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03/10/2024 | FRANCE | N°21PA03276

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 03 octobre 2024, 21PA03276


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Colas Rail a demandé au tribunal administratif de Paris d'établir le décompte général et définitif du marché n° 45270-0000027198 conclu avec SNCF Réseau le 2 février 2016 à la somme de 16 007 904,95 euros hors taxe (HT), de condamner SNCF Réseau à lui verser la somme de 9 671 372,83 euros HT, soit 11 605 647,40 euros toutes taxes comprises (TTC), au titre du solde du marché, et d'assortir cette condamnation des intérêts moratoires au taux contractuel à compt

er du 9 avril 2018, et de la capitalisation de ces intérêts.



SNCF Réseau a demandé à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Colas Rail a demandé au tribunal administratif de Paris d'établir le décompte général et définitif du marché n° 45270-0000027198 conclu avec SNCF Réseau le 2 février 2016 à la somme de 16 007 904,95 euros hors taxe (HT), de condamner SNCF Réseau à lui verser la somme de 9 671 372,83 euros HT, soit 11 605 647,40 euros toutes taxes comprises (TTC), au titre du solde du marché, et d'assortir cette condamnation des intérêts moratoires au taux contractuel à compter du 9 avril 2018, et de la capitalisation de ces intérêts.

SNCF Réseau a demandé à titre reconventionnel au tribunal administratif de condamner la société Colas Rail à lui verser la somme de 12 482 294,64 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2017, et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1819674/3-3 du 13 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a fixé le solde du marché à la somme de 1 907 099,56 euros HT en faveur de la société Colas Rail, a condamné SNCF Réseau à verser à la société Colas Rail la somme de 1 907 099,56 euros HT augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 9 avril 2018, capitalisés à compter du 9 avril 2019, et a rejeté la demande reconventionnelle de SNCF Réseau.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 21PA03276, le 14 juin 2021, et par un mémoire en réplique, enregistré le 5 mai 2022, la société SNCF Réseau, venant aux droits de l'établissement public SNCF Réseau, représentée par Me Memlouk, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 13 avril 2021 ;

2°) de condamner la société Colas Rail à lui verser la somme de 12 482 294,64 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2017, et de la capitalisation de ces intérêts à compter de cette date ;

3°) de rejeter les conclusions de la société Colas Rail ;

4°) de mettre à la charge de la société Colas Rail une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a irrégulièrement remis en cause les réfactions appliquées aux prix PB 00, PB 24.2, PB 25.2 et PB 27.1, en se fondant sur des moyens qui n'avaient pas été soulevés par la société Colas Rail, qui n'avaient pas le caractère de moyens d'ordre public et qui n'ont pas été soumis au débat contradictoire ; ces moyens n'avaient d'ailleurs pas été soulevés par la société Colas Rail dans son mémoire de réclamation, ainsi que l'article 85.3 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux de la SNCF (CCCG) le prévoit ; ainsi, le tribunal administratif a statué ultra petita ;

- l'ensemble des conclusions de la société Colas était irrecevable puisque son mémoire de réclamation n'a été adressé dans les délais qu'au maitre d'ouvrage et non au maitre d'œuvre, en violation des stipulations de l'article 13.35 du CCCG ; en effet, si une copie de la signification a été remise dans le délai de quarante-cinq jours à la personne responsable du marché représentant le maître d'ouvrage, le mémoire de réclamation n'est parvenu au représentant du maître d'œuvre que le 14 février 2018, et au responsable de lot, que le 12 février 2018 ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit aux demandes de la société Colas Rail, en supprimant les réfactions appliquées aux prix PB 00, PB 24.2, PB 25.2 et PB 27.1 ; ces demandes ne sont pas fondées ;

- la société Colas Rail n'est pas recevable à contester la réfaction appliquée au prix PB 00, en invoquant l'article 73.3, alors qu'elle ne l'avait pas fait dans son mémoire de réclamation ; les moyens qu'elle fait valoir à l'encontre de cette réfaction, ne sont pas fondés ;

- elle n'est pas recevable à contester les réfactions appliquées aux prix PB 24.2, PB 25.2 et PB 27.1, en faisant état de l'absence de mention de l'inexécution de la prestation au procès-verbal de réception, ce qu'elle n'avait pas fait dans son mémoire de réclamation ; les moyens qu'elle fait valoir à l'encontre de ces réfactions, ne sont pas fondés ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit aux demandes de la société Colas Rail, en supprimant les pénalités pour restitution tardive des voies et pour dépassement des taux de LTV ; ces demandes ne sont pas fondées ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit aux demandes de la société Colas Rail, en supprimant l'indemnisation des dommages matériels causés aux wagons, l'indemnisation du préjudice d'exploitation et l'indemnisation du préjudice correspondant à la mobilisation de moyens humains et matériels (" SNCFE et projet ") ; ces demandes ne sont pas fondées ;

- les autres demandes de la société Colas Rail ne sont pas fondées.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 26 novembre 2021 et le 1er juillet 2022, la société Colas Rail, représentée par Me Forté et par Me Dreyfus, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la société SNCF Réseau ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 avril 2021, de porter à 9 671 372,83 euros HT soit 11 605 647,40 euros TTC, le montant de la condamnation prononcée par ce jugement à l'encontre de la société SNCF Réseau, au titre du solde du marché, et d'assortir cette somme des intérêts moratoires au taux contractuel à compter du 9 avril 2018, et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 9 avril 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la société SNCF Réseau une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société SNCF Réseau ne sont pas fondés ;

- elle se réfère, s'agissant de ses conclusions d'appel incident, aux moyens présentés à l'appui de sa requête, enregistrée sous le n° 21PA03299.

Par une ordonnance du 4 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 août 2022.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 21PA03299, le 14 juin 2021, et par un mémoire en réplique, enregistré le 1er juillet 2022, la société Colas Rail, représentée par Me Forté et par Me Dreyfus, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 avril 2021 ;

2°) d'établir le décompte général et définitif du marché conclu avec SNCF Réseau le 2 février 2016 à la somme de 16 007 904,95 euros HT, de porter à 9 671 372,83 euros HT soit 11 605 647,40 euros TTC, le montant de la condamnation prononcée par ce jugement à l'encontre de la société SNCF Réseau, au titre du solde du marché, et d'assortir cette somme des intérêts moratoires au taux contractuel à compter du 9 avril 2018, et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 9 avril 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la société SNCF Réseau une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- la fin de non-recevoir soulevée par la société SNCF Réseau doit être écartée ;

- elle est fondée à demander une somme totale de 8 415 162,11 euros au titre des métrés réalisés, par application des prix PB 01 à PB 23 et PB 27.2, les métrés correspondant à cette somme, et non à la somme de 7 807 758,12 euros HT retenue par la société SNCF Réseau ; le jugement est insuffisamment motivé sur ce point ;

- elle est fondée à demander au titre des travaux supplémentaires exécutés sur ordre de service, une somme totale de 1 635 544,01 euros HT correspondant aux prix nouveaux notifiés par ordre de service ;

- elle est fondée à demander au titre des travaux indispensables une somme totale de 1 053 482,92 euros HT correspondant aux prix nouveaux en attente de notification ;

- elle est fondée à demander à être indemnisée à raison des fautes commises par la société SNCF Réseau dans la conception, dans la mise en œuvre, dans la direction et dans le contrôle du chantier, pour des montants de 2 866 599 euros au titre de l'immobilisation de ses moyens, de 240 000,91 euros au titre des amenés et déplacements de matériels, de 900 000 euros au titre des pertes de productivité, de 479 205 euros au titre des moyens d'encadrement supplémentaires, de 28 000 euros au titre des frais fixes et des loyers de la base-vie, de 85 793,67 euros au titre de la sous-couverture des frais généraux, et de 335 904,32 euros au titre des frais financiers ;

- elle est fondée à demander à être déchargée de la pénalité pour abandon de zones de 1 339 449,06 euros, et de la pénalité pour retard dans la remise du plan d'assurance de la qualité (PAQ) de 13 000 euros, qui n'étaient pas applicables, faute d'avoir été mentionnées au cahier des prescriptions spéciales (CPS) comme elles devaient l'être, s'agissant de pénalités dérogatoires par rapport au CCCG ;

- de plus, l'abandon de zones n'a pas été constaté contradictoirement ; enfin, les retards de chantier en cause étaient imputables à la société SNCF Réseau ;

- les manquements sur lesquels la pénalité pour retard dans la remise du PAQ est fondée n'ont pas été constatés contradictoirement ; la société SNCF Réseau n'indique pas en quoi les dispositions du PAQ n'auraient pas été respectées ; son montant est manifestement excessif et doit être ramené à 2 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2022, la société SNCF Réseau, représentée par Me Memlouk, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la société Colas Rail ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 avril 2021 et de condamner la société Colas Rail à lui verser la somme de 12 482 294,64 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2017, et de la capitalisation de ces intérêts à compter de cette date ;

3°) de mettre à la charge de la société Colas Rail une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société Colas Rail ne sont pas fondés ;

- la société Colas Rail est forclose pour contester les sommes dues par application des prix nouveaux notifiés dans l'ordre de service n° 4, à l'exception des sommes correspondant au prix nouveau PN 06 ;

- elle se réfère à la fin de non-recevoir qu'elle a soulevée dans le cadre de l'instance n° 21PA03276, et aux moyens qu'elle a présentés dans le cadre de la même instance s'agissant des réfactions appliquées aux prix PB 00, PB 24.2, PB 25.2 et PB 27.1, des pénalités pour restitution tardive des voies et pour dépassement des taux de LTV, et de l'indemnisation des dommages qu'elle a subis.

Par une ordonnance du 4 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 août 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des transports ;

- le code de procédure civile ;

- le cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux de la SNCF du 24 octobre 2001 (version n° 2 du 24 novembre 2008) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- les observations de Me Bourdeau, avocat de SNCF Réseau et les observations de Me Ceva, avocat la société COLAS Rail.

Une note en délibéré présentée pour la société Colas Rail a été enregistrée le 25 septembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. L'établissement public SNCF Réseau, devenu la société SNCF Réseau, a, par un bon de commande à prix unitaires du 2 février 2016 notifié le 30 mai 2016 en exécution d'un accord-cadre du 24 décembre 2015, confié à la société Colas Rail des travaux de voies ferrées dits " hors suites 2016-1 " entre les gares de Saint-Benoît et de Niort sur la ligne Saint-Benoît-La Rochelle et entre les gares de Niort et de Saintes sur la ligne Chartres-Bordeaux. La commande, d'un montant de 12 155 376,54 euros HT, prévoyait des travaux de renouvellement complet de la voie, de régénération du ballast par dégarnissage lourd et relevage, de remplacement du plancher et de traverses en recherche ainsi que d'épuration localisée de ballast, pour lesquels SNCF Réseau assurait la maitrise d'œuvre. Le montant du marché a été porté à 13 352 508,27 euros HT par deux ordres de service n° 4 et n° 5 du 4 octobre 2016 et du 9 mars 2017. Les travaux ont été réceptionnés avec réserves par un ordre de service n° 7 daté du 1er septembre 2017, avec effet au 14 avril 2017.

2. La société Colas Rail a, le 5 octobre 2017, adressé à SNCF Réseau son projet de décompte final d'un montant de 16 007 904,95 euros HT, faisant apparaitre, compte tenu notamment d'une demande de rémunération complémentaire pour un montant de 4 953 715,91 euros HT, un solde de 9 671 372,83 euros HT, en faveur de la société Colas Rail.

3. Le décompte général a été notifié à la société Colas Rail par un ordre de service n° 9 du 20 décembre 2017, reçu le 26 décembre 2017, pour un montant de 6 976 522,64 euros HT, hors indemnisations, faisant apparaitre, compte tenu notamment des acomptes payés, des réfactions, des pénalités et de retenues diverses, un solde négatif de 12 482 294,64 euros TTC en défaveur de cette société.

4. La société Colas Rail a, à la suite du rejet implicite de son mémoire de réclamation daté du 7 février 2018, demandé au tribunal administratif de Paris d'établir le décompte général et définitif du marché à un montant de 16 007 904,95 euros HT, et de condamner SNCF Réseau à lui verser la somme de 9 671 372,83 euros HT, soit 11 605 647,40 euros TTC, majorée des intérêts moratoires capitalisés. SNCF Réseau a demandé à titre reconventionnel au tribunal administratif de condamner la société Colas Rail à lui verser la somme de 12 482 294,64 euros TTC, majorée des intérêts moratoires capitalisés.

5. Par un jugement du 13 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a fixé le solde du marché à un montant de 1 907 099,56 euros HT en faveur de la société Colas Rail, a condamné la société SNCF Réseau à lui verser ce montant augmenté des intérêts capitalisés, et a rejeté la demande reconventionnelle de la société SNCF Réseau. La société Colas Rail et la société SNCF Réseau font appel de ce jugement. Il y a lieu de joindre leurs requêtes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. Il résulte du point 12 du jugement attaqué que le tribunal administratif a remis en cause la moins-value de 95 470,24 euros HT qui avait été pratiquée sur le prix PB 00, " Installation de chantier ", au motif que la mention de l'inexécution des prestations " repliement des chantiers " et " remise en état des terrains et chaussées empruntés " en annexe au procès-verbal de réception notifié par l'ordre de service n° 7 du 1er septembre 2017 faisait obstacle, en application des dispositions de l'article 73.3 du CCCG, à cette réfaction. Il résulte en outre du point 16 de ce jugement que le tribunal a remis en cause la moins-value de 927 381,96 euros HT qui avait été pratiquée sur le prix PB 24.2, " Mise à disposition d'un engin de traction puissance supérieure ou égale à 400 kW pendant 8 heures ", et la réfaction de 1 190 917,15 euros HT qui avait été pratiquée sur le prix PB 25.2, " Mise à disposition d'un équipage apte à la conduite autonome pendant 8 heures ", au motif que l'inexécution partielle reprochée à la société Colas Rail n'avait pas fait l'objet de réserves en annexe au procès-verbal de réception. Or, ces moyens n'avaient pas été soulevés par la société Colas Rail qui n'avait fait état que du caractère forfaitaire des prix en cause, et de l'absence de justification de l'inexécution partielle des prestations, et n'avaient pas le caractère de moyens d'ordre public susceptibles d'être relevés d'office. La société SNCF Réseau est donc fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif doit être annulé.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par la société Colas Rail et par la société SNCF Réseau devant le tribunal administratif de Paris.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société SNCF Réseau :

8. Aux termes de l'article 13.35, du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux de la SNCF (CCCG), dans sa version n° 2 du 24 novembre 2008 : " L'entrepreneur dispose d'un délai de quarante-cinq jours pour signer et renvoyer au maître d'œuvre ce décompte général, sans ou avec réserves. / (...) / Si la signature est donnée avec réserves, l'entrepreneur doit motiver ces réserves dans un mémoire en réclamation joint au renvoi du décompte qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires, en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et n'ayant pas fait l'objet de paiement définitif. Le règlement du différend intervient alors selon les modalités indiquées à l'article 85 (...) ". Aux termes du paragraphe 36 du même article de ce cahier : " Si le décompte général n'est pas retourné dans le délai fixé au paragraphe 35 du présent article, il est censé être accepté par l'entrepreneur. Ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché ". Aux termes du paragraphe 3 de l'article 5 du même cahier : " Lorsque, en exécution des stipulations du marché, un document doit être remis, dans un certain délai, par l'entrepreneur au maître de l'ouvrage, à la personne responsable du marché ou au maître d'œuvre, ou bien, réciproquement, doit être remis à l'entrepreneur, ou encore lorsque la remise d'un document marque le point de départ d'un délai, le document doit être remis au destinataire contre récépissé ou lui être adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal. La date du récépissé ou de l'avis de réception postal est retenue comme date de remise du document. / Toutefois, si le marché l'autorise, toute autre forme de transmission peut être utilisée à condition qu'elle permette de déterminer de manière certaine le signataire et la date de remise du document. "

9. Aux termes de l'article 655 du code de procédure civile : " Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. / (...) / La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire. / La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité. / L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise. "

10. Il est constant que le décompte général a, ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, été notifié à la société Colas Rail par un ordre de service n° 9 du 20 décembre 2017, reçu le 26 décembre 2017, et qu'une copie de ce décompte assorti de réserves de la société Colas Rail, de son mémoire de réclamation, daté du 7 février 2018, et d'un courrier d'accompagnement, a été signifiée par exploit d'huissier le 9 février 2018 dans les locaux de SNCF Réseau " à l'attention de la maîtrise d'œuvre de SNCF Réseau représentée par Messieurs A... et B... ". Il résulte en outre du procès-verbal de signification qui a alors été établi, qu'en l'absence de M. A... et de M. B..., et en l'absence, selon l'huissier, de toute possibilité de leur signifier ces pièces " à personne " selon l'article 654 du code de procédure civile, elles ont, conformément à l'article 655 du même code, cité ci-dessus, été remises " à domicile ", à M. C..., qui les acceptées, en se présentant comme " Dirigeant Pôle Investissements travaux - Infrapôle Poitou-Charentes ". Dans ces conditions, et alors même que M. C... était désigné dans l'accord-cadre du 24 décembre 2015 et dans le bon de commande du 2 février 2016 comme la personne responsable du marché, et que les avis de passage datés du 9 février 2018, avertissant M. B... et M. A... de la remise à M. C..., ne leur ont été remis que le 12 et le 14 février 2018, soit en dehors du délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général, ouvert par l'article 13.35 du CCCG, cité ci-dessus, le décompte assorti des réserves de la société Colas Rail et son mémoire de réclamation doivent être regardés comme leur ayant été remis dans ce délai. La société SNCF Réseau n'est donc pas fondée à soutenir que la société Colas Rail aurait tacitement accepté le décompte, et que ses conclusions présentées devant le tribunal administratif et devant la Cour seraient irrecevables.

Sur l'application des prix PB 01 à PB 23 et PB 27.2 :

11. Aux termes de l'article 10.3 du CCCG : " (...) Est réputé prix unitaire tout prix qui n'est pas forfaitaire au sens défini ci-avant, notamment tout prix qui s'applique à une partie d'ouvrage, ou à un élément d'ouvrage dont les quantités ne sont indiquées dans le marché qu'à titre prévisionnel. Ces prix unitaires sont soit ceux d'une série de prix affectés d'une minoration ou d'une majoration fixées au marché, soit ceux d'un bordereau évalué par l'entrepreneur ". Aux termes de l'article 11.13, de ce cahier : " Dans le cas d'application d'un prix unitaire, la détermination de la somme due s'obtient en multipliant ce prix par les quantités élémentaires exécutées correspondantes ou par le nombre d'éléments d'ouvrage mis en œuvre ". Aux termes de l'article 12.11 de ce cahier : " A la demande de l'entrepreneur ou du maître d'œuvre, il est pris attachement, à partir des constatations faites sur le chantier, des éléments qualitatifs et quantitatifs relatifs aux travaux exécutés qui doivent être ultérieurement cachés ou inaccessibles, ainsi qu'aux prestations ou faits dont il serait ultérieurement impossible d'établir l'existence ". Aux termes de l'article 12.12 de ce cahier : " Les attachements sont pris contradictoirement, au fur et à mesure de l'avancement des travaux, par l'agent désigné par le maître d'œuvre, en présence de l'entrepreneur convoqué à cet effet ou de son représentant agréé. Toutefois, si l'entrepreneur ne répond pas à la convocation et ne se fait pas représenter, les attachements sont pris en son absence et sont réputés contradictoires et acceptés par l'entrepreneur ". Aux termes de l'article 12.17 du même cahier : " L'entrepreneur est tenu de provoquer en temps utile la prise contradictoire des attachements pour les travaux, prestations, fournitures, ou faits, qui ne seraient pas susceptibles de constatations ou de vérifications ultérieures, faute de quoi il doit, sauf preuves contraires à fournir par lui et à ses frais, accepter les décisions du maître d'œuvre. "

12. En premier lieu, si la société Colas Rail conteste les quantités élémentaires retenues dans le décompte général s'agissant des travaux faisant l'objet des prix PB 01 à PB 23 et PB 27.2, elle n'a pas demandé qu'il soit procédé aux attachements prévus à l'article 12 du CCCG, et ne produit à l'appui de ses écritures que des tableaux intitulés " métrés définitifs " et " consistance des travaux " qui ont été établis par ses soins, de manière non contradictoire, et n'ont pas été signés par le maître d'œuvre. Elle n'avait d'ailleurs, dans ses réserves au procès-verbal de réception datées du 19 septembre 2017, pas discuté la réalité et l'importance de l'inexécution d'une partie des travaux prévus au marché, mais seulement les motifs de l'abandon des travaux en cause. Sa demande tendant à ce que la somme de 7 807 758,12 euros HT retenue dans le décompte général, soit portée à 8 415 162,11 euros HT, doit donc être rejetée.

13. En second lieu, si la société Colas Rail a contesté dans ses écritures devant le tribunal administratif la décomposition de certains prix unitaires à laquelle SNCF Réseau se serait livré dans les décomptes mensuels pour tenir compte des travaux en cours d'exécution, et la modification dont cette décomposition aurait fait l'objet dans le décompte général, ce décompte ne fait apparaitre aucun fractionnement d'un prix unitaire. La demande de la société sur ce point est donc sans objet.

Sur les moins-values appliquées sur les prix PB 00, PB 24.2, PB 25.2 et PB 27.1 :

14. En premier lieu, aux termes de l'article 72.2 du CCCG, les opérations préalables à la réception " sont accomplies par le maître d'œuvre en présence : / de la personne responsable du marché ou sans elle, dûment invitée ; / de l'entrepreneur ou sans lui, dûment convoqué. / Elles font l'objet d'un procès-verbal rédigé sur le champ par le maître d'œuvre et signé par lui et par l'entrepreneur ; si ce dernier refuse de le signer, il en est fait mention. / En cas d'absence de la personne responsable du marché ou de l'entrepreneur, il en est fait mention au procès-verbal (...) / Une copie du procès-verbal est remise à l'entrepreneur ou, en cas d'absence de celui-ci, lui est notifiée par ordre de service (...) ".

15. Il résulte de l'instruction que SNCF Réseau a appliqué une moins-value de 95 470,24 euros HT sur le prix unitaire PB 00 de 184 455,56 euros HT, dû pour la prestation " Installation de chantier " comprenant notamment, selon le bordereau de prix unitaires, le repliement des chantiers et la remise en état des terrains et chaussées empruntés, au motif que, selon l'annexe au procès-verbal de réception, " les installations de chantier ont été repliées, mais les lieux de ces installations n'ont pas été remis en état ". Or, en se bornant à faire allusion dans ses écritures à des " visites communes réalisées à pied ", à renvoyer à divers échanges de courriers électroniques entre le 22 mars et le 7 juin 2017, relatifs aux réunions et aux visites qui auraient eu lieu à cette époque, et à faire état d'un courrier établi par ses soins le 21 septembre 2017 pour mettre en demeure la société Colas Rail d'établir son projet de décompte final, mentionnant que " Les visites réalisées au mois de juin ont permis d'établir contradictoirement la situation des travaux ", et en produisant seulement un document intitulé " compte-rendu des tournées OPR qui sera annexé au PV de réception " qui n'a pas été signé par la société Colas Rail, la société SNCF Réseau n'établit pas que la société Colas Rail aurait été dûment convoquée aux opérations préalables à la réception. De plus, la société SNCF Réseau n'établit pas non plus que ces opérations auraient fait l'objet d'un procès-verbal signé par la société Colas Rail. La société Colas Rail est donc fondée à soutenir que la société SNCF Réseau n'établit pas que la prestation " Installation de chantier " n'aurait pas été exécutée en totalité, et à contester la moins-value de 95 470,24 euros HT mentionnée ci-avant.

16. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que SNCF Réseau a appliqué une moins-value de 405 788,74 euros HT sur la somme prévue selon le détail estimatif par application du prix unitaire PB 27.1 à raison de 87 périodes pour la prestation " Protection caténaire ", en estimant que cette prestation n'avait été accomplie que pendant 40,04 périodes. Or, en se bornant à faire référence à l'abandon d'une partie des travaux de renouvellement de la voie, la société SNCF Réseau n'établit pas la réalité de l'inexécution de cette prestation pendant près de 47 des périodes prévues. Ainsi, la société Colas Rail, qui avait contesté la moins-value de 405 788,74 euros HT mentionnée ci-avant dans son mémoire de réclamation, et ne saurait donc se voir opposer les stipulations de l'article 85.3 du CCCG sur ce point, est fondée à soutenir que cette moins-value à été pratiquée à tort.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article 10.2 du cahier des prescription spéciales du marché (CPS) : " Réfaction sur le forfait "Traction des trains de travaux et manœuvres" : Si SNCF accepte, suite à demande écrite de l'entrepreneur, de se substituer partiellement ou totalement à lui pour assurer la traction des trains de travaux et / ou les manœuvres, il est déduit du forfait "Traction et manœuvres " la valeur des prestations exécutées par SNCF, évaluées sur la base des prix unitaires figurant dans l'offre de l'entrepreneur. Ce peut être le cas, entre autres, de la traction nécessaire aux opérations préalables de déchargement de LRS lorsqu'elles sont prévues à l'annexe descriptive, et de déchargement préalable d'appareils de voie. "

18. Il résulte de l'instruction que SNCF Réseau a appliqué une moins-value de 927 381,96 euros HT sur la somme prévue selon le détail estimatif par application du prix unitaire PB 24.2 pour la prestation " Mise à disposition d'un engin de traction puissance supérieure ou égale à 400 kW pendant 8 heures ", et une moins-value de 1 190 917,15 euros HT sur la somme prévue pour le prix unitaire PB 25.2, " Mise à disposition d'un équipage apte à la conduite autonome pendant 8 heures ", en estimant que ces prestations n'avaient été accomplies qu'à hauteur de 48 %. Or, en se bornant à faire référence à l'abandon d'une partie des travaux de renouvellement de la voie, la société SNCF Réseau n'établit pas la réalité de l'inexécution du surplus de ces prestations. La société SNCF Réseau ne saurait par ailleurs invoquer utilement les stipulations citées ci-dessus de l'article 10.2 du CPS du marché, prévoyant la possibilité d'une réfaction sur le forfait "Traction des trains de travaux et manœuvres", dans le cas où SNCF Réseau se substitue à l'entrepreneur, à la suite d'une demande écrite de celui-ci, pour assurer la traction des trains de travaux et/ou les manœuvres. Ainsi, la société Colas Rail, qui avait contesté les moins-values mentionnées ci-avant dans son mémoire de réclamation, et ne saurait donc se voir opposer les stipulations de l'article 85.3 du CCCG sur ce point, est fondée à soutenir que ces moins-values ont été pratiquées à tort.

19. Il résulte de ce qui précède que la société Colas Rail est fondée à soutenir que les moins-values mentionnées ci-dessus ont été pratiquées à tort sur les prix PB 00, PB 24.2, PB 25.2 et PB 27.1.

Sur les travaux supplémentaires :

En ce qui concerne les travaux supplémentaires notifiés par ordre de service :

20. S'agissant des travaux rémunérés par les prix nouveaux PN 00, PN 02, PN 03 et PN 05, notifiés par l'ordre de service n°4, la société Colas Rail, en se référant seulement à son projet de décompte final, à son mémoire de réclamation et aux pièces, établies par ses soins et non signées par le maître d'œuvre, qui y sont annexées, ne justifie pas avoir réalisé des quantités plus importantes que celles mentionnées au détail estimatif et prises en compte au décompte général. S'agissant de la prestation de déplacement d'appareils en gare, rémunérée par le prix nouveau PN 06, elle ne justifie pas avoir déplacé, outre les deux appareils pris en compte au décompte général, un troisième appareil comme prévu au détail estimatif. S'agissant de la prestation de fermeture de voirie, rémunérée par le prix nouveau PN 08, elle ne justifie pas avoir réalisé, outre les 29 unités prises en compte au décompte général, correspondant selon SNCF Réseau aux 29 passages à niveau concernés par cette prestation, 16 autres unités. Enfin, elle ne justifie pas non plus s'être acquittée de la prestation de mise à disposition de moyens de déchargement, rémunérée par le prix nouveau PN 19, non seulement pendant les quatre semaines prises en compte au décompte général, mais pendant une période totale de seize semaines. Ses demandes sur ces différents points ne peuvent donc, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la société SNCF Réseau, qu'être rejetées.

En ce qui concerne les autres travaux supplémentaires partiellement admis par SNCF Réseau :

21. En premier lieu, pour demander une rémunération supplémentaire de 307 070,60 euros HT au titre des travaux d'assainissement aux abords de la société Néomaye, rémunérés selon le prix nouveau PN 52, la société Colas Rail qui ne produit pas d'attachement contradictoire, ne se réfère qu'au compte-rendu d'une réunion de chantier tenue le 18 mai 2017. Toutefois, ce compte-rendu fait seulement mention, sur ce point, de son désaccord avec la maitrise d'œuvre sur le linéaire réalisé et sur le prix unitaire, et ne permet donc pas de démontrer la réalisation de travaux sur 888 mètres linéaires, excédant les 730 mètres linéaires admis par la maîtrise d'œuvre et pris en compte à hauteur de 141 547 euros HT dans le décompte général. Sa demande sur ce point doit donc être rejetée.

22. En deuxième lieu, le prix nouveau PN 56 de 18 656 euros HT, pris en compte pour moitié dans le décompte général s'agissant des travaux de reprise des abords, n'a été prévu, ni par le marché, ni par les ordres de service n°4 et n°5. La société Colas Rail ne saurait donc invoquer utilement les stipulations de l'article 13.22 du CCCG, aux termes duquel : " les prix unitaires ne sont jamais fractionnés ", pour demander un doublement de la rémunération qui lui a été allouée sur la base de ce prix. Elle ne saurait davantage se référer au compte-rendu de la réunion de chantier du 18 mai 2017, mentionnée ci-dessus, qui, sur ce point, mentionne seulement la " validation du principe de 50/50 SNCF/COLAS pour dégradation des abords de riverains ". Sa demande sur ce point doit donc être rejetée.

23. En troisième lieu, à supposer que, pour demander une rémunération supplémentaire de 192 114 euros HT à raison de la pose d'un coupon mixte en fin de nuit, rémunérée à hauteur de 64 038 euros HT selon le prix nouveau PN 61, la société Colas Rail ait entendu se référer au compte-rendu de la réunion de chantier du 18 mai 2017, mentionnée ci-dessus, ce compte-rendu ne comporte aucun élément de nature à démontrer que la prestation qu'elle a accomplie, aurait excédé les 19,5 unités prises en compte dans le décompte général. Sa demande sur ce point, qui ne repose sur aucun autre argument, doit donc être rejetée.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires refusés par SNCF Réseau :

24. En premier lieu, aux termes de l'article 58.211 du CCCG : " L'entrepreneur supporte seul les conséquences pécuniaires des dommages matériels de toute nature qui pourraient atteindre les biens du maître de l'ouvrage (...) ". Compte tenu de cette disposition, la société Colas Rail qui ne conteste pas avoir, ainsi que la société SNCF Réseau le soutient, provoqué des désordres sur le quai Prissé en y faisant passer des engins lourds, n'est pas fondée à demander une somme de 12 500 euros HT, par application d'un prix nouveau PN 37, à raison des travaux de réfection de ce quai, à propos desquels elle ne produit d'ailleurs qu'un attachement non signé par le maître d'œuvre. Sa demande sur ce point ne peut donc qu'être rejetée.

25. En second lieu, s'agissant du remplacement d'un rail sur voie neuve à raison duquel elle demande une somme de 108 175,05 euros HT par application d'un prix nouveau PN 60, la société Colas Rail, se borne à se référer au compte-rendu de la réunion de chantier du 18 mai 2017, mentionnée ci-dessus, qui, il est vrai, fait état d'une " validation par la MOE ", mais n'établit pas qu'elle aurait réalisé les travaux. S'agissant de la prestation intitulée " mise en place de boulons sur raccordement de panneaux " pour laquelle elle demande une somme de 43 890 euros HT par application d'un prix nouveau PN 64, ce même compte-rendu ne permet pas davantage d'établir la réalité des travaux. Les demandes de la société Colas Rail sur ces deux points doivent donc être rejetées.

26. Il résulte de ce qui précède que la société Colas Rail n'est pas fondée à contester le montant de 1 788 322,61 euros HT, admis dans le décompte général s'agissant des prix nouveaux.

Sur la responsabilité de SNCF Réseau :

27. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché dans la mesure où celle-ci justifie qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre.

28. En premier lieu, la société Colas Rail n'établit pas qu'ainsi qu'elle le soutient, pour demander à être indemnisée à raison de fautes dans la conception du chantier, les démarches administratives indispensables au bon déroulement du programme n'auraient pas été assurées, que le maitre de l'ouvrage se serait trouvé dans l'incapacité d'assurer les approvisionnements prévus, et que le maitre d'œuvre n'aurait pas été en mesure d'assurer la logistique de chantier. De plus, contrairement à ce qu'elle soutient, la notification en cours de marché de 61 prix nouveaux alors que le marché ne prévoyait initialement que 16 prix unitaires, ne révèle pas une faute dans la définition des besoins et des prestations. La société Colas Rail a d'ailleurs été indemnisée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à raison des travaux supplémentaires qui lui ont été demandés.

29. En deuxième lieu, si la société Colas Rail fait état de fautes dans la mise en œuvre du chantier, elle ne démontre pas que la période de préparation du chantier aurait commencé avec retard, alors que plusieurs réunions préparatoires, qui ne se sont pas limitées à de simples prises de contact, se sont tenues les 28 janvier, les 12 et 25 février, le 10 mars, et les 11 et 29 avril 2016. Si elle fait également état d'un allongement fautif de la période de préparation, que révéleraient l'envoi tardif, le 30 mai 2016, de la commande du 2 février précédent, et la notification tardive, le 26 juillet 2016, de l'ordre de service de démarrage du chantier signé le 22 juillet, fixant la date de début des travaux au 25 juillet, il résulte de la notice descriptive à laquelle l'article 14 du CPS faisait renvoi s'agissant des délais d'exécution, que l'exécution des travaux devait débuter dans la nuit du 17 au 18 juillet 2016, soit seulement huit jours plus tôt. Or, la société Colas Rail ne saurait sérieusement soutenir que cette notice descriptive qui figurait en annexe à l'accord-cadre qu'elle a paraphé, aurait été réalisée postérieurement au retard dont elle demande réparation, et ne démontre pas que ce retard, limité à huit jours, lui aurait causé un préjudice. Enfin, elle n'établit pas la réalité des difficultés dans le démarrage des travaux, notamment en raison d'un manque de bases arrières, dont elle fait état.

30. En troisième lieu, si la société Colas Rail fait état de conditions d'exécution dégradées, de mauvaises conditions d'acheminement, d'accidents et de pannes, ainsi que de défaillances dans le pilotage du chantier en raison de moyens qu'elle estime insuffisants, les comptes-rendus de réunions antérieures au démarrage des travaux qu'elle produit, ne permettent pas d'établir la réalité de ces diverses fautes dans l'exercice des pouvoirs de direction et de contrôle du chantier. Si elle fait également état, sans d'ailleurs le démontrer, de durées d'intervention inférieures aux prévisions contractuelles, il résulte de l'article 2.3, " Plages-travaux et durées d'intervention ", de la notice descriptive que les durées d'intervention prévues ne présentaient qu'un caractère indicatif.

31. Il résulte de ce qui précède que la société Colas Rail n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de SNCF Réseau, à raison des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Sur les pénalités :

En ce qui concerne les pénalités pour abandon de zones :

32. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 17.1.4, " Abandon du fait de l'entrepreneur de zones à renouveler ", du CPS : " Si la totalité des travaux prévus au marché n'est pas exécutée en raison d'une défaillance de l'entrepreneur ou à la demande de celui-ci, la SNCF lui applique, d'office et sans mise en demeure préalable, une pénalité hors TVA d'un montant de : P = 3,3* L *PBi / Où L est la longueur en mètres de la zone abandonnée, et PBi le prix de bordereau correspondant aux travaux abandonnés ".

33. D'autre part, aux termes de l'article 1er du CCCG, toute dérogation aux stipulations de ce cahier doit figurer dans le marché. L'article 3.2 du même cahier précise que : " le dernier article du CPS ou du CCAP - ou en l'absence d'un tel document, la " commande " - récapitule les dérogations aux stipulations du présent CCCG et, le cas échéant, des documents techniques généraux (CPC ou CCTG) cités dans le marché. / Est réputée non écrite toute dérogation non récapitulée dans les conditions précitées ". L'article 22.1 de ce cahier prévoit, en cas de retard dans l'exécution des travaux, " dans le silence du marché ", une pénalité journalière égale à 1/3000 du montant total du marché hors TVA.

34. Si l'article 17.1.4 du CPS, cité ci-dessus, ne figure pas au nombre des stipulations dérogeant au CCCG selon l'article 25 du CPS qui récapitule les dérogations au CCCG, il ne déroge pas à l'article 22.1 du CCCG, qui, ainsi qu'il vient d'être dit, ne fixe le montant des pénalités de retard que " dans le silence du marché ". La société Colas Rail n'est donc pas fondée à demander à la Cour d'en écarter l'application.

35. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 15 ci-dessus, la société SNCF Réseau n'établit pas que la société Colas Rail aurait été dûment convoquée aux opérations préalables à la réception, et que ces opérations auraient fait l'objet d'un procès-verbal signé par la société Colas Rail. Cependant, la société Colas Rail, qui n'avait, dans ses réserves au procès-verbal de réception datées du 19 septembre 2017, discuté ni la réalité de l'inexécution des travaux dans certaines zones, ni l'étendue de ces zones, ne conteste pas sérieusement cette inexécution devant la Cour. De plus, ainsi qu'il a été dit aux points 27 à 31, elle ne démontre pas que l'abandon de ces zones serait imputable à des fautes de SNCF Réseau, plutôt qu'à ses propres défaillances. Elle n'est donc pas fondée à contester les pénalités pour abandon de zones qui lui ont été appliquées pour un montant total de 1 339 449,06 euros.

En ce qui concerne les pénalités pour restitution tardive des voies :

36. Aux termes de l'article 17.1.2, " Pénalités pour retard de restitution de voies ", du CPS : " Les dépassements des durées d'interception prévues et leurs causes sont constatées contradictoirement par l'entrepreneur et le représentant de SNCF. / Ceux dont la cause est imputable à l'entrepreneur font l'objet, sans mise en demeure préalable, d'une pénalité hors TVA calculée forfaitairement pour chacune des voies interceptées selon la formule ci-après : (...) ".

37. En l'absence de constatation contradictoire des restitutions tardives de voies, la société Colas Rail est fondée à demander à être déchargée de la pénalité de 268 550 euros qui a été mise à sa charge sur le fondement de ces stipulations.

En ce qui concerne les pénalités pour dépassement des taux de LTV :

38. Aux termes de l'article 17.1.1, " Non-respect des vitesses de franchissement prévues ", du CPS : " Lorsque les caractéristiques géométriques de la voie ne permettent pas, pour une raison imputable à l'entrepreneur, les circulations aux vitesses prescrites, une pénalité hors TVA de 2 000 € par jour, par Km et par voie est appliquée d'office et sans mise en demeure préalable. "

39. Pour justifier l'application d'une pénalité de 50 000 euros sur le fondement de ces stipulations, la société SNCF Réseau se borne à renvoyer au compte-rendu d'une réunion du 2 février 2017 faisant état de deux déraillements de wagons D12 de ballast survenus dans la nuit du 16 au 17 janvier et dans la nuit du 25 au 26 janvier 2017 sur la rampe de dégarnissage. Toutefois ce seul compte-rendu mentionnant que " la cause retenue est un problème de géométrie lors de la réalisation de la rampe " par la dégarnisseuse, en l'absence de tout autre élément de preuve, ne permet pas d'établir l'imputabilité des déraillements à l'intervention de la société Colas Rail. Celle-ci est par suite fondée à demander la décharge de la pénalité en litige.

En ce qui concerne la pénalité pour non-respect du plan d'assurance de la qualité :

40. Aux termes des stipulations de l'article 17.1.6, " Pénalités liées au Plan d'Assurance de la Qualité ", du CPS : " Si le Plan d'Assurance de la Qualité n'est pas fourni dans le délai prescrit, il est appliqué à l'entrepreneur, d'office et sans mise en demeure préalable, dès le premier jour de calendrier de retard, une pénalité HT de 150,00 € par jour de calendrier de retard. / Si les dispositions du PAQ ne sont pas respectées ou incomplètement respectées pour les points de contrôles : a) en ce qui concerne les opérations de contrôle à réaliser par l'entrepreneur ; / b) pour défaut de marquage et de piquetage nécessaires aux travaux de renouvellement de voie ; / il est appliqué, d'office et sans mise en demeure préalable, une pénalité HT de 500,00 € pour chaque manquement et non-respect des cas a) et b). "

41. Si la société SNCF Réseau entend justifier l'application d'une pénalité pour non-respect du plan d'assurance de la qualité de 13 000 euros, en faisant allusion à 26 manquements à ce plan et à des fiches de non-conformité, elle n'a pas produit ces fiches et n'a fourni, ni dans le procès-verbal de réception ou dans le décompte général, ni dans ses écritures devant le juge, aucune précision sur la consistance de ces manquements. Elle ne précise d'ailleurs pas si la pénalité a été appliquée sur le fondement du a) ou sur le fondement du b) des stipulations citées ci-dessus. La société Colas Rail est donc fondée à en demander la décharge.

42. Il résulte de ce qui précède que les pénalités appliquées à la société Colas Rail doivent être ramenées à 1 339 449,06 euros.

Sur les retenues pour préjudices causés au maitre d'ouvrage :

En ce qui concerne les dommages causés aux wagons :

43. Aux termes de l'article 58.21, " Dommages matériels ", du CCCG : " 58.211 L'entrepreneur supporte seul les conséquences pécuniaires des dommages matériels de toute nature qui pourraient atteindre les biens du maître de l'ouvrage et de son mandataire, dont ils sont propriétaires ou détenteurs à quelque titre que ce soit (...) / 58.212 Le maître de l'ouvrage réalise ou fait réaliser la remise en état de ses biens endommagés au cours ou à la fin de l'exécution des travaux. Les frais correspondants sont supportés par l'entrepreneur (...) / 58.3 Exonération : L'entrepreneur n'est admis à s'exonérer, même partiellement, des responsabilités encourues par lui en application des paragraphes 1 et 2 du présent article, qu'autant qu'il apporte la preuve que les dommages résultent du fait du maître de l'ouvrage, de son mandataire, du maître d'œuvre ou bien d'un cas de force majeure non susceptible d'être couvert par une assurance, notamment par une police ' Tous Risques Chantier '(...) ".

44. Si la société SNCF Réseau établit la réalité de dommages causés aux wagons qui avaient été mis à la disposition de la société Colas Rail sur le chantier, en se référant à un document intitulé " état des wagons à la livraison et à la restitution " qui a été transmis à la société Colas Rail et signé par son représentant, elle ne fournit aucune précision sur la remise en état de ces wagons et sur les frais correspondants. La société Colas Rail est donc fondée à contester la retenue de 50 000 euros qui a été pratiquée pour ce motif dans le décompte général.

En ce qui concerne les préjudices d'exploitation :

45. Aux termes de l'article 58.1, " Dommages aux tiers ", du CCCG : " 58.11 Principes : L'entrepreneur supporte seul les conséquences pécuniaires des dommages de toute nature dans la réalisation desquels les travaux et prestations objet du marché seraient impliqués et qui pourraient être causés à des tiers, y compris ses sous-traitants et les autres entreprises intervenant sur le même chantier. / L'entrepreneur s'engage en conséquence à garantir, à raison des dommages visés à l'alinéa ci-avant, le maître de l'ouvrage, son mandataire, ses représentants et son personnel, contre tout recours qui pourrait être exercé à leur encontre de ce chef, à les indemniser de la totalité des préjudices résultant pour eux des faits susmentionnés et à renoncer à exercer contre eux, y compris leurs éventuels assureurs, toute action ou réclamation (...) ".

46. Il résulte du décompte général que SNCF Réseau a pratiqué une retenue de 97 000 euros en raison des préjudices qui lui auraient été causés par les restitutions tardives de voies par la société Colas Rail, qui auraient été à l'origine de nombreuses annulations de trains de voyageurs l'ayant contraint à recourir à des cars de substitution pour un coût de 20 000 euros, et à rembourser des billets aux voyageurs abonnés pour un montant de 2 000 euros, et auraient provoqué une baisse dans la fréquentation de la ligne entre Niort et Saintes représentant un manque-à-gagner de 75 000 euros. La société SNCF Réseau ne fournit toutefois aucune justification de ces préjudices. La société Colas Rail est donc fondée à contester la retenue totale de 97 000 euros qui a été pratiquée à ce titre dans le décompte général.

En ce qui concerne le préjudice " SNCFE et projet "

47. Il résulte du décompte général que SNCF Réseau a pratiqué une retenue de 11 432 284,21 euros, sous l'intitulé " SNCFE et projet ", afin, selon ses écritures, d'indemniser la mobilisation de ses propres moyens humains et matériels pour faire face aux difficultés rencontrées du fait de la désorganisation du chantier, aux conséquences d'un changement de méthodologie opéré par la société Colas Rail en cours de chantier, et à des problèmes d'hygiène et de sécurité qui ont entrainé un arrêt du chantier pendant une durée de plus de quinze jours. Toutefois, en se bornant à faire état de prestations de sécurité, pour lesquelles elle a eu recours aux services d'une filiale de la société Colas Rail, et à produire des listes de personnels qu'elle aurait mobilisés sur le chantier, la société SNCF Réseau n'établit pas la réalité des préjudices dont elle fait état. La société Colas Rail est donc fondée à contester la retenue qui a été pratiquée à ce titre dans le décompte général.

48. Il résulte de ce qui précède que la société Colas Rail est fondée à soutenir que les retenues mentionnées ci-dessus ont été pratiquées à tort.

Sur le solde du marché :

49. Il résulte de ce qui précède que le décompte du marché s'établit à 9 596 080,73 euros HT, compte tenu des travaux prévus au marché, représentant 7 807 758,12 euros HT, et des travaux supplémentaires représentant 1 788 322,61 euros HT, et que, compte tenu du montant des acomptes payés, soit 6 336 532,12 euros HT, le solde s'établit à 3 259 548,61 euros HT, soit 3 911 458,33 euros TTC, en faveur de la société Colas Rail. Compte tenu du montant des pénalités pour abandon de zones, soit 1 339 449,06 euros, la société SNCF Réseau doit être condamnée à verser à la société Colas Rail une somme de 2 572 009 euros TTC.

Sur les intérêts et la capitalisation :

50. Ainsi qu'il a été dit au point 10, le mémoire de réclamation de la société Colas Rail a été remis à SNCF Réseau, le 9 février 2018. Elle a donc droit aux intérêts au taux prévu par le bon de commande du 2 mars 2016, à compter du 9 avril 2018.

51. La société Colas Rail a demandé la capitalisation des intérêts dans sa demande enregistrée au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2018. A cette date, les intérêts n'étaient pas dus depuis une année. Ainsi, elle a seulement droit à la capitalisation des intérêts à compter du 9 avril 2019, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêt, ainsi qu'à chaque échéance annuelle suivant cette date.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

52. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1819674/3-3 du tribunal administratif de Paris du 13 avril 2021 est annulé.

Article 2 : La société SNCF Réseau est condamnée à verser à la société Colas Rail la somme de 2 572 009 euros TTC augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 9 avril 2018. Les intérêts échus à la date du 9 avril 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la société Colas Rail devant le tribunal administratif de Paris, de sa requête n° 21PA03299 et de ses conclusions présentées dans le cadre de l'instance n° 21PA03276, est rejeté.

Article 4 : Les conclusions reconventionnelles présentées par la société SNCF Réseau devant le tribunal administratif de Paris, et le surplus des conclusions de sa requête n° 21PA03276 et de ses conclusions présentées dans le cadre de l'instance n° 21PA03299, sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société SNCF Réseau et à la société Colas Rail.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre chargé des transports en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 21PA03276, 21PA03299


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03276
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Règlement des marchés. - Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : CABINET BOIVIN & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;21pa03276 ?
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