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02/07/2024 | FRANCE | N°24PA02126

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 02 juillet 2024, 24PA02126


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.



Par une ordonnance n° 2400085 du 5 février 2024, le président de la 6ème chambre du tribunal administ

ratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.

Par une ordonnance n° 2400085 du 5 février 2024, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2024, M. B..., représenté par Me Chartier, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Montreuil ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 400 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité dès lors que le premier juge s'est fondé, pour rejeter sa demande comme tardive, sur des pièces communiquées par le préfet, qui n'ont pas été soumises au débat contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Par une décision du 3 avril 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (55%).

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant camerounais, né le 1er juin 1983 et entré en France, selon ses déclarations, en 1996, fait appel de l'ordonnance du 5 février 2024 par lequel le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté, comme tardive, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis l'obligeant à quitter le territoire français, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 222-1 du même code : " Les (...) présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure (...) ". Aux termes du II de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour (...) notifiées simultanément (...) ". Aux termes de l'article R. 776-18 du même code, applicable au présent litige en vertu des dispositions des articles R. 776-13-1 et R. 776-13-2 de ce code : " (...) Les décisions attaquées sont produites par l'administration ".

5. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Montreuil que, saisi, le 3 janvier 2024 à 16h49, de la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis, le tribunal administratif, par un courrier du 19 janvier 2024, a demandé au préfet, à qui il incombait de produire les décisions attaquées, de communiquer cet arrêté. Le 22 janvier 2024, le préfet a produit cet arrêté ainsi que le procès-verbal de notification des décisions en litige, indiquant une notification le 29 décembre 2023 à 17h05. Par une ordonnance du 5 février 2024, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a, sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté la demande de M. B... comme tardive.

6. Si l'instruction ainsi conduite ne faisait pas obstacle à ce que le premier juge fît usage des pouvoirs qui lui sont attribués par les dispositions citées au point 3, il lui appartenait au préalable de communiquer à M. B... les pièces versées par le préfet avec un délai raisonnable pour produire ses observations avant de statuer le cas échéant, à l'expiration de ce délai, par ordonnance. M. B... est, par suite, fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée par laquelle le premier juge, en se fondant sur ces pièces qui n'ont pas été soumises au préalable au débat contradictoire, a rejeté comme tardive sa demande, a été rendue en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure. Cette ordonnance est, dès lors, entachée d'irrégularité et doit donc être annulée.

7. M. B... n'ayant pas repris devant la Cour ses conclusions sur le fond, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Montreuil pour qu'il statue de nouveau sur sa demande.

8. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2400085 du 5 février 2024 du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Montreuil est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Montreuil.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,

L. d'ARGENLIEU

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA02126


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02126
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;24pa02126 ?
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