La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/03/2025 | FRANCE | N°23PA04695

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 05 mars 2025, 23PA04695


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Paris :



1°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet de police a retiré ses cartes de résident valables du 31 janvier 1985 au 30 janvier 1995, du 31 janvier 1995 au 30 janvier 2005, du 2 décembre 2004 au 1er décembre 2014 et du 2 décembre 2014 au 1er décembre 2024 et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ;
<

br>

2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour pluriannuel, dans le déla...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet de police a retiré ses cartes de résident valables du 31 janvier 1985 au 30 janvier 1995, du 31 janvier 1995 au 30 janvier 2005, du 2 décembre 2004 au 1er décembre 2014 et du 2 décembre 2014 au 1er décembre 2024 et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour pluriannuel, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à Me Keita, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2201315 du 6 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une ordonnance 22PA01871, en date du 25 août 2022 , le président de la 9ème chambre a rejeté la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement n° 2201315 du 6 avril 2022 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 8 décembre 2021 mentionné ci-dessus.

Par une décision n° 468403 du 10 novembre 2023, le conseil d'État statuant au contentieux a annulé l'ordonnance susvisée du 25 août 2022 et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement, le 24 avril 2022, les 20 février et 18 mars 2024, M. A..., représenté par Me Keita, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2201315 du 6 avril 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 8 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision de retrait de sa carte de résident est entachée d'inexactitude matérielle des faits dès lors que le préfet ne démontre pas qu'il vit en état de polygamie ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L.423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 4° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... en première instance et repris un appel ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- et les observations de Me Keita pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1.M. A..., ressortissant sénégalais né le 10 avril 1946, est entré en France en 1971 selon ses déclarations. Il a bénéficié, à compter du 31 janvier 1985, de cartes de résident plusieurs fois renouvelées et en dernier lieu le 2 décembre 2014. Par un arrêté du 8 décembre 2021, le préfet de police a retiré ses cartes de résident valables du 31 janvier 1985 au 30 janvier 1995, du 31 janvier 1995 au 30 janvier 2005, du 2 décembre 2004 au 1er décembre 2014 et du 2 décembre 2014 au 1er décembre 2024, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 6 avril 2022 du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 432-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des dispositions des articles R. 421-36, R. 421-37, R. 421-40 et R. 424-4, le titre de séjour est retiré dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger titulaire d'une carte de résident vit en France en état de polygamie ; dans ce cas, la carte de résident est également retirée au conjoint ; (...) ".

3. Pour retirer les cartes de résident dont avait bénéficié M. A... depuis 1985, le préfet de police s'est fondé sur la circonstance qu'une enquête administrative a révélé que l'intéressé vivait en état de polygamie de fait avec son épouse, ainsi qu'avec deux autres compagnes. Il ressort du rapport d'enquête administrative que le préfet a produit en défense en première instance, qu'à l'occasion de la demande de renouvellement de titre de séjour de Mme C..., cette dernière a reconnu être entrée en France au titre de seconde épouse de M. A... selon la coutume sénégalaise. Il a, par ailleurs, été établi qu'elle a continué à résider avec M. A..., dont elle a eu trois enfants après leur divorce prononcé le 19 août 1994, alors que ce dernier, vivait toujours avec sa première épouse, Mme D..., et avec Mme B... avec laquelle il a eu trois enfants, le requérant ayant eu au total vingt enfants de ses trois compagnes dont certains nés à quelques semaines d'intervalle. Il suit de là que le préfet établit, par un faisceau d'indices précis et concordants, que M. A... résidait en état de polygamie de fait depuis au moins 1983 dans le cadre d'un foyer unique composé de ce dernier, de plusieurs mères et de ses enfants. Par conséquent, c'est sans entacher sa décision d'inexactitude matérielle des faits que le préfet de police a procédé au retrait de ses titres de séjour.

4. En deuxième lieu, si le requérant fait valoir qu'une de ses filles, mineure et à sa charge, a la nationalité française, il ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de l'arrêté attaqué qui lui retire son titre de séjour.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;5° l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du Code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) Par dérogation au présent article, l'étranger mentionné aux 2° à 8° peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 611-1 s'il vit en France en état de polygamie. ".

6. S'il est constant que M. A... réside en France depuis au moins 1985 et s'il apporte dans ses derniers mémoires un commencement de preuve de la contribution à l'entretien de sa fille mineure, le préfet de police établit qu'il y réside en état de polygamie, comme il a été dit ci-dessus. Par conséquent, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées en obligeant M. A... à quitter le territoire français.

7. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. A... soutient qu'il a fixé le centre de ses intérêts en France où réside l'ensemble de sa famille, en particulier ses vingt enfants, pour la plupart de nationalité française. Toutefois, eu égard au but poursuivi par la mesure attaquée, laquelle résulte de l'état de polygamie de fait dans lequel réside M. A... depuis de nombreuses années, le préfet ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 11 février 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2025.

Le rapporteur,

D. PAGES La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23PA04695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04695
Date de la décision : 05/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : KEITA

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-05;23pa04695 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award