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05/07/2024 | FRANCE | N°23PA02990

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 05 juillet 2024, 23PA02990


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. G... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 6 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2209523 du 7 juin 2023, le tribunal administratif d

e Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 6 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2209523 du 7 juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2023, M. D..., représenté par Me Lantheaume, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 juin 2023 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté du 6 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que les fac-similés des signatures des médecins du collège de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'offrent pas suffisamment de garanties d'authenticité ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration en ce que le préfet aurait dû l'informer de la prétendue incomplétude de son dossier ;

- le moyen tiré de la violation de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été examiné par le tribunal ;

- le préfet a méconnu l'article L. 421 précité dès lors qu'il aurait dû transmettre la demande d'autorisation de travail aux autorités en charge de l'instruction de ce type de demande ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par ordonnance du 12 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 octobre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mantz, rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant malien né le 1er janvier 1988, entré en France en 2017 selon ses déclarations, a bénéficié d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", valable du 2 décembre 2020 au 1er décembre 2021, dont il a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 6 mai 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. D... relève appel du jugement du 7 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. D... avait soulevé, dans son mémoire complémentaire du 24 mars 2023, le moyen tiré de la violation de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le tribunal n'a pas visé ce moyen et n'y a pas répondu dans ses motifs, alors qu'il n'était pas inopérant, entachant ainsi son jugement d'irrégularité. Ce jugement doit, par suite, être annulé.

3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 6 mai 2022 :

En ce qui concerne le moyen commun aux différentes décisions attaquées :

4. L'arrêté contesté portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans comporte les considérations de droit et de fait qui fondent ces cinq décisions, lesquelles sont, par suite, suffisamment motivées, alors même que cet arrêté ne mentionne pas l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de M. D....

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

5. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical (...) est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...). / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : / a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

6. En premier lieu, la motivation de la décision de refus de séjour telle que mentionnée au point 4 ne révèle aucun défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. D....

7. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. D..., en faisant référence à l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII, le préfet, qui ne s'est pas cru lié par cet avis, doit être regardé comme s'en étant approprié les motifs. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet se serait cru, à tort, en situation de compétence liée, doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 1367 du code civil : " La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. / Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ".

9. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du 14 décembre 2021 du collège de médecins de l'OFII, qui a été produit par le préfet, a été émis au vu d'un rapport médical établi le 30 novembre 2021 par un médecin de l'Office, le docteur E... A.... En outre, cet avis comporte la mention des noms et prénoms des trois médecins qui l'ont rendu, ainsi que leurs signatures. A cet égard, si M. D... soutient que les signatures électroniques figurant sur l'avis du collège des médecins de l'OFII n'auraient pas été apposées régulièrement, cet avis ne constitue pas une décision administrative, au sens des dispositions précitées de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, lequel renvoie à l'ordonnance du 8 décembre 2005, et n'a donc pas à satisfaire aux exigences qui en découlent. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de supposer que les signatures apposées au bas de l'avis litigieux constitueraient des signatures électroniques ou ne seraient pas celles des trois médecins composant le collège de médecins de l'OFII, dont l'avis précise l'identité. M. D... ne peut dès lors davantage se prévaloir ni de l'article 1367 du code civil ni du décret du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique ni même du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE.

10. En quatrième lieu, s'il résulte des dispositions citées au point 5 que l'avis commun rendu par trois médecins au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci, les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. La circonstance qu'en l'espèce, ces réponses n'auraient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est donc sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. Dans ces conditions, M. D... ne peut utilement soutenir que le préfet n'apporterait pas la preuve de la collégialité de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII le 14 décembre 2021. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige portant refus de titre de séjour aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.

11. En cinquième lieu, pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

12. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par un avis du 14 décembre 2021, a considéré que l'état de santé de M. D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, son état de santé pouvant lui permettre en outre de voyager sans risque vers ce pays.

13. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui déclare être entré en France en 2017, souffre d'une hépatique virale B chronique réplicative et a été, en raison de sa pathologie, titulaire d'un titre de séjour valable du 2 décembre 2020 au 1er décembre 2021. Il ressort des certificats du professeur B..., attaché au service d'hépatologie de l'hôpital Avicenne à Bobigny, notamment ceux des 20 mai 2022, 9 septembre 2022 et 30 juin 2023, postérieurs à la décision attaquée mais de nature à révéler une situation antérieure ou concomitante à celle-ci, ainsi que des ordonnances médicales produites, que l'état de santé de M. D... est traité par la prise quotidienne d'Entécavir et qu'il fait l'objet d'une surveillance régulière avec bilan biologique et échographie abdominale à réaliser tous les six mois, en raison du risque de cancer du foie. Si M. D... produit un certificat du docteur C..., son médecin traitant au Mali, en date du 23 juin 2022, et un courrier électronique du laboratoire Biogaran adressé à son conseil, daté du 16 juin 2023, mentionnant que l'Entécavir n'est pas commercialisé au Mali, il ne soutient toutefois ni même n'allègue que des médicaments génériques ne seraient pas disponibles dans ce pays et qu'il ne pourrait y bénéficier du suivi approprié à sa pathologie. Par suite, les certificats produits par M. D... ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège des médecins de l'OFII selon laquelle l'intéressé pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur (...) ". Aux termes de l'article L. 421-1 du même code : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail (...) ".

15. Pour refuser de délivrer à M. D... un titre de séjour mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'intéressé, le préfet s'est notamment fondé, d'une part, sur le motif que l'intéressé ne présentait qu'une promesse d'embauche " partiellement remplie ". En opposant un tel motif, le préfet n'a pas entendu opposer au requérant le caractère incomplet de son dossier de demande de titre de séjour, mais constater qu'il ne détenait pas une autorisation de travail à la date de l'arrêté en litige, qui est une des conditions pour obtenir un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû l'inviter à régulariser sa demande sur le fondement de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, avant de la rejeter, doit être écarté. D'autre part, si le préfet a examiné la demande de titre de séjour de M. D... sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne résulte pas des pièces du dossier que M. D..., qui ne soutient ni même n'allègue avoir présenté sa demande de titre de séjour sur ce fondement, aurait transmis au préfet la demande d'autorisation de travail pour conclure un contrat de travail avec un salarié étranger, signée par l'employeur, qu'il produit au contentieux. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à opposer au préfet qu'il n'aurait pas transmis sa demande aux autorités en charge de l'instruction des demandes d'autorisation de travail. Par suite et en l'absence d'une telle autorisation de travail délivré par les autorités compétentes, le préfet a pu légalement rejeter l'admission au séjour du requérant sur ce fondement.

16. En septième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".

17. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des motifs exceptionnels exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, peuvent constituer des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

18. M. D... fait valoir qu'il réside en France depuis 2017 et qu'il travaille depuis 2018 en qualité d'employé polyvalent pour une société de négoce de meubles, d'abord sous couvert de plusieurs contrats à durée déterminée puis, à compter du 10 décembre 2021, sous couvert d'un contrat à durée indéterminée. Toutefois et à supposer même que M. D... réside en France de manière continue depuis 2017, il ne justifie pas d'une qualification professionnelle particulière ou spécifique de nature à le faire regarder comme justifiant de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 précité. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il remplirait les conditions pour bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour doit être écarté.

19. Enfin, si M. D... soutient que le centre de ses attaches se situe sur le territoire français depuis 2017, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire sans charges de famille en France et il ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusque l'âge de 31 ans. Il ne justifie en outre pas, compte tenu de ce qui a été dit au point 18, d'une insertion particulière sur le territoire français. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment du caractère relativement récent de son entrée en France, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés, ainsi que, pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision attaquée.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

20. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. D... à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée.

21. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 13, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

22. En troisième lieu, M. D... ne peut utilement invoquer le moyen tiré de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, qui ne fixe par elle-même aucun pays de destination.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

23. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

24. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de ces décisions invoquée par M. D... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de refus de délai de départ volontaire ne peut qu'être écartée.

25. En second lieu, la décision portant refus de délai de départ volontaire est suffisamment motivée, outre ce qui a été dit au point 4, par l'existence d'un risque de soustraction à la mesure d'éloignement qui frappe l'intéressé, lequel s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, cas prévu au 5° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

26. En troisième lieu, il ressort de l'examen de l'arrêté que pour refuser un délai de départ volontaire à M. D... sur le fondement du 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet lui a opposé la circonstance qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise par le préfet de la Haute-Savoie le 10 mars 2018, mesure dont l'intéressé ne conteste pas avoir fait l'objet. Par suite, le préfet a pu légalement prendre à son encontre une décision de refus de délai de départ volontaire sur le fondement du 5° de l'article L. 612-3 du même code, sans que l'intéressé puisse utilement se prévaloir des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

27. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant à M. D... un délai de départ volontaire, le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

28. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Et aux termes de l'article L. 721-4 de ce code : (...) " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

29. En premier lieu, les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. D... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écartée.

30. En second lieu, M. D... soutient que son retour au Mali l'exposerait à un risque de traitements inhumains et dégradants compte tenu de l'impossibilité pour lui de s'y faire soigner. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit au point 13 du présent arrêt, l'intéressé n'établit pas qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions qui précèdent doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

31. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

32. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et la décision de refus d'un délai de départ volontaire ayant été écartés, l'exception d'illégalité de ces décisions invoquée par M. D... à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français ne peut qu'être écartée.

33. En deuxième lieu, la motivation de l'arrêté attaqué ne révèle aucun défaut d'examen de la situation personnelle et familiale de M. D... relativement à la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

34. En troisième lieu, M. D... ne se prévaut d'aucune circonstance humanitaire. En outre, il ne justifiait pas à la date de la décision attaquée d'une durée de présence en France significative, alors qu'il est célibataire et sans charge de famille en France. Par suite, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation de M. D... rappelée au point 19, en fixant à deux ans la durée de son interdiction de retour sur le territoire français, le préfet n'a ni fait une inexacte application des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis une erreur manifeste d'appréciation.

35. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 19, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

36. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions de M. D... à fin d'annulation de l'arrêté du 6 mai 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2209523 du 7 juin 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande de M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. D... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Bruston, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2024.

Le rapporteur,

P. MANTZLa présidente,

S. BRUSTON

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA02990 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02990
Date de la décision : 05/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : LANTHEAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-05;23pa02990 ?
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