Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 2 novembre 2023 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer lui a refusé l'entrée en France au titre de l'asile.
Par un jugement n° 2325301 du 10 novembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2023, Mme B..., représentée par Me Meurou, demande à la Cour :
1°) de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de l'admettre sur le territoire français et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, représenté par la Scp Saidji et Moreau, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen soulevé par Mme B... n'est pas fondé.
Par une décision du 16 janvier 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 10 avril 2024, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 14 mai 2024 à 12h00.
Par une décision en date du 1er septembre 2023, la présidente de la Cour administrative d'appel de Paris a désigné M. d'Haëm, président assesseur à la 6ème chambre, pour statuer, en application des dispositions de l'article L. 352-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur les requêtes d'appel relatives au contentieux des refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm, rapporteur,
- et les observations de Me Ben Hamouda, avocate du ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., qui se déclare ressortissante somalienne, née le 10 août 1993 et arrivée, le 27 octobre 2023, à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle par un vol en provenance de Casablanca, a demandé, le 28 octobre 2023, le bénéfice de l'asile. Par une décision du 2 novembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a, au vu d'un avis du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du même jour, refusé son entrée en France au titre de l'asile et a ordonné son réacheminement vers le Maroc ou vers tout pays où elle sera légalement admissible. Mme B... fait appel du jugement du 10 novembre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 16 janvier 2024 susvisée, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a statué sur la demande de Mme B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise que dans les cas suivants : / (...) 3° La demande d'asile est manifestement infondée. / Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves ". Aux termes de l'article L. 352-2 du même code : " Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui rend son avis dans un délai fixé par voie réglementaire et dans le respect des garanties procédurales prévues au titre III du livre V. L'office tient compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile (...) ".
4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre chargé de l'immigration peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant à la frontière du territoire national lorsque ses déclarations, et les documents qu'il produit à leur appui, sont sans pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou, du fait notamment de leur caractère inconsistant ou trop général, incohérent ou très peu plausible, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les craintes de persécutions ou d'atteintes graves alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er, A, 2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ou de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à la protection subsidiaire.
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande d'asile, Mme B... a fait valoir que, de nationalité somalienne, originaire d'un village près de Saakow et d'appartenance communautaire Rahanweyn, elle a été informée en juillet 2023 par son oncle paternel d'un projet de la marier à un membre de la milice Al-Shabab. Soutenue par sa mère, elle s'est opposée à ce projet. Le 13 juillet 2023, son oncle est entré chez elle, a tué sa mère et l'a agressée physiquement en lui versant de l'eau bouillante sur le corps et en la frappant. Elle a ensuite été recueillie par sa sœur, qui a vendu un terrain pour financer son départ. Le mari de sa sœur l'a accompagnée en Ethiopie et, à son retour, a été tué en représailles. Elle est arrivée en France le 27 octobre 2023.
6. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et, notamment du compte-rendu de l'entretien du 2 novembre 2023 ainsi que de ses écritures en première instance et en appel que Mme B... a tenu des propos inconsistants sur son identité, en particulier en déclarant, lors de l'entretien, s'appeler en réalité Issack Jamila Adan, sa nationalité ou ses nationalités, sa situation familiale ou encore son parcours depuis son pays d'origine allégués. De même, elle a fait montre d'une méconnaissance manifeste de sa provenance géographique alléguée, en indiquant, en particulier, que Saakow était près de Baidoa, localité pourtant située à plus de 300 kilomètres, des caractéristiques de son clan ou encore de la situation sécuritaire prévalant dans sa région d'origine. En tout état de cause, pas plus en appel qu'en première instance, elle ne conteste ou n'apporte d'éléments probants infirmant le fait qu'elle s'est présentée à la frontière munie d'un passeport kenyan, au nom de A... C... B..., né le 10 août 1993 à Wajir, au Kenya, document de voyage considéré comme authentique par les services de la police aux frontières, ce qui jette un doute sérieux sur la véracité de l'ensemble de ses allégations. Par ailleurs, elle n'a livré que des indications élusives ou inconsistantes sur la manière dont elle aurait été informée du projet de son oncle paternel de la marier à un membre de la milice Al-Shabab, sur le contexte ou les motifs d'un tel projet ou sur les liens qui lieraient son oncle à cet homme. En outre, elle n'a présenté aucun développement un tant soit peu précis et crédible sur l'opposition à ce projet qu'aurait manifestée sa mère, sur les raisons pour lesquelles celle-ci aurait été tuée ou encore sur les soins dont elle-même aurait bénéficié après sa propre agression. Enfin, elle n'a fourni aucun commencement d'explication sérieuse sur l'organisation et les modalités de son départ pour gagner, selon ses dires, l'Ethiopie, ou de son voyage jusqu'en France, ni sur la manière dont elle aurait été informée de l'assassinat du mari de sa sœur qui l'aurait accompagnée jusqu'en Ethiopie.
7. Il suit de là qu'en estimant, par sa décision du 2 novembre 2023, que la demande d'asile de Mme B... était manifestement infondée et en refusant en conséquence son entrée sur le territoire français au titre de l'asile, le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 352-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de Mme B... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
Le magistrat désigné,
R. d'HAËMLa greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04958