Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 août 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.
Par un jugement n° 2309839 du 6 octobre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis d'une part, de réexaminer la situation de M. E..., et d'autre part, de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de
non-admission dans le système d'information Schengen.
Procédure devant la cour :
I- Par une requête enregistrée le 25 octobre 2023 sous le n° 23PA04457, le préfet de la Seine-Saint-Denis, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 octobre 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- le juge de première instance a entaché le jugement contesté d'une erreur de droit en limitant l'annulation de l'arrêté en litige au défaut de production de cette décision par le préfet ;
- il appartenait au tribunal de solliciter la production de l'arrêté attaqué et à M. E... de joindre à sa requête cet arrêté ;
- c'est à tort que le juge de première instance a accueilli les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige ;
- aucun des moyens soulevés par M. E... en première instance n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2024, M. D... E..., représenté par Me Azogui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire est signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît l'article L. 611-1 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel elle est fondée dès lors qu'il avait déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et qu'aucune décision de refus de titre de séjour ne lui avait été notifié ;
- elle méconnaît l'article L.611-3, 9° du même code ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision de refus de délai de départ volontaire est signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du risque de fuite et de la menace à l'ordre public ;
- la décision d'interdiction de retour est signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
II- Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2023 sous le n° 23PA04458, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2309839 du 6 octobre 2023 du tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2024, M. D... E..., représenté par Me Azogui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet ne démontre pas que le jugement attaqué aurait des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire est signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît l'article L. 611-1 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel elle est fondée dès lors qu'il avait déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et qu'aucune décision de refus de titre de séjour ne lui avait été notifié ;
- elle méconnaît l'article L.611-3, 9° du même code ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision de refus de délai de départ volontaire est signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du risque de fuite et de la menace à l'ordre public ;
- la décision d'interdiction de retour est signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 21 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bruston a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées nos 23PA04457 et 23PA04458, présentées par le préfet de la Seine-Saint-Denis, tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement du 6 octobre 2023 du tribunal administratif de Montreuil et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
2. Par un arrêté du 14 août 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. E..., ressortissant tunisien né le 12 février 1984, à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. Le préfet de la
Seine-Saint-Denis fait régulièrement appel du jugement du 6 octobre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. E... et lui a ordonné de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Sur la requête n° 23PA04457 :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
3. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, le moyen tiré de ce que le juge de première instance a entaché le jugement contesté d'une erreur de droit en limitant l'annulation de l'arrêté attaqué au défaut de production de cette décision par le préfet, qui n'est pas susceptible d'être utilement soulevé devant le juge d'appel mais seulement devant le juge de cassation, doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
4. Aux termes de l'article R. 776-18 du code de justice administrative qui, en vertu de l'article R. 776-13-2 du même code, est applicable aux litiges relatifs aux décisions d'obligation de quitter le territoire français prises sur le fondement du 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions attaquées sont produites par l'administration ".
5. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué, produit pour la première fois en appel, que la mesure d'éloignement du territoire a été prise par le préfet de la Seine-Saint-Denis sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En application des dispositions précitées du code de justice administrative, il incombait à l'administration de produire cet arrêté par exception aux dispositions de l'article R. 412-1 du même code, contrairement à ce que soutient le préfet de la Seine-Saint-Denis. Or, le préfet de la
Seine-Saint-Denis n'a pas produit cet arrêté, ni même produit de mémoire en défense. Il n'a ainsi pas mis le juge de première instance à même de s'assurer que l'arrêté en litige avait été signé par une autorité compétente, ni qu'il était suffisamment motivé.
6. Toutefois, d'une part, l'arrêté en litige a été signé par M. A... C..., attaché d'administration de l'État, chef du pôle instruction et mise en œuvre des mesures d'éloignement qui disposait d'une délégation de signature accordée par un arrêté n° 2023-0538 du préfet de la Seine-Saint-Denis du 10 mars 2023, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour. D'autre part, l'arrêté attaqué qui vise les textes sur lesquels il se fonde et énonce les circonstances de fait relatives à la situation personnelle de l'intéressé, répond aux exigences de motivation posées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté en litige du 14 août 2023 aux motifs tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisance de motivation des décisions attaquées.
7. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif de Montreuil.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés devant le tribunal :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :
8. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. E... avant de prendre la décision attaquée.
9. En deuxième lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Selon l'article R. 432-2 de ce code : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R. 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois. (...) ".
10. M. E... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît l'article L. 611-1 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel elle est fondée dès lors qu'il a déposé des demandes de titres de séjour en qualité d'étranger malade et qu'aucune décision de refus de titre de séjour ne lui a été notifiée. Toutefois, s'il justifie avoir déposé des demandes de titres de séjour auprès de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, pour raisons médicales en 2015 et en 2021 et s'être vu délivrer deux récépissés de demande de titre de séjour valables du 16 mars 2021 au 5 janvier 2022, des décisions implicites de rejet de ces demandes sont, en tout état de cause, nées de l'absence de réponse expresse de l'administration suite à l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé le 11 janvier 2016 et à l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII le 29 avril 2021. M. E... ne justifiant pas d'une entrée régulière en France, le préfet de la Seine-Saint-Denis a ainsi pu légalement fonder la mesure d'éloignement litigieuse sur les dispositions précitées de l'article L. 611-1 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
12. Si M. E... fait valoir qu'il a été victime d'un grave accident de la circulation, le 25 janvier 2014, et qu'il est suivi depuis 2015 pour une affection chronique cardiovasculaire sévère ainsi que par le service des anticoagulants, le collège de médecins de l'OFII a estimé, dans son avis rendu le 29 avril 2021, que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Tunisie, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Ni les certificats médicaux du Dr B... des
24 janvier 2020 et 15 février 2021, rédigés dans les mêmes termes et faisant état d'une affection chronique dont le traitement nécessite un suivi régulier d'une durée indéterminée qui ne peut être dispensé dans des conditions optimales en Tunisie, ni le certificat médical du même médecin du 31 août 2023, faisant état d'un suivi depuis 2015 pour une affection chronique cardiovasculaire sévère nécessitant une prise en charge en milieu spécialisé, ne suffisent à contredire cet avis quant à la possibilité d'une prise en charge de l'affection dont souffre M. E... dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut, dès lors, qu'être écarté.
13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
14. M. E... fait valoir qu'il réside sur le territoire français depuis 2011, soit depuis douze années à la date de la décision contestée, qu'il est venu en France pour rejoindre son père et son frère, que son père est décédé en 2016 et que son frère est titulaire d'une carte de résident, et qu'ayant été victime d'un grave accident de la circulation, puisqu'il a été percuté par un bus, le 25 janvier 2014, il est suivi depuis 2015 pour une affection chronique cardiovasculaire sévère ainsi que par le service des anticoagulants. Toutefois, si la présence de l'intéressé sur le territoire est établie depuis l'année 2014, il ne justifie ni des liens qu'il entretient avec son frère, ni d'une insertion particulière dans la société française. En outre, il ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il peut bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé. Ainsi, en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ainsi que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de la Seine-Saint-Denis.
S'agissant de la décision de refus de délai de départ volontaire :
15. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. E... avant de prendre la décision attaquée.
16. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...). ". Aux termes de l'article L. 612-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Selon les dispositions de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".
17. Pour refuser d'accorder à M. E... un délai de départ volontaire, le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré qu'il existe un risque qu'il se soustraie à l'exécution de la mesure d'éloignement en ce que le comportement de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public, qu'il est dépourvu de document de voyage en cours de validité et s'il a déclaré un lieu de résidence il n'apporte pas la preuve d'y demeurer de manière stable et effective, que M. E... a déclaré vouloir rester en France et qu'il s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son récépissé de demande de carte de séjour sans en avoir demandé le renouvellement. Si M. E... conteste avoir eu un comportement contraire à l'ordre public, fait valoir qu'il dispose d'une résidence stable et effective chez son frère, et soutient qu'il dispose en outre d'un passeport en cours de validité, il ne conteste pas les autres circonstances qui justifient, à elles seules, la décision de refus de délai contestée, sans qu'y fasse obstacle le suivi médical dont il déclare faire l'objet.
S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :
18. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
19. D'une part, en indiquant que l'intéressé séjourne en France depuis 2011, qu'il ne justifie pas de l'ancienneté de liens personnels et familiaux en France, qu'il s'est soustrait comme indiqué supra à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, que le comportement de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public et que, célibataire et sans enfant, il ne peut justifier de l'absence d'attaches dans son pays, le préfet de la Seine-Saint-Denis a suffisamment motivé sa décision. En outre, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. E... avant de prendre la décision attaquée. D'autre part, pour les motifs énoncés au point 14, cette décision n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.
20. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Seine-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 14 août 2023 et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. E... et de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de
non-admission dans le système d'information Schengen. Il y a lieu en conséquence d'annuler ce jugement et de rejeter les conclusions de la demande de M. E... auxquelles il a été fait droit en première instance ainsi que ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la requête n° 23PA04458 :
21. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 23PA04457 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation dans son ensemble du jugement du 6 octobre 2023 du tribunal administratif de Montreuil, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23PA04458 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis sollicitait de la Cour le sursis à exécution de ce jugement. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par M. E... relative aux frais liés à cette instance.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23PA04458 du préfet de la
Seine-Saint-Denis.
Article 2 : Le jugement n° 2309839 du 6 octobre 2023 du magistrat désigné du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur et
des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Bruston, présidente,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2024.
La présidente-rapporteure,
S. BRUSTON
L'assesseur le plus ancien,
P. MANTZ La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Nos 23PA04457 - 23PA04458 2