irrégulier ; ce tarif a été fixé par une décision du directeur du port autonome du 16 septembre 2019 postérieure à la période d'occupation en litige ; cette décision ne peut servir de fondement au titre de recettes contesté ;

- la somme qui lui est réclamée est excessive dans la mesure où il s'est déjà acquitté des sommes réclamées pour l'occupation du hangar B2 pour la période du 1er septembre 2018 au 4 octobre 2018 ;

- comme l'a jugé la Cour dans un arrêt 22PA05529, le comportement ambigu du port autonome en ce qui concerne le maintien de relations contractuelles pour l'occupation du hangar constitue une faute de nature à l'exonérer pour moitié de sa responsabilité ; cette faute doit l'exonérer à hauteur de 50%.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2024, le port autonome de Papeete, représenté par Me Mendiola-Aromaiterai, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'OPT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par l'OPT ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du Pays n° 2020-34 du 8 octobre 2020 ;

- la délibération n° 95-205 AT du 23 novembre 1995 ;

- la délibération n° 2021-120 APF du 25 novembre 2021 ;

- la délibération du conseil d'administration du port autonome de Papeete n° 34-2008 du

23 septembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Palis de Koninck,

- et les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention conclue le 3 juillet 1984, le port autonome de Papeete (PAP) a autorisé l'office des postes et télécommunications (OPT) de Polynésie française à occuper un entrepôt d'une superficie totale de 1 782 m2 au sein de la zone portuaire en vue de l'exploitation d'un bureau postal pour le tri, la distribution, le stockage et l'expédition des colis. Cette convention a été tacitement renouvelée jusqu'au 31 décembre 2017, date de sa résiliation par le port autonome. Des négociations ont alors été engagées en vue de la conclusion d'une nouvelle convention mais n'ont pas abouti. Constatant l'absence de libération des lieux dans leur état initial, le port autonome de Papeete a adressé à l'OPT, auquel a succédé la société Fare Rata, une facture du 20 octobre 2022 valant titre de recettes d'un montant de 4 862 487 F CFP pour la période d'occupation courant du 1er septembre au

31 décembre 2018. L'OPT relève appel du jugement du 26 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre de recettes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si l'OPT soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité en considérant qu'il avait été destinataire du titre de recettes contesté, un tel moyen qui tend à remettre en cause l'appréciation des premiers juges relève du bien-fondé du jugement attaqué et ne peut être utilement soulevé à l'appui d'une contestation de la régularité de ce jugement.

Sur les conclusions dirigées contre le titre exécutoire :

3. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre, statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse.

En ce qui concerne le bien-fondé du titre exécutoire :

4. L'occupation sans droit ni titre d'une dépendance du domaine public constitue une faute commise par l'occupant qui l'oblige à réparer le dommage causé au gestionnaire de ce domaine par cette occupation irrégulière. Le gestionnaire du domaine public est fondé à réclamer à ce titre à l'occupant irrégulier une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, il doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la dépendance concernée du domaine public.

5. L'article 7 de la convention conclue le 3 juillet 1984 intitulé " Restitution des lieux - remise en état " stipule : " Sauf s'il a préalablement présenté un successeur agréé par le Port Autonome de Papeete, acceptant de lui reprendre les locaux l'amodiataire doit, en fin d'occupation à la date de cessation pour quelque cause que ce soit de l'autorisation donnée par la convention, remettre les lieux libres de toutes installations qu'il aurait construites ou dont il aurait fait l'acquisition d'un précédent occupant. / A défaut pour l'amodiataire de s'être acquitté de cette obligation dans le délai fixé par la mise en demeure adressée par lettre recommandée, le Port Autonome pourra y pourvoir d'office aux frais et aux risques de l'amodiataire. Dans ce cas la redevance domaniale continuera d'être due jusqu'à la remise en état des lieux. (...) Dans tous les cas, la restitution au Port Autonome du terrain et éventuellement des constructions faisant l'objet de la présente convention est constatée par un procès-verbal contradictoirement par un représentant du Port Autonome de Papeete et signé par l'amodiataire. ".

6. En vertu de la convention conclue le 3 juillet 1984, le port autonome de Papeete a autorisé l'OPT de Polynésie française à occuper un entrepôt d'une superficie totale de 1 782 m2 au sein de la zone portuaire divisé en deux surfaces distinctes, l'une de 1 536 m2 affectée au tri postal, l'autre de 246 m2 affectée à l'agence du bureau de poste. Le 31 décembre 2017, le port autonome de Papeete a résilié cette convention. Dès lors, à compter de cette date, l'OPT de Polynésie française, auquel a succédé la société Fare Rata, ne disposait plus d'un titre l'autorisant à occuper cet entrepôt.

7. En premier lieu, il résulte des termes du titre exécutoire en litige que le montant de l'indemnité d'occupation irrégulière a été fixé par référence au tarif de location des entrepôts couverts établi par une délibération du conseil d'administration du port autonome de Papeete du 23 septembre 2008. L'article 1er de cette délibération fixe le " seuil minimum " de location des entrepôts couverts appartenant au PAP et prévoit que " ces seuils sont révisés au 1er janvier de chaque année au taux fixé par le Conseil d'administration du Port autonome de Papeete en fonction de l'évolution de l'indice des prix de détail à la consommation ". Le montant de l'indemnité d'occupation irrégulière a ainsi été fixé, pour l'année 2018, par référence au tarif annuel de location révisé d'un montant de 9 471 F CFP du m². Ainsi, contrairement à ce que soutient l'OPT, le montant de l'indemnité qui lui est réclamé n'a pas été déterminé au vu de la décision n° 2019/76 du directeur du PAP adoptée postérieurement à l'émission du titre de recette mais en application de la délibération du 23 septembre 2008 prévoyant une révision des redevances d'occupation du domaine public. L'indemnité a ainsi été déterminée au vu du montant de la redevance qui aurait été appliqué à l'OPT s'il avait été placé dans une situation régulière.

8. En deuxième lieu, si l'OPT soutient qu'il aurait dû être déduit du montant de l'indemnité qui lui est réclamée la somme dont il s'est déjà acquitté pour l'occupation de l'entrepôt du

1er septembre 2018 au 4 octobre 2018, il ne justifie par aucune pièce du dossier avoir déjà en partie indemnisé le port autonome pour la période d'occupation objet du titre contesté courant du

1er septembre au 31 décembre 2018.

9. En dernier lieu, lorsque l'autorité gestionnaire du domaine public n'a pas mis l'occupant irrégulier en demeure de quitter les lieux, ne l'a pas invité à régulariser sa situation ou a entretenu à son égard une ambiguïté sur la régularité de sa situation, ces circonstances, si elles ne sauraient faire obstacle, dans son principe, au droit du gestionnaire du domaine public à la réparation du dommage résultant de cette occupation irrégulière, sont de nature, le cas échéant, à constituer une cause exonératoire de la responsabilité de l'occupant, dans la mesure où ce comportement du gestionnaire serait constitutif d'une faute.

10. Il résulte de l'instruction que si la convention d'occupation du domaine public conclue le 3 juillet 1984 a été résiliée le 31 décembre 2017, des négociations ont été engagées avec le port autonome de Papeete qui a adressé en juillet 2018 un nouveau projet de convention, renvoyé signé par l'OPT de Polynésie française en octobre 2018. Le port autonome soutient que la nouvelle direction a finalement refusé de donner suite à ce projet de convention et a sollicité, lors de plusieurs entretiens téléphoniques, la restitution de la partie de l'entrepôt, d'une surface de 1 536 m², affectée au tri postal. Toutefois, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations. A cet égard, le port autonome n'a pas procédé à un état des lieux de sortie alors que les stipulations de l'article 7 de la convention du 3 juillet 1984 citées au point 5 prévoyaient que la restitution du terrain devait être constatée par un procès-verbal [établi] contradictoirement, contribuant ainsi au maintien d'une situation ambiguë quant au sort des aménagements et équipements réalisés par l'OPT au sein de l'entrepôt. Il résulte de l'instruction que ce n'est que par un courrier du 25 mai 2020 que le port autonome a mis en demeure la société Fare Rata de quitter cette partie de l'entrepôt et de procéder à sa remise en état. Dans ces circonstances, le comportement du port autonome de Papeete constitue une faute de nature à exonérer l'OPT de la moitié de sa responsabilité pour la période d'occupation en litige courant du 1er septembre au 31 décembre 2018.

11. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire n° 2022/5918 émis le 21 octobre 2022 a mis à la charge de l'OPT une indemnité d'un montant de 4 862 487 F CFP au titre de l'occupation irrégulière de la surface de 1 536 m2 de l'entrepôt pour la période courant du 1er septembre 2018 au

31 décembre 2018. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que la créance poursuivie par ce titre exécutoire doit être ramenée à 50% de l'indemnité d'occupation. Par suite, il y a lieu de décharger l'OPT de l'obligation de payer la somme de 2 431 243 F CFP.

En ce qui concerne la régularité des titres exécutoires :

12. Aux termes de l'article LP. 21 de la loi du Pays du 8 octobre 2020 applicable à la date d'émission des titres de recette litigieux : " Toute décision prise par l'administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ". Aux termes de l'article LP. 1 de cette même loi : " La présente loi du pays régit les échanges entre l'administration et ses usagers. (...) / Des règlementations particulières peuvent prévoir des dispositions dérogatoires aux articles LP 4, LP 5, LP 7, LP 8, LP 10, LP 11, LP 12,

LP 13, LP 14, LP 16 et LP 21, ainsi qu'au dernier alinéa de l'article LP 9. ". En application de l'article 85 de la délibération n°95-205 AT du 23 novembre 1995 tel que modifié par la délibération n° 2021-120 APF du 25 novembre 2021 : " III - Dispense de signature de l'avis d'émission du titre : Par dérogation à l'article LP. 21 de la loi du pays n° 2020-34 du 8 octobre 2020 susvisée et conformément à son article LP 1er, l'avis d'émission du titre est dispensé de signature. En cas de contestation de celui-ci par le débiteur, le bordereau de titres de recettes est produit afin d'attester de sa signature. (...) ".

13. Le titre exécutoire contesté comporte le nom, le prénom et la qualité de son signataire, M. B... A..., directeur général du port autonome. Le bordereau de titre de recettes collectif sur lequel figure le titre en litige a été produit par le PAP en défense et comporte la signature manuscrite de M. A.... Le moyen tiré de ce que le titre de recettes ne comporterait pas les mentions requises et serait irrégulier ne peut donc qu'être écarté.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties à l'instance la charge des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'OPT est déchargé de l'obligation de payer la somme de 2 431 243 F CFP sur le montant total de 4 862 487 F CFP mis à sa charge par le titre exécutoire n° 2022/5918 émis le 21 octobre 2022.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Polynésie française n° 2300042 du 26 septembre 2023 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par le port autonome de Papeete au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office des postes et télécommunications de Polynésie française et au port autonome de Papeete.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Philippe Delage, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Mélanie Palis De Koninck première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2025.

La rapporteure,

M. PALIS DE KONINCKLe président,

Ph. DELAGE

Le greffier,

E. MOULINLa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA05357


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05357
Date de la décision : 02/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DELAGE
Rapporteur ?: Mme Mélanie PALIS DE KONINCK
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : MENDIOLA-AROMAITERAI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-02;23pa05357 ?
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