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02/07/2024 | FRANCE | N°23PA03837

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, Juge unique, 02 juillet 2024, 23PA03837


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 août 2023 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer lui a refusé l'entrée en France au titre de l'asile.



Par un jugement n° 2319613 du 25 août 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



I. Par une requête, enregistrée

le 25 août 2023 sous le n° 23PA03837, Mme B... A..., représentée par Me Carillo Cruz, demande à la Cour :



1°) de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 août 2023 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer lui a refusé l'entrée en France au titre de l'asile.

Par un jugement n° 2319613 du 25 août 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 25 août 2023 sous le n° 23PA03837, Mme B... A..., représentée par Me Carillo Cruz, demande à la Cour :

1°) de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réexaminer sa demande.

Elle soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa demande d'asile n'apparaît pas manifestement infondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, représenté par la Selarl Centaure Avocats, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... A... ne sont pas fondés.

Par une décision du 4 octobre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, Mme B... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête, enregistrée le 25 août 2023 sous le n° 23PA03838, Mme B... A..., représentée par Me Carillo Cruz, demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement attaqué.

Elle soutient que les conditions prévues à l'article R. 811-17 du code de justice administrative sont remplies dès lors que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et que les moyens énoncés dans sa requête n° 23PA03837 paraissent sérieux en l'état de l'instruction.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, représenté par la Selarl Centaure Avocats, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les conditions prévues à l'article R. 811-17 du code de justice administrative ne sont pas remplies.

Par une décision en date du 1er septembre 2023, la présidente de la Cour administrative d'appel de Paris a désigné M. d'Haëm, président assesseur à la 6ème chambre, pour statuer, en application des dispositions de l'article L. 352-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur les requêtes d'appel relatives au contentieux des refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, rapporteur,

- et les observations de Me Doucet, avocate du ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes susvisées n° 23PA03837 et n° 23PA03838, présentées par Mme B... A..., sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

2. Mme B... A..., ressortissante de la République dominicaine, née le 14 mai 1997 et arrivée, le 15 août 2023, à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle par un vol en provenance d'Istanbul, a demandé, le 19 août 2023, le bénéfice de l'asile. Par une décision du 21 août 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a, au vu d'un avis du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du même jour, refusé son entrée en France au titre de l'asile et a ordonné son réacheminement vers la Turquie ou vers tout pays où elle sera légalement admissible. Mme B... A... fait appel du jugement du 25 août 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la requête n° 23PA03837 :

En ce qui concerne la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

3. Par une décision susvisée du 4 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a statué sur la demande de Mme B... A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise que dans les cas suivants : / (...) 3° La demande d'asile est manifestement infondée. / Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves ". Aux termes de l'article L. 352-2 du même code : " Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui rend son avis dans un délai fixé par voie réglementaire et dans le respect des garanties procédurales prévues au titre III du livre V. L'office tient compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile (...) ".

5. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre chargé de l'immigration peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant à la frontière du territoire national lorsque ses déclarations, et les documents qu'il produit à leur appui, sont sans pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou, du fait notamment de leur caractère inconsistant ou trop général, incohérent ou très peu plausible, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les craintes de persécutions ou d'atteintes graves alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er, A, 2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ou de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à la protection subsidiaire.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande d'asile, Mme B... A... a fait valoir qu'originaire de Los Rios, elle vivait à Saint-Domingue lorsqu'elle a entamé, en 2021, une relation amoureuse avec un homme, qui travaillait dans la police, en dépit de l'opposition de ses proches. Après cinq mois, celui-ci a commencé à se montrer jaloux et violent à son égard. Alors qu'elle vivait avec lui, son compagnon a mis en place un dispositif de GPS et d'écoute sur son téléphone lui permettant de savoir où elle était et ce qu'elle faisait. Il lui a interdit de sortir et contrôlait tout ce qu'elle faisait. Lorsqu'elle rendait visite, en son absence, à sa famille et à ses amis, il la menaçait de mort, à son retour, et s'en prenait physiquement à elle. Lorsqu'il a commencé à s'en prendre à son entourage et craignant pour sa vie, elle s'est séparée de son téléphone et l'a quitté. Elle a ensuite vécu cachée pendant un an, d'abord chez une amie, puis chez un nouveau compagnon. Durant cette période, elle a reçu régulièrement des menaces de la part de son ex-compagnon, à l'instar des personnes qui l'ont hébergée. Craignant pour sa sécurité, elle a quitté son pays au mois d'août 2023 pour gagner l'Equateur, puis le Panama et la Turquie, avant d'arriver en France le 15 août 2023.

7. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et, notamment, du compte rendu de l'entretien du 21 août 2023 ainsi que de ses écritures en première instance et en appel que Mme B... A... a tenu des propos particulièrement sommaires ou évasifs, voire inconsistants ou convenus sur les circonstances de sa rencontre avec son ex-compagnon, sur la personnalité ou le profil de cet individu, sur les fonctions qu'il aurait exercées dans la police ou encore sur les raisons pour lesquelles ses proches se seraient opposés à cette relation ou sur les motifs pour lesquels elle n'aurait pas tenu compte de leur opposition. De même, elle n'a livré aucune précision tangible sur l'évolution ou la dégradation de leur relation ou sur les raisons pour lesquelles son compagnon aurait changé d'attitude à son égard après cinq mois de relation. De plus, les circonstances selon lesquelles cet individu aurait mis en place un dispositif de GPS et d'écoute sur son téléphone lui permettant de la surveiller et la manière dont elle l'aurait découvert sont apparus très peu vraisemblables. Elle n'a fourni également que des indications élusives ou tout aussi inconsistantes sur les circonstances de leur séparation. En outre, elle n'a apporté aucun commencement d'explication sérieuse sur ses conditions d'existence durant une année et son quotidien chez une amie, puis chez un nouveau compagnon. Par ailleurs, elle n'a présenté aucun développement un tant soit peu précis et crédible sur la manière dont son ex-compagnon aurait pu, durant cette période, la localiser et la menacer, ainsi que les membres de son entourage, ni sur les raisons pour lesquelles elle n'aurait pu effectuer aucune démarche auprès des autorités de son pays, ni sur l'organisation et les modalités de son départ de son pays dans un tel contexte allégué. Enfin, les documents produits et présentés comme étant deux photographies de son ex-compagnon et de sa voiture ainsi que quelques messages " SMS ", entre elle et son ex-compagnon, ne revêtent aucune valeur probante, en l'absence de tout développement un tant soit peu précis et crédible sur les faits allégués dans des termes très peu spontanés et convenus, tandis que la documentation générale produite sur les violences commises par la police dominicaine ne saurait suffire, à elle seule, à corroborer les déclarations sommaires et très peu crédibles de l'intéressée.

8. Il suit de là qu'en estimant, par sa décision du 21 août 2023, que la demande d'asile de Mme B... A... était manifestement infondée et en refusant en conséquence son entrée sur le territoire français au titre de l'asile, le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'a entaché cette décision d'aucune erreur de droit, ni fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 352-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la requête n° 23PA03838 :

10. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 23PA03837 de Mme B... A... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 23PA03838 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de Mme B... A... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus de la requête n° 23PA03837 de Mme B... A... est rejeté.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23PA03838 de Mme B... A....

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

Le magistrat désigné,

R. d'HAËMLa greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 23PA03837-23PA03838


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : Juge unique
Numéro d'arrêt : 23PA03837
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : SELARL CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23pa03837 ?
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