Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 24 avril 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.
Par un jugement n° n°2312301/8 du 18 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2023, Mme B..., représentée par Me Visccher, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 24 avril 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle entachée d'une erreur de droit car le préfet n'a pas examiné sa demande au regard des stipulations de l'article 42 de l'accord franco-sénégalais ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qu'elle assortit ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... sont infondés.
Par une décision du 30 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- et les observations de Me Visscher pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante sénégalaise, née le 14 septembre 1991 et entrée en France le 22 février 2015 selon ses déclarations, a sollicité, le 16 août 2022, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 42 de l'accord franco-sénégalais et sur celui des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 avril 2023, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 18 octobre 2023, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, par un arrêté n° 2023-00059 du 23 janvier 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris le même jour, le préfet de police a donné délégation à Mme Véronique De Matos, secrétaire administrative, placée sous l'autorité de Mme D... C..., pour signer tous arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions, en cas d'absence ou d'empêchement des autres délégataires, sans qu'il ressorte des pièces du dossier que ces derniers n'aient pas été absents ou empêchés lorsqu'elle a signé l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de son signataire doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué mentionne les circonstances de fait et de droit sur lesquelles le préfet de police s'est fondé pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme B.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
4. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de police s'est notamment fondé sur les stipulations de l'accord franco sénégalais du 23 septembre 2006 pour examiner la demande de la requérante. Le moyen tiré de l'erreur de droit du fait que le préfet de police ne se serait pas fondé sur ledit accord ne peut donc qu'être écarté.
5. En quatrième lieu, les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 435-1 et de ses annexes. Si le préfet de police a estimé à tort que le métier d'intervenante auprès d'enfants, exercé à titre bénévole depuis 2018 par Mme B... et pour lequel elle dispose d'une promesse d'embauche, n'apparaît pas listé à l'annexe n° IV, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision de refus s'il n'avait pas commis cette erreur.
6. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le premier alinéa dispose que : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
7. Mme B... se prévaut de son insertion professionnelle, en ce que, d'une part, elle a, depuis 2018, exercé bénévolement une activité en tant qu'intervenante auprès d'enfants pour l'association Alliance Vie Bois Colombes- Dépendance et Handicap et, d'autre part, qu'elle a été embauchée en qualité d'assistante de vie depuis le10 mars 2021 par la société " Alliance Vie ", et que, d'autre part, la structure " réseau des organisations de solidarité internationale " projette de l'embaucher, dans le cadre d'un contrat de travail, établi le 10 août 2022. Si ces circonstances témoignent effectivement d'une volonté d'intégration professionnelle, son activité salariée, d'une durée de deux ans, ne saurait être regardée, du fait de sa brièveté, comme constitutive d'un motif exceptionnel. La circonstance que le métier d'intervenante auprès d'enfants figure à l'annexe n° IV n'ouvre aucun droit au séjour dans le cadre de l'admission exceptionnelle. Ces seules circonstances ne suffisent donc pas à établir que le préfet de police aurait commis une erreur manifestation d'appréciation en estimant que la situation de la requérante ne relevait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens et pour l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de celle portant refus de titre de séjour.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Si Mme B... se prévaut de ce qu'elle vit en France depuis plus de six ans et de sa relation avec un ressortissant français, duquel elle est enceinte à la date de l'arrêté attaqué, il ressort des pièces du dossier, et notamment de " la fiche de salle ", qu'à la date du dépôt de sa demande, elle se présente comme célibataire et sans charge de famille. En tout état de cause, les éléments produits au soutien de ses conclusions ne permettent pas de démontrer la réalité et la stabilité d'une vie privée et familiale entre elle et son compagnon, le couple, qui n'habite pas à la même adresse, ne justifiant d'ailleurs pas partager de vie commune. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et du caractère très récent de la constitution de son couple avec un ressortissant français, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que, en prenant l'arrêté attaqué, le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant outre qu'il est constant qu'elle était seulement enceinte à la date de l'arrêté attaqué.
Sur la décision portant fixation du pays de destination :
12. Compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant sa demande de titre de séjour.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1 : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2024.
Le rapporteur,
D. PAGES
La présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04982