Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Recordati Rare Diseases a demandé au tribunal administratif de Paris
de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 390 031 euros en réparation des préjudices
causés par l'illégalité de la décision du comité économique des produits de santé (CEPS) du
15 mars 2018 instituant et fixant le tarif unifié pour le groupe générique " acide carglumique
200 milligrammes ".
Par un jugement n° 2108752 du 9 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 février 2023, 12 juillet 2023 et
18 octobre 2024, la société Recordati Rare Diseases, représentée par Me Destal, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 décembre 2022 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 390 031 euros en réparation des préjudices causés par l'illégalité de la décision du comité économique des produits de santé (CEPS) du 15 mars 2018 instituant et fixant le tarif unifié pour le groupe générique " acide carglumique 200 milligrammes " ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de l'Etat est engagée du fait de l'illégalité de la décision du comité économique des produits de santé (CEPS) du 15 mars 2018 annulée par une décision du Conseil d'Etat du 5 février 2020 pour un vice de légalité interne ;
- il existe un lien de causalité direct et certain entre la faute commise par l'Etat, censurée par le Conseil d'Etat et son préjudice financier ; son préjudice ne nait pas de la baisse de prix du médicament mais de la pratique de prescription, le prescripteur étant conduit à prescrire hors indication du fait d'un prix plus bas attractif ;
- le tribunal a méconnu la portée de la décision du Conseil d'Etat et violé l'autorité absolue de la chose jugée ;
- la décision censurée par le Conseil d'Etat faisait obstacle à ce qu'elle retire les bénéfices attendus de l'exclusivité commerciale dont elle bénéficiait pour les trois dernières indications du Carbaglu ;
- la décision illégale du CEPS l'a conduite à devoir appliquer des remises sur le tarif unifié pour éviter les prescriptions hors indication et la perte de l'ensemble des marchés concernés ; plusieurs établissements ont expressément demandé des remises ou une baisse du prix du Carbaglu ;
- la fixation d'un tarif remisé au mépris des indications protégées place les prescripteurs hospitaliers en situation de mésusage du médicament sur les trois indications protégées ; son préjudice n'est pas caractérisé par la remise en cause avérée de son exclusivité commerciale, mais par le risque de remise en cause de cette exclusivité, qui l'a contrainte à pratiquer des baisses de prix sur le Carbaglu, y compris pour sa part de marché destiné à traiter les trois indications encore monopolistiques ; la prescription hors AMM est très fréquente ; les établissements hospitaliers lançaient au demeurant des appels d'offre portant globalement sur la fourniture " d'acide carglumique " sans différencier les indications ;
- son préjudice résulte du manque à gagner correspondant à la différence de prix rapportée aux volumes vendus pour les marchés publics dont elle est ou a été attributaire ;
- ses offres ont été rejetées dans le cadre de certaines procédures de consultation comme étant d'un prix trop élevé ; elle n'avait d'autre alternative que de s'aligner sur le tarif unifié du groupe générique et en conséquence d'appliquer une remise de 40% ; son préjudice tient à l'instauration, par la décision illégale du CEPS, d'une contrainte concurrentielle diffuse mais réelle ayant déstabilisé sa politique commerciale ;
- son manque à gagner s'élève à 2 390 031 euros pour des périodes distinctes selon les groupements hospitaliers comprises entre le 1er décembre 2018 et le 20 novembre 2020, au plus tard, et est corroboré par les factures produites et les données relatives aux patients soignés pour les indications protégées.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2023, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requérante et les sociétés commercialisant des spécialités génériques ne pouvaient entrer en concurrence que sur l'indication dont le brevet était échu et pour laquelle des génériques ont pu être commercialisés ; les spécialités génériques n'étaient inscrites au remboursement que dans cette indication ; la concurrence entre la société Recordati Rare Diseases et les sociétés commercialisant des spécialités génériques sur les trois autres indications de Carbaglu - bénéficiant initialement de l'exclusivité commerciale - n'a pu être réalisée qu'à l'échéance du brevet ; les patients ne pouvaient être soignés pour les indications protégées que par le Carbaglu ;
- l'annulation de la décision fixant le tarif unifié ne caractérise par un préjudice direct et certain pour la société ;
- en l'absence de concurrence sur les indications brevetées, la société requérante n'était pas contrainte d'aligner son prix de vente sur le tarif unifié ; le préjudice allégué par la société ne peut être caractérisé en ce qu'il relève de son propre fait, la société n'ayant pas souhaité défendre son exclusivité commerciale auprès des établissements ; la société concédait des remises commerciales antérieurement à la fixation du tarif unifié et vendait sa spécialité à certains établissements pour un montant supérieur ;
- il n'est pas démontré que l'absence de remise commerciale aurait induit la perte de marchés en cours d'exécution ou leur résiliation ni même l'absence de continuité de traitement pour les patients déjà traités ; la société n'était pas tenue de modifier son prix de vente.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Palis De Koninck,
- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,
- et les observations de Mes Destal et Fontalba, représentant la société Recordati rare diseases.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 15 mars 2018, le comité économique des produits de santé (CEPS) a instauré, à compter du 31 octobre 2018, un tarif unifié pour le groupe générique " acide carglumique 200 milligrammes ", fixé au niveau du prix de cession et du tarif de responsabilité les plus bas constatés parmi les spécialités concernées. Ce groupe, créé le 14 novembre 2017 par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, comprend, d'une part, la spécialité Carbaglu 200 milligrammes, comprimé dispersible, commercialisée par la société Recordati rare diseases, anciennement Orphan Europe, et bénéficiant d'une autorisation européenne de mise sur le marché délivrée le 24 janvier 2003 pour le traitement de l'hyperammoniémie secondaire au déficit primaire en N-acétylglutamate synthase et d'une extension d'indications thérapeutiques, obtenue le 27 mai 2011, pour le traitement des hyperammoniémies secondaires à une acidémie isovalérique, méthylmalonique ou propionique, et, d'autre part, la spécialité Ucedane 200 milligrammes, comprimé dispersible, commercialisée par la société Lucane Pharma, bénéficiant d'une autorisation européenne de mise sur le marché délivrée le 23 juin 2017 pour la seule première indication de Carbaglu, dont il constitue un générique. La décision du 15 mars 2018 arrêtant un tarif unifié pour le groupe générique " acide carglumique 200 milligrammes " a été annulée par une décision du Conseil d'Etat n° 425578 du 5 février 2020.
2. Le 22 décembre 2020, la société Recordati rare diseases a adressé au ministre chargé de la santé une demande d'indemnisation du préjudice économique qu'elle impute à la décision du 15 mars 2018 annulée par le Conseil d'Etat. En l'absence de réponse, elle a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2 390 031 euros. La société Recordati rare diseases relève appel du jugement du 9 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :
3. Si toute illégalité commise par l'administration, qu'elle qu'en soit sa nature, constitue une faute, la responsabilité d'une personne publique n'est susceptible d'être engagée que s'il en est résulté un préjudice direct et certain.
En ce qui concerne la faute :
4. D'une part, aux termes du IV de l'article L. 162-16-5 du code de la sécurité sociale, applicable aux spécialités pharmaceutiques que certains établissements de santé ou groupements de coopération sanitaire, disposant d'une pharmacie à usage intérieur, sont autorisés à vendre au public : " La base de remboursement d'une spécialité peut faire l'objet d'un tarif unifié fixé par décision du Comité économique des produits de santé. Dans ce cas, ce tarif unifié est appliqué aux spécialités génériques et à leurs spécialités princeps, aux spécialités biologiques similaires et à leurs spécialités biologiques de référence, ainsi qu'à toute spécialité comparable en ce qui concerne les indications ou la visée thérapeutique. Le cas échéant, le tarif unifié peut être modulé au regard de différences de posologie ou du circuit de distribution de la spécialité, notamment l'importation prévue à l'article L. 5124-13 du code de la santé publique (...) ". Le IV de l'article L. 162-16-6 du même code prévoit, dans des termes identiques, que le comité économique des produits de santé peut fixer un tarif unifié pour le remboursement des spécialités pharmaceutiques dispensées aux patients dans les établissements de santé qui peuvent être prises en charge par l'assurance maladie en sus des prestations d'hospitalisation.
5. D'autre part, il résulte de l'article 5 du règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999, concernant les médicaments orphelins, que la Commission européenne peut désigner un médicament comme " médicament orphelin " si, ainsi que le prévoit le 1 de l'article 3 de ce règlement : " son promoteur peut établir : / a) qu'il est destiné au diagnostic, à la prévention ou au traitement d'une affection entraînant une menace pour la vie ou une invalidité chronique ne touchant pas plus de cinq personnes sur dix mille dans la Communauté, au moment où la demande est introduite, ou / qu'il est destiné au diagnostic, à la prévention ou au traitement, dans la Communauté, d'une maladie mettant la vie en danger, d'une maladie très invalidante ou d'une affection grave et chronique, et qu'il est peu probable que, en l'absence de mesures d'incitation, la commercialisation de ce médicament dans la Communauté génère des bénéfices suffisants pour justifier l'investissement nécessaire / et / b) qu'il n'existe pas de méthode satisfaisante de diagnostic, de prévention ou de traitement de cette affection ayant été autorisée dans la Communauté, ou, s'il en existe, que le médicament en question procurera un bénéfice notable à ceux atteints de cette affection ". Aux termes du 1 de l'article 8 " Exclusivité commerciale " de ce règlement : " Lorsqu'une autorisation de mise sur le marché est accordée pour un médicament orphelin en application du règlement (CEE) n° 2309/93 ou lorsque tous les Etats membres ont accordé une autorisation de mise sur le marché pour ce médicament (...), la Communauté et les Etats membres s'abstiennent, pendant dix ans, eu égard à la même indication thérapeutique, d'accepter une autre demande d'autorisation de mise sur le marché, d'accorder une autorisation de mise sur le marché ou de faire droit à une demande d'extension d'une autorisation de mise sur le marché existante pour un médicament similaire ". Pour garantir l'effet utile de ces dispositions, les autorités nationales doivent s'abstenir de toute mesure qui favoriserait des prescriptions hors indications d'un médicament pour des indications thérapeutiques couvertes par l'exclusivité commerciale dont bénéficie un autre médicament à ce titre. En outre, si les autorités nationales sont compétentes pour fixer les prix et décider du remboursement des médicaments, quelle que soit la procédure selon laquelle leur mise sur le marché a été autorisée, elles doivent, dans l'exercice de cette compétence, s'abstenir de mesures qui, en assimilant un médicament bénéficiant d'une exclusivité commerciale pour une ou plusieurs de ses indications à un médicament similaire qui n'est pas autorisé dans les mêmes indications, priverait le premier médicament des bénéfices attendus de cette exclusivité, dont l'objet était d'inciter à sa commercialisation en dépit du montant de l'investissement nécessaire.
6. Par une décision n° 425578 du 5 février 2020, le Conseil d'Etat a annulé la décision du 15 mars 2018 du CEPS fixant un tarif unifié pour le groupe générique " acide carglumique 200 milligrammes " au motif qu'elle était susceptible de priver d'effet utile les stipulations de l'article 8 du règlement 141/2000/CE garantissant une exclusivité commerciale de dix ans lorsqu'une autorisation de mise sur le marché est accordée pour un médicament orphelin. L'illégalité de cette décision est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
En ce qui concerne le lien de causalité :
7. La société Recordati rare diseases soutient qu'elle a été contrainte de vendre le Carbaglu, toutes indications confondues et ce, en dépit de l'exclusivité commerciale dont elle bénéficiait pour les trois dernières indications, au tarif unifié arrêté par le CEPS pour les marchés conclus avec vingt-et-un établissements hospitaliers en cours d'exécution entre le mois de décembre 2018 et le mois de décembre 2020 et qu'il en a résulté pour elle une perte financière évalué à 2 390 031 euros.
8. Si la mise en place d'un tarif unifié n'interdit pas d'appliquer un tarif plus élevé pour la vente d'un médicament prescrit dans le cadre d'une indication protégée, il est constant que le remboursement par l'assurance maladie n'est effectué qu'à concurrence de ce tarif unifié, laissant le surplus à la charge des établissements hospitaliers prescripteurs. En pratique, pour des raisons d'économies budgétaires, ces établissements sont amenés à acheter le médicament considéré auprès d'entreprises en mesure d'appliquer le tarif unifié sur la base duquel ils seront remboursés. Aussi, contrairement à ce que soutient le ministre en défense, la mise en place d'un tarif unifié, par ses effets sur le marché concurrentiel, a un impact sur la détermination du prix du médicament, y compris pour ses indications protégées.
9. Il ressort des pièces du dossier que la société a obtenu la désignation de la spécialité acide N-carbamyl-L-glutamique, ultérieurement commercialisée sous le nom de fantaisie de Carbaglu, comme médicament orphelin pour le traitement du déficit en N-acétylglutamate synthétase par une décision de la Commission du 18 octobre 2000, puis pour le traitement de l'acidémie isovalérique, de l'acidémie méthylmalonique et de l'acidémie propionique par trois décisions de la Commission du 7 novembre 2008. Du fait de ces décisions et de l'extension de protection mentionnée au point 1, obtenue le 27 mai 2011, la société Recordati rare diseases bénéficiait d'une exclusivité commerciale pour la vente du Carbaglu pour le traitement des hyperammoniémies secondaires à une acidémie isovalérique, méthylmalonique ou propionique. Cette exclusivité s'est toutefois trouvée privée d'effet par la mise en place d'un tarif unifié pour la vente du Carbaglu dans le cadre du traitement de l'hyperammoniémie secondaire au déficit primaire en N-acétylglutamate synthase. S'il résulte de l'instruction, notamment des factures produites par la requérante, qu'elle a appliqué pour vingt-et-un établissements hospitaliers une réduction systématique sur le prix de vente du Carbaglu pour que celui-ci corresponde au montant du tarif unifié, cette décision résulte de la contrainte concurrentielle induite par la décision du CEPS et non d'un choix commercial librement arrêté. Il ressort en outre de ces factures qu'avant l'adoption de la décision du 15 mars 2018, intervenue près de sept mois avant son entrée en vigueur effective, la société n'appliquait pas aux vingt-et-un établissements hospitaliers identifiés dans sa demande indemnitaire de remise commerciale sur le prix de vente du Carbaglu qui s'élevait alors à 70,13 euros le comprimé. Si le ministre se prévaut de données relatives à l'achat et au prix de vente du Carbaglu entre 2017 et 2020, faisant état notamment d'un prix de vente moyen de 50,74 euros et d'un pourcentage de vente du Carbaglu à un prix supérieur à 70 euros en 2019 atteignant 14 % des facturations, ces données concernent l'ensemble des ventes de ce médicament toutes indications confondues auprès d'un nombre d'établissements hospitaliers supérieur aux vingt-et-un établissements identifiés par la société Recordati rare diseases et ne sont pas de nature à établir que la société aurait effectué un choix de gestion commerciale sans lien avec la décision du CEPS.
10 Contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Paris, il résulte ainsi de l'instruction qu'il existe un lien de causalité entre la décision fixant un tarif unifié pour la vente du Carbaglu et les pertes financières résultant pour la société Recordati rare diseases de l'application d'une remise commerciale systématique auprès de vingt-et-un de ses clients à compter du mois de décembre 2018.
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :
11. Il n'est pas contesté par le ministre chargé de la santé qu'au sein des vingt-et-un établissements hospitaliers identifiés par la société requérante, vingt-neuf patients étaient soignés par Carbaglu pour l'une de ses indications protégées et que quatre-vingt-mille-deux-cents comprimés leur ont été prescrits et acquis pour un prix correspondant au coût du tarif unifié. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que la société Recordati rare diseases produit les factures correspondant aux ventes de Carbaglu réalisées entre le 1er décembre 2018 et le 20 novembre 2020 pour les treize établissements appartenant au groupement UNHIA, entre le 1er janvier 2019 et le 27 avril 2020 pour les deux établissements appartenant au groupement GHRMSA, entre le
1er décembre 2018 et 27 avril 2020 pour l'établissement appartenant au groupement AGEPS, et pour des dates variant du 1er janvier 2019 au mois de novembre 2020 pour les cinq établissements appartenant au groupement GAPSA. Les périodes ainsi identifiées par la société au titre desquelles elle sollicite une indemnisation correspondent aux périodes d'exécution des marchés en cours, pendant lesquelles elle était tenue de pratiquer les tarifs contractuellement fixés. Ces périodes ne sont pas non plus contestées par le ministre en défense. Il ressort des factures adressées aux établissements appartenant aux groupements UNHIA, AGEPS et GAPSA qu'une remise commerciale de 40 % a systématiquement été appliquée pour ramener le prix du Carbaglu à un montant de 42, 078 euros en lieu et place du tarif de vente de 70, 13 euros. La société Recordati rare diseases a, ce faisant, subi un manque à gagner de 28, 052 euros sur chacun des comprimés vendus à ces groupements. Il ressort des factures adressées aux établissements du groupement GHRMSA qu'une remise commerciale était appliquée depuis mai et juin 2018 pour ramener le prix du Carbaglu à un montant de 63 euros en lieu et place du tarif de vente de 70, 13 euros avant qu'il ne soit facturé au montant du tarif unifié à compter du 1er janvier 2019. La société Recordati rare diseases a, ce faisant, subi un manque à gagner de 20,922 euros sur chacun des comprimés vendus aux deux établissements de ce groupement. Le manque à gagner total supporté par la société Recordati rare diseases s'élève donc à la somme de 2 313 882 euros.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de chose jugée, que la société Recordati rare diseases est fondée à obtenir la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 313 882 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité fautive de la décision du 15 mars 2018 arrêtant un tarif unifié pour le groupe générique " acide carglumique 200 milligrammes ".
Sur les frais liés à l'instance :
13. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Recordati rare diseases et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2108752 du 9 décembre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société Recordati rare diseases une somme de
2 313 882 euros.
Article 3 : L'Etat versera à la société Recordati rare diseases une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Recordati rare diseases et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Delage, président,
Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2025.
La rapporteure,
M. PALIS DE KONINCK
Le président,
Ph. DELAGE Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00551