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03/10/2024 | FRANCE | N°23PA04341

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 03 octobre 2024, 23PA04341


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.



Par un jugement n° 2310873/5-2 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure d

evant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2023 et un mémoire enregistré le 4 septembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2310873/5-2 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2023 et un mémoire enregistré le 4 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Peteytas, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2310873/5-2 du 14 septembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 avril 2023 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre à l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de communiquer le rapport médical et les pièces sur lesquelles il a fondé son avis ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de résident d'une validité de dix ans, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée, en droit et en fait ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle aurait dû être précédée de la saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 426-17 du même code ainsi que les stipulations de l'article 11 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 ;

- le préfet de police a entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de sa situation en n'examinant pas sa demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour ;

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 9° du même code ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par un courrier enregistré le 22 juillet 2024, M. A... a, en application des principes dégagés par la décision du Conseil d'État du 28 juillet 2022 n° 441481, donné son accord à la levée du secret médical.

Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit des pièces, enregistrées le 9 juillet 2024, et présenté des observations, enregistrées le 26 juillet 2024.

Les dernières observations du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, enregistrées le 9 septembre 2024, n'ont pas été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Jayer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais, né le 2 février 1977, est entré en France en 2008, selon ses déclarations. Il a été titulaire, à compter du 24 février 2011, d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, renouvelé jusqu'au 19 mai 2022. Le 25 mai 2022, l'intéressé a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en demandant la délivrance d'une carte de résident de dix ans et d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par une décision du 7 avril 2023, le préfet de police a refusé de faire droit à ses demandes. Par un jugement du 14 septembre 2023 dont M. A... fait appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de carte de résident :

2. Aux termes de l'article 11 de la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes du 1er août 1995 : " Après trois années de résidence régulière et non interrompue, les ressortissants de chacune des Parties contractantes établis sur le territoire de l'autre Partie peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. / Ce titre de séjour est renouvelable de plein droit dans les conditions prévues par l'État d'accueil. Les droits et taxes exigibles lors de sa délivrance ou de son renouvellement doivent être fixés selon un taux raisonnable ". L'article 13 de la même convention stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui justifie d'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident, de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins et d'une assurance maladie se voit délivrer, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 426-18, une carte de résident portant la mention "résident de longue durée-UE" d'une durée de dix ans. (...) / Les ressources mentionnées au premier alinéa doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail (...) ". Aux termes de l'article R. 431-11 du même code : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ". Selon l'annexe 10 au code précité, dans sa rédaction issue de l'arrêté interministériel du 30 avril 2021 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance, hors Nouvelle-Calédonie, des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les pièces à joindre à une demande de carte de résident au titre de l'article L. 426-17 précité comportent les " justificatifs de vos ressources ou de celles de votre couple si vous êtes mariés (à l'exclusion des prestations sociales ou allocations), qui doivent être suffisantes, stables et régulières sur les 5 dernières années (bulletins de paie, avis d'imposition, attestation de versement de pension, contrat de travail, attestation bancaire, revenus fonciers, etc.) (...) ".

3. Il est constant que M. A... ne justifie pas avoir perçu durant l'année 2020 des ressources d'un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. L'intéressé n'est donc pas fondé à soutenir qu'en refusant de faire droit à sa demande de carte de résident, le préfet de police aurait méconnu les dispositions citées au point 2.

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour :

4. Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté par le préfet de police, qu'à la date de la décision contestée, M. A... résidait en France depuis au moins douze années, dont près de onze en situation régulière. Des documents émanant de Pôle Emploi, désormais " France Travail ", versés au débat attestent qu'il s'est toujours inscrit dans une démarche active de recherche d'emploi. L'intéressé établit ainsi travailler depuis 2011, dans le cadre de contrats pouvant aller de trois mois à deux ans, tout d'abord comme agent de propreté puis, depuis 2017, comme agent de sécurité. Il est aujourd'hui titulaire en cette dernière qualité d'un contrat à durée indéterminée signé le 1er janvier 2022, et exerce ses fonctions sur le site de la régie autonome des transports parisiens (RATP). Le requérant justifie à ce titre avoir suivi en janvier 2017 la formation " équipier de première intervention ", avoir obtenu le 1er mars 2017 le certificat de qualification professionnelle " agent de prévention et de sécurité ", s'être vu délivrer le 13 avril 2017 la carte professionnelle d'une durée de cinq ans, laquelle a du reste été renouvelée pour la même durée en mars 2022, l'autorisant à exercer des activités privées de " surveillance humaine et électronique ", avoir été formé en juin 2017 par la RATP à la " ISF 225 - Circulation sur les voies du RER ", avoir obtenu le même mois le diplôme d' " agent de service de sécurité incendie et d'assistance à personnes " et être titulaire, depuis le 10 mars 2022, du certificat de sauveteur secouriste du travail. M. A... est par ailleurs locataire de son appartement et déclare ses revenus. Atteint d'une hépatite B, ayant du reste justifié la délivrance entre 2011 et 2022 d'une carte de séjour en qualité d'étranger malade, il justifie également d'une assurance maladie et avoir souscrit en 2020, une assurance complémentaire santé. Dans ces conditions, eu égard à la durée de son séjour en France et à son parcours d'intégration, tant professionnelle que personnelle, M. A..., quand bien même aurait-il encore des attaches familiales dans son pays d'origine, est fondé à soutenir que le préfet de police, en refusant de faire à sa demande de titre de séjour, a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation.

5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour mention " vie privée et familiale ".

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt n'implique pas qu'il soit fait droit à la demande de M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une carte de résident de dix ans.

7. Il implique en revanche, dans la limite des conclusions présentées par M. A..., qu'il soit fait injonction au préfet de police de réexaminer sa situation au regard du motif retenu au point 4, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2310873/5-2 du 14 septembre 2023 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de police du 7 avril 2023, refusant le renouvellement du titre de séjour d'un an de M. A....

Article 2 : La décision du préfet de police du 7 avril 2023 refusant le renouvellement du titre de séjour d'un an de M. A... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A... dans les conditions fixées au point 7.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.

La rapporteure,

MD. JAYER

La présidente,

J. BONIFACJ La greffière,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04341


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04341
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : PETEYTAS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;23pa04341 ?
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