La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/01/2025 | FRANCE | N°23PA02492

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 17 janvier 2025, 23PA02492


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Bereal a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2014 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il déclare cessible, sur le territoire de la commune de Romainville et au bénéfice de la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Sequano Aménagement, la parcelle cadastrée section F n° 33, en vue de l'opération d'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) de l'Horloge.



Par un jugement n

2201879 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté contesté du 18 septemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bereal a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2014 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il déclare cessible, sur le territoire de la commune de Romainville et au bénéfice de la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Sequano Aménagement, la parcelle cadastrée section F n° 33, en vue de l'opération d'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) de l'Horloge.

Par un jugement n° 2201879 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté contesté du 18 septembre 2014 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il déclare cessible, sur le territoire de la commune de Romainville et au bénéfice de la SAEM Sequano Aménagement, la parcelle cadastrée section F n° 33 en vue de l'opération d'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) de l'Horloge.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête enregistrée le 6 juin 2023 sous le numéro 23PA02492, la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Sequano Aménagement, représentée par Me Labetoule, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 6 avril 2023 ;

2°) de rejeter la demande de la société Bereal ;

3°) de mettre à la charge de la société Bereal une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dans la mesure où il n'est pas établi qu'il comporte les signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le tribunal a, à tort, retenu comme fondé le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté de déclaration d'utilité publique du 18 juillet 2013 dans la mesure où elle justifie que l'avis du directeur de l'agence régionale de santé a effectivement été sollicité et que l'avis de l'autorité environnementale a été régulièrement rendu ; en tout état de cause, l'absence d'observation du directeur de l'ARS est sans incidence sur la légalité de l'arrêté ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée à la société Bereal, au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et au ministre de l'intérieur et des outre-mer qui n'ont présenté aucune observation.

II- Par une requête enregistrée le 7 juin 2023 sous le numéro 23PA02503, la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Sequano Aménagement, représentée par Me Labetoule, demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement n°2201879 du tribunal administratif de Montreuil du 6 avril 2023 ;

2°) de mettre à la charge de la société Bereal une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les conditions prévues aux articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont remplies dès lors que les moyens qu'elle invoque à l'appui de sa requête au fond paraissent sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement comme le rejet des conclusions accueillies par ce jugement.

La procédure a été communiquée à la société Bereal, au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et au ministre de l'intérieur et des outre-mer qui n'ont présenté aucune observation.

III- Par une requête enregistrée le 6 novembre 2023 sous le numéro 23PA04572, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 6 avril 2023 ;

2°) de rejeter la demande de la société Bereal.

Il soutient que :

- le tribunal a, à tort, retenu comme fondé le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté de déclaration d'utilité publique du 18 juillet 2013 dans la mesure où elle justifie que l'avis du directeur de l'agence régionale de santé a effectivement été sollicité et que l'avis de l'autorité environnementale a été régulièrement rendu ; en tout état de cause, l'absence d'observation du directeur de l'ARS est sans incidence sur la légalité de l'arrêté ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée à la société Bereal et à la SAEM Sequano Aménagement qui n'ont présenté aucune observation.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la directive 2011/92/UE du Parlement Européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'expropriation ;

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Palis De Koninck,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ricard, représentant la SAEM Sequano Aménagement.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté n° 2013-2160 du 18 juillet 2013, le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d'utilité publique l'acquisition, à l'amiable ou par voie d'expropriation, des biens et droits réels immobiliers nécessaires à la réalisation du projet d'aménagement de la ZAC de l'Horloge à Romainville, puis, par un arrêté n° 2018-1466 du 27 juin 2018, a prorogé les effets de l'arrêté du 18 juillet 2013 pour une durée de cinq ans. Par un arrêté n° 2014-2436 du 18 septembre 2014, cette même autorité a déclaré cessibles pour cause d'utilité publique, au profit de la SAEM Sequano Aménagement, les parcelles nécessaires à la réalisation du projet d'aménagement de la ZAC de l'Horloge dont la parcelle cadastrée section F n°33 appartenant à la société Bereal. Par un jugement du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté en tant qu'il déclare cessible la parcelle cadastrée section F n° 33. La SAEM Sequano Aménagement et le ministre de l'intérieur relèvent tous deux, appel de ce jugement, la société ayant, en outre, demandé à la cour de surseoir à son exécution.

Sur la jonction :

2. Les requêtes nos 23PA02492, 23PA02503 et 23PA04572 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les requêtes nos 23PA02492 et 23PA04572 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la SAEM Sequano Aménagement ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

5. D'une part, l'arrêté de cessibilité, l'acte déclaratif d'utilité publique sur le fondement duquel il a été pris et la ou les prorogations dont cet acte a éventuellement fait l'objet constituent les éléments d'une même opération complexe. Dès lors, à l'appui de conclusions dirigées contre l'arrêté de cessibilité, un requérant peut utilement se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'acte déclaratif d'utilité publique ou de l'acte le prorogeant, quand bien même le requérant aurait vu son recours en excès de pouvoir contre la déclaration d'utilité publique ou l'acte la prorogeant, être rejeté.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " I. ' Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact / (...) III. ' Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement (...) ". Aux termes de l'article R. 122-1-1 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " (...) / III.- Dans les cas ne relevant pas du I ou du II ci-dessus, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé (...) ". Aux termes de l'article R. 122-1-1 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " (...) / IV.- Les autorités administratives de l'Etat compétentes en matière d'environnement mentionnées ci-dessus rendent leur avis après avoir consulté, au titre de leurs attributions dans le domaine de l'environnement, les préfets des départements sur le territoire desquels est situé le projet (...) / Pour l'élaboration de leur avis, ces autorités consultent en outre (...) le directeur général de l'agence régionale de santé dans les cas mentionnés au III. La consultation est réputée réalisée en l'absence de réponse dans le délai d'un mois à compter de la réception par le ministre ou l'agence de la demande de l'autorité compétente en matière d'environnement ; en cas d'urgence, cette autorité peut réduire ce délai sans que celui-ci puisse être inférieur à dix jours ouvrés ".

7. En application de ces dispositions, la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie d'Ile-de-France (DRIEE), autorité compétente en matière d'environnement, était tenue de recueillir, dans le cadre de l'élaboration de son avis joint à l'étude d'impact insérée au dossier d'enquête publique, l'avis du directeur de l'agence régionale de santé.

8. Pour la première fois en appel, la SAEM Sequano Aménagement et le ministre de l'intérieur produisent le courrier du 22 décembre 2011 par lequel le directeur régional et interdépartemental de l'environnement et de l'énergie d'Ile de France a saisi pour avis le directeur de l'agence régionale de santé dans le cadre de la demande de déclaration d'utilité publique pour le projet de la ZAC de l'Horloge. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a retenu comme fondé le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 18 juillet 2013 portant déclaration d'utilité publique en l'absence de saisine pour avis du directeur de l'agence régionale de santé.

9. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Bereal devant le tribunal administratif de Montreuil.

En ce qui concerne les autres moyens :

Sur les vices propres de l'arrêté de cessibilité :

10. En premier lieu, par arrêté du 13 septembre 2013 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à M. Hugues Besancenot, secrétaire général de la préfecture, pour signer tous les actes relevant des compétences de l'Etat dans le département, en excluant certaines décisions au nombre desquelles ne figurent pas les arrêtés de cessibilité. Par suite, le moyen tiré d'une incompétence du signataire de l'arrêté de cessibilité du 18 septembre 2014 ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 11-22 du code de l'expropriation, dans sa rédaction alors applicable : " Notification individuelle du dépôt du dossier à la mairie est faite par l'expropriant, sous pli recommandé avec demande d'avis de réception aux propriétaires figurant sur la liste établie en application de l'article R. 11-19 lorsque leur domicile est connu d'après les renseignements recueillis par l'expropriant ou à leurs mandataires, gérants, administrateurs ou syndics ; en cas de domicile inconnu, la notification est faite en double copie au maire qui en fait afficher une et, le cas échéant, aux locataires et preneurs à bail rural. ". Ces dispositions ont notamment pour objet de permettre aux propriétaires concernés par l'expropriation de formuler leurs observations durant l'enquête parcellaire.

12. En l'espèce, à supposer que l'information du dépôt du dossier d'enquête parcellaire en mairie n'ait pas été personnellement notifiée à la société Bereal, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport du commissaire enquêteur relatif à l'enquête parcellaire, que la société a inscrit des observations sur le registre le 14 décembre 2012. Elle a donc eu connaissance, en temps utile, de l'existence de cette enquête et a effectivement exercé son droit de présenter des observations. Ce faisant, l'absence de notification individuelle alléguée n'a pas été de nature à nuire à son information.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 11-28 du code de l'expropriation, dans sa rédaction alors applicable : " Sur le vu du procès-verbal et des documents y annexés, le préfet, par arrêté, déclare cessibles les propriétés ou parties de propriétés dont la cession est nécessaire. / Ces propriétés sont désignées conformément aux dispositions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et l'identité des propriétaires est précisée conformément aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article 5 de ce décret ou de l'alinéa 1er de l'article 6 du même décret, sans préjudice des cas exceptionnels mentionnés à l'article 82 du décret d'application n° 55-1350 du 14 octobre 1955. (...) ". L'article 7 du décret n°55-22 portant réforme de la publicité foncière dispose que : " Tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un service chargé de la publicité foncière doit indiquer, pour chacun des immeubles qu'il concerne, la nature, la situation, la contenance et la désignation cadastrale (section, numéro du plan et lieu-dit). Le lieu-dit est remplacé par l'indication de la rue et du numéro pour les immeubles situés dans les parties agglomérées des communes urbaines. (...) ". Il résulte de ces dispositions, eu égard à l'objet et à la portée de l'arrêté déclarant cessibles les parcelles nécessaires à un projet déclaré d'utilité publique, que cet acte ou, le cas échéant, ses annexes, doivent permettre d'identifier les parcelles concernées et leurs propriétaires.

14. En l'espèce, l'article 1er de l'arrêté contesté mentionne que sont joints en annexe un plan et un état parcellaire. La société Bereal soutient qu'aucun plan n'était en réalité annexé. A supposer cette allégation établie, il est constant que l'état parcellaire joint à l'arrêté de cessibilité identifie précisément la parcelle cadastrée déclarée cessible, l'origine de la propriété ainsi que le nom et les coordonnées de son propriétaire. Dans ces conditions, l'arrêté de cessibilité satisfait aux exigences de l'article R. 11-28 du code précité.

Sur l'exception d'illégalité de l'arrêté du 18 juillet 2013 portant déclaration d'utilité publique de la ZAC de l'Horloge :

S'agissant de l'étude d'impact :

15. En application des dispositions précitées de l'article L. 122-1 du code de l'environnement alors applicable, le projet de création de la ZAC de l'Horloge devait être précédé d'une étude d'impact. L'article R. 122-3 du code de l'environnement dispose que : " I. - Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement ". Cet article dresse, en outre, une liste d'éléments qui doivent figurer dans l'étude d'impact.

16. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

17. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact afférente au projet a initialement été réalisée en septembre 2007 et a ensuite fait l'objet d'une actualisation en septembre 2011 alors que la consultation du public a été effectuée entre le 15 octobre et le 15 décembre 2012. Si la société Bereal soutient que les données contenues dans l'étude d'impact étaient obsolètes, la seule circonstance qu'un délai de plusieurs mois se soit écoulé avant la consultation du public ne suffit pas à l'établir. En outre, contrairement à ce qu'il est soutenu, l'étude d'impact a effectivement fait l'objet d'une actualisation en 2011. Si les données concernant plus particulièrement la pollution des sols, la faune, la flore, le climat, la qualité de l'air et la santé n'ont fait l'objet d'aucun complément en 2011, il n'est nullement établi que la situation ait évolué de telle sorte que les informations recueillies en 2007 n'aient plus été à jour. D'autre part, l'étude d'impact initiale contenait une présentation de la pollution des sols avec un classement des différents terrains en trois catégories distinctes selon leur degré de risque de pollution et indiquait " qu'une étude plus approfondie sur la nature des pollutions sera réalisée sur chaque terrain " et qu'en fonction des résultats " des mesures de réhabilitation des sites (traitement de pollution ou évacuation des terres polluées) pourraient être envisagées ". Enfin, l'étude d'impact comporte des indications chiffrées sur les mesures de la pollution de l'air, ces mesures révélant un dépassement, des seuils notamment concernant le dioxyde d'azote. Elle indique, en outre, que les seuils des autres mesures sont respectés et que la qualité de l'air est conforme à celle d'une zone urbaine dense. Au vu des exigences de l'article R. 122-3 du code de l'environnement alors applicable, ces données peuvent être regardées comme suffisantes. Le moyen tiré de l'insuffisance et de l'obsolescence des données de l'étude d'impact soumise à la consultation du public doit être écarté.

S'agissant de l'avis de l'autorité en charge de l'environnement :

18. En premier lieu, l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement a pour objet de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l'interprétation de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de mener la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l'entité administrative concernée dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.

19. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la région Ile-de-France est, par application de l'article R. 122-1-1 du code de l'environnement alors applicable, l'auteur de l'avis tacite rendu en qualité d'autorité environnementale, qui a été préparé et formalisé par les services de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie d'Ile-de-France. La déclaration d'utilité publique a quant à elle été instruite par les services de la direction du développement durable et des collectivités territoriales de la préfecture de la Seine-Saint-Denis. Dans ces conditions, l'avis ainsi émis par le préfet de région a été rendu par une autorité disposant d'une autonomie effective dans des conditions garantissant son objectivité. La société Bereal n'est ainsi pas fondée à soutenir que cet avis serait irrégulier.

20. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment aux points 5 à 8 que le directeur de l'ARS a effectivement été consulté conformément aux dispositions de l'article

R. 122-1-1 du code de l'environnement alors applicable.

21. En troisième lieu, conformément aux dispositions de l'article R. 122-13 du code de l'environnement dans sa version applicable au présent litige, il ressort des pièces du dossier que l'information relative à l'existence d'un avis tacite de l'autorité environnementale a été rendue publique sur le site internet de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie d'Ile-de-France. Si la société Bereal soutient que cet avis n'était pas effectivement consultable puisqu'il n'était pas possible d'accéder à son contenu, il est constant que l'avis en question a été rendu de manière tacite et que seule l'information de son existence pouvait être publiée.

S'agissant de l'insuffisance des mesures prévues à l'article L. 122-1 du code de l'environnement et la méconnaissance du principe de prévention :

22. D'une part, aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'environnement : " I. - Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. (...) / II. - Leur connaissance, leur protection, (...) sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : / 1° Le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ; / 2° Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. Ce principe implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées ; / Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité (...) ".

23. D'autre part aux termes de l'article L. 23-2 du code de l'expropriation dans sa rédaction applicable : " Dans les cas où les atteintes à l'environnement ou au patrimoine culturel que risque de provoquer un projet de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements le justifient, la déclaration d'utilité publique peut comporter les mesures prévues à l'article L. 122-1 du code de l'environnement ".

24. Le principe de précaution rappelé à l'article L. 110-1 précité ne s'applique que dans le cadre des lois qui en précise la portée. Or, il résulte des dispositions de l'article L. 23-2 du code de l'expropriation que lors de l'adoption de l'arrêté du 18 juillet 2013 l'inclusion de mesures préventives prévues à l'article L. 122-1 du code de l'environnement n'était pas obligatoires. Dans ces conditions, la société Bereal ne pouvait utilement se prévaloir de l'absence de mesures préventives dans l'arrêté portant déclaration d'utilité publique de la ZAC de l'Horloge.

S'agissant de la méconnaissance du principe de précaution :

25. Une opération qui méconnaît les exigences du principe de précaution ne peut légalement être déclarée d'utilité publique. Il appartient dès lors à l'autorité compétente de l'Etat, saisie d'une demande tendant à ce qu'un projet soit déclaré d'utilité publique, de rechercher s'il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l'hypothèse d'un risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement ou d'atteinte à l'environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l'état des connaissances scientifiques, l'application du principe de précaution. Si cette condition est remplie, il lui incombe de veiller à ce que des procédures d'évaluation du risque identifié soient mises en œuvre par les autorités publiques ou sous leur contrôle et de vérifier que, eu égard, d'une part, à la plausibilité et à la gravité du risque, d'autre part, à l'intérêt de l'opération, les mesures de précaution dont l'opération est assortie afin d'éviter la réalisation du dommage ne sont ni insuffisantes, ni excessives. Il appartient au juge, saisi de conclusions dirigées contre l'acte déclaratif d'utilité publique et au vu de l'argumentation dont il est saisi, de vérifier que l'application du principe de précaution est justifiée, puis de s'assurer de la réalité des procédures d'évaluation du risque mises en œuvre et de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation dans le choix des mesures de précaution.

26. En l'espèce, si la société Bereal soutient que la qualité de l'air et surtout la qualité des sols du terrain d'assiette du projet de ZAC pollués du fait des activités industrielles, notamment pharmaceutiques, qui y ont été réalisées, présentent un " danger grave pour la santé ", elle ne se prévaut de l'existence d'aucun risque insuffisamment connu qui justifierait l'application du principe de précaution. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

S'agissant de l'inclusion de la parcelle F n°33 dans le périmètre de l'opération :

27. Il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente. Il lui appartient également, s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l'expropriation, que l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre d'expropriation n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique.

28. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée F n°33 appartenant à la société Bereal, bordée de part et d'autre par des parcelles incluses dans le périmètre de l'opération, est située dans le futur secteur dit " B..., destiné à accueillir principalement des logements. L'inclusion de cette parcelle n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique envisagée. La circonstance que la SAEM Sequano Aménagement aurait disposé de terrains lui permettant de réaliser l'opération est à ce titre sans incidence, de même que le fait que la parcelle en litige ne serait pas située au milieu de la future ZAC.

Sur l'exception d'illégalité de l'arrêté du 27 juin 2018 portant prolongation de la durée de la déclaration d'utilité publique :

29. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté de cessibilité contesté a été adopté le 18 septembre 2014. Se faisant, l'arrêté du 27 juin 2018 prolongeant de cinq ans la déclaration d'utilité publique ne peut en constituer la base légale. En conséquence, la société Bereal ne peut utilement exciper de l'illégalité de cet arrêté à l'appui des conclusions tendant à obtenir l'annulation de l'arrêté de cessibilité.

30. Il résulte de tout ce qui précède que la SAEM Sequano Aménagement et le ministre de l'intérieur sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté de cessibilité du 18 septembre 2014.

Sur la requête nos 23PA02503 :

31. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 23PA02492 de la SAEM Sequano Aménagement tendant à l'annulation du jugement du 6 avril 2023 du tribunal administratif de Montreuil, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23PA02503 par laquelle elle sollicitait de la Cour le sursis à exécution de ce jugement.

Sur les frais liés à l'instance :

32. Il y a lieu de mettre à la charge de la société Bereal une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAEM Sequano Aménagement et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu à statuer sur la requête de la SAEM Sequano Aménagement

n° 23PA2503.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 6 avril 2023 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par la société Bereal devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 4 : La société Bereal est condamnée à verser à la SAEM Sequano Aménagement une somme de 1 500 euros.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAEM Sequano Aménagement, à la société Bereal, au ministre de l'intérieur et à la ministre de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Delage, président,

Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.

La rapporteure,

M. PALIS DE KONINCK

Le président,

Ph. DELAGE

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 23PA02492, 23PA02503, 23PA04572


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02492
Date de la décision : 17/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DELAGE
Rapporteur ?: Mme Mélanie PALIS DE KONINCK
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : SELAS DS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-17;23pa02492 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award