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02/07/2024 | FRANCE | N°23PA02610

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 02 juillet 2024, 23PA02610


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A...... A... a demandé au tribunal administratif de Paris :

- sous le n° 2118533, d'annuler l'arrêté du 5 juin 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français ;

- sous le n° 2200248, d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a fixé la Fédération de Russie comme pays de renvoi ;

- sous le n° 2209004, d'annuler l'arrêté du 17 février 2022 par lequel

le ministre de l'intérieur l'a assigné à résidence.



C... un jugement nos 2118533-2200248-2209004 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...... A... a demandé au tribunal administratif de Paris :

- sous le n° 2118533, d'annuler l'arrêté du 5 juin 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français ;

- sous le n° 2200248, d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a fixé la Fédération de Russie comme pays de renvoi ;

- sous le n° 2209004, d'annuler l'arrêté du 17 février 2022 par lequel le ministre de l'intérieur l'a assigné à résidence.

C... un jugement nos 2118533-2200248-2209004 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé l'arrêté du 6 décembre 2021 du ministre de l'intérieur ainsi que son arrêté du 17 février 2022 en tant qu'il oblige M. A....., au titre de son assignation à résidence, à se présenter à l'hôtel de police de Grenoble plus de deux fois par jour et a enjoint au ministre de réexaminer, dans un délai d'un mois, la fréquence quotidienne des présentations de l'intéressé, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions des demandes de M. A......

Procédure devant la Cour :

I. C... une requête, un mémoire et des pièces, enregistrés le 13 juin 2023, le 29 décembre 2023 et le 2 janvier 2024, M. A....., représenté Me S..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions à fin d'annulation ;

3°) d'annuler l'arrêté du 5 juin 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français ;

4°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2022 par lequel le ministre de l'intérieur l'a assigné à résidence ou, à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté en tant qu'il l'oblige à résider dans un périmètre restreint, à se présenter trois fois par jour à l'hôtel de police, y compris les week-ends et jours fériés, et à demeurer tous les jours, de 21 heures à 7 heures, à son domicile ;

5°) à titre subsidiaire, d'abroger ces deux arrêtés ;

6°) d'enjoindre à l'administration de l'autoriser à travailler et au ministre l'intérieur de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 jours par jour de retard, et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans le cas d'un refus du bénéfice de l'aide juridictionnelle, à lui verser au titre de cet article L. 761-1.

Il soutient que :

- la décision d'expulsion attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreurs de fait et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 1° de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa présence en France ne constitue pas une menace grave pour l'ordre public et que son comportement n'est pas lié à des activités à caractère terroriste ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 632-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 1er du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que son expulsion en urgence absolue n'est pas justifiée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision d'expulsion attaquée est devenue illégale, compte tenu des éléments de fait survenus postérieurement à son édiction ;

- la décision d'assignation à résidence attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- cette décision en tant qu'il l'oblige à résider dans un périmètre restreint méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- cette décision en tant qu'elle prévoit une obligation de présentations quotidiennes méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- cette décision en tant qu'elle l'oblige à demeurer à son domicile tous les jours de 21 heures à 7 heures méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- cette décision est devenue illégale, compte tenu des éléments de fait survenus postérieurement à son édiction.

C... un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions à fin d'abrogation de l'arrêté d'expulsion et de l'arrêté d'assignation à résidence, présentées par M. A..... dans le cadre d'un litige portant sur l'annulation de cette mesure d'expulsion et non sur un éventuel refus d'abrogation, sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. A..... ne sont pas fondés.

C... une ordonnance du 2 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 février 2024 à 12h00.

II. C... une requête, un mémoire et des pièces, enregistrés le 13 juin 2023, le 29 décembre 2023 et le 2 janvier 2024, M. A....., représenté Me S..., demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à l'exécution du jugement attaqué en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions à fin d'annulation ;

2°) d'enjoindre au ministre l'intérieur de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 jours par jour de retard, et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans le cas d'un refus du bénéfice de l'aide juridictionnelle, à lui verser au titre de cet article L. 761-1.

Il soutient que les conditions prévues à l'article R. 811-17 du code de justice administrative sont remplies dès lors que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables et que les moyens énoncés dans sa requête au fond paraissent sérieux en l'état de l'instruction.

C... un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions à fin de sursis à exécution d'un jugement de rejet sont irrecevables ;

- à titre subsidiaire, les conditions prévues à l'article R. 811-17 du code de justice administrative ne sont pas remplies dès lors que le jugement attaqué n'entraîne aucune conséquence difficilement réparable et que les moyens énoncés dans la requête au fond de l'intéressé ne paraissent pas sérieux.

C... une ordonnance du 2 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 février 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- et les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 23PA02610 et n° 23PA02611 susvisées, présentées par M. A....., sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

2. M. A....., ressortissant russe, né le 22 août 1999 et entré en France le 1er novembre 2007, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié en application du principe de l'unité de famille, sa mère ayant été reconnue réfugiée le 9 avril 2008. C... une décision du 2 avril 2019, confirmée par une décision du 17 février 2020 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin au statut de réfugié de M. A..... sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et devenu le 1° de l'article L. 511-7 du même code. C... un arrêté du 5 juin 2021, le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 631-3 de ce code et en urgence absolue. C... un arrêté du 6 décembre 2021, le ministre a fixé la Fédération de Russie comme pays de renvoi. C... un arrêté du 17 février 2022, l'autorité ministérielle a astreint l'intéressé à résider dans le département de l'Isère, dans les limites de la commune de Grenoble, à se présenter trois fois par jour à l'hôtel de police de Grenoble, y compris les dimanches et jours fériés, et à demeurer à son domicile tous les jours de 21 heures à 7 heures. C... un jugement du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Paris, saisi par M. A....., a annulé l'arrêté du 6 décembre 2021 ainsi que l'arrêté du 17 février 2022 en tant qu'il l'oblige à se présenter à l'hôtel de police plus de deux fois par jour, a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer, dans un délai d'un mois, la fréquence de ces présentations quotidiennes et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. M. A..... fait appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions à fin d'annulation.

Sur la requête n° 23PA02610 :

En ce qui concerne la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".

4. M. A....., déjà représenté par un avocat, ne justifie pas du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle et n'a pas joint à sa requête une telle demande. Aucune urgence ne justifie que soit prononcée, en application des dispositions précitées, son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant de la décision d'expulsion du 5 juin 2021 :

5. En premier lieu, la décision contestée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent cette mesure d'expulsion, est, par suite, suffisamment motivée.

6. En deuxième lieu, il ne ressort ni de cette motivation, ni d'aucune autre pièce du dossier que le ministre de l'intérieur aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de M. A..... avant de prononcer son expulsion du territoire français. C... suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée la décision en litige doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3 ". Aux termes de l'article L. 631-3 du même code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ". Aucun texte, ni aucun principe ne s'oppose à ce que les " notes blanches " produites par le ministre de l'intérieur et versées au débat contradictoire, dès lors que les faits qu'elles relatent de façon suffisamment précise ne sont pas sérieusement contestés par le requérant, soient susceptibles d'être prises en considération par le juge administratif.

8. Il ressort des pièces du dossier que, par l'arrêté contesté du 5 juin 2021, le ministre de l'intérieur a prononcé, en application des dispositions de l'article L. 631-3 précité, l'expulsion de M. A..... du territoire français en estimant que son comportement, eu égard à son adhésion à l'idéologie djihadiste prônée par Daech, particulièrement ancrée, et compte tenu de l'ensemble des éléments recueillis à son sujet, mettant en évidence, en particulier, son intérêt manifeste pour les attentats terroristes et la mort en " martyr ", devait être regardé comme étant lié à des activités à caractère terroriste. Pour porter cette appréciation, l'autorité ministérielle s'est, notamment, fondée sur une note des services de renseignement, qui a été versée au débat contradictoire. Cette note mentionne, en particulier, que, le 16 janvier 2015, à la suite des attentats perpétrés à Paris, M. A....., scolarisé en classe de troisième année dans un collège de Grenoble, a refusé de respecter la minute de silence en hommage aux victimes et a légitimé ouvertement les attentats et indique qu'en outre, il se livrait à du prosélytisme religieux auprès de ses camarades. Elle fait état également de ce que, lors d'un voyage scolaire en Allemagne entre le 27 avril et le 2 mai 2015, il a fait usage de la rhétorique islamiste en ces termes : " il faut faire payer un impôt aux mécréants ". Elle mentionne aussi qu'en septembre 2015, M. A....., scolarisé dans un lycée à Grenoble, a sollicité l'autorisation d'arriver en retard en cours afin de se rendre à la mosquée pour prier et que, confronté à un refus, il a déclaré que, contrairement à lui, les autres élèves n'étaient pas de " vrais musulmans ". Elle indique que, le 21 décembre 2017, dans un autre lycée de Grenoble, l'intéressé a réalisé en classe, en profitant de l'absence d'un professeur, une vidéo d'une durée d'une minute et quinze secondes, intitulée " cours de religion par moiii ", en tenant les propos suivants : " aujourd'hui on va faire un cours sur l'Etat Islamique ", en s'écriant à deux reprises : " Dawla Islamyia Baqiya " (" l'Etat Islamique restera ") et en affirmant : " Allah Akhbar, c'est ma classe maintenant, c'est moi le prof ", avant de poster cette vidéo sur son compte " Snapchat " sous le pseudonyme " Djihad L'Tchétchène " assorti de deux icônes représentant un drapeau noir et un index levé vers le ciel. La note fait état également de ce que, le 30 juin 2018, au cours d'une conversation relative à l'émergence de Daech, l'intéressé a incriminé la communauté internationale et a légitimé Daech en déclarant : " ceux qui étaient oppressés sont devenus des oppresseurs ". Enfin, elle mentionne que, le 30 octobre 2020, une visite domiciliaire effectuée au domicile de l'intéressé a permis de découvrir trois ouvrages islamiques, parmi lesquels l'ouvrage " Riyad Es Salihine " (" le jardin des vertueux "), ainsi que, après exploitation de son téléphone portable, un certain nombre de textes, vidéos, chants, photographies ou images faisant l'apologie de Daech, de propagande djihadiste, appelant au djihad armé ou d'actes terroristes ou encore montrant l'intéressé avec divers symboles djihadistes et, dans l'ordinateur de son frère, des photographies d'armes à feu.

9. D'une part, M. A..... conteste avoir refusé en janvier 2015, dans son collège, de respecter la minute de silence en hommage aux victimes des attentats terroristes perpétrés entre les 7 et 9 janvier 2015, en produisant une attestation établie le 19 décembre 2019 par le chef d'établissement de l'époque indiquant que l'intéressé " a scrupuleusement respecté " cette minute de silence. En conséquence, ces faits ne peuvent, en l'absence de tout autre élément pertinent fourni en défense, être regardés comme établis. En revanche, le requérant ne conteste pas sérieusement avoir fait l'objet, au mois de janvier 2015, d'un signalement auprès de la plateforme du centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR) pour avoir tenu " des propos radicaux dans l'enceinte de son collège qu'il aurait ensuite nuancés ", comme l'indique un courriel du 6 avril 2018 d'un service de renseignement produit par le requérant lui-même, quand bien même ce signalement aurait été effectué non par la direction de l'établissement, mais par un professeur. Il ne conteste pas davantage sérieusement avoir fait usage, lors d'un voyage scolaire en Allemagne en 2015, de la rhétorique islamiste en ayant déclaré : " il faut faire payer un impôt aux mécréants ", le courrier du 22 avril 2014 du même chef d'établissement, qui se borne à annoncer un séjour scolaire en Allemagne en juin 2014, ne permettant pas de remettre en cause la note des services de renseignement sur ce point. De surcroît, il ressort des décisions de l'OFPRA et de la CNDA en date des 2 avril 2019 et 17 février 2020 que l'intéressé a reconnu ces faits, tout en les minimisant en arguant d'un contexte de bonne camaraderie et en indiquant qu'il " rigolait de ces choses-là " avec ses amis. M. A..... ne conteste pas non plus sérieusement avoir sollicité, en septembre 2015 et alors qu'il était scolarisé dans un lycée, l'autorisation d'arriver en retard en cours afin de se rendre à la mosquée pour prier et, suite à un refus, avoir déclaré que, contrairement à lui, les autres élèves n'étaient pas de " vrais musulmans ". En particulier, ces faits ont été reconnus par l'intéressé lors de son audition devant l'OFPRA.

10. D'autre part, M. A..... reconnaît avoir en décembre 2017, dans une classe de lycée et en profitant de l'absence d'un professeur, réalisé une vidéo dans laquelle il a prétendu faire un cours sur Daech et manifesté des signes de soutien à cette organisation terroriste, et avoir ensuite posté cette vidéo sur son compte " Snapchat " sous le pseudonyme " Djihad L'Tchétchène " assorti de deux icônes représentant un drapeau noir et un index levé vers le ciel. Pour minimiser la nature ou la portée de tels faits, le requérant soutient qu'il " n'avait alors que 18 ans ", argue du fait que " Djihad " est son prénom d'usage, en fournissant sur ce point un témoignage du 3 novembre 2019 de sa mère et un courrier non daté d'un professeur, et se prévaut de cinq témoignages établis les 9, 13 et 14 mai et 21 décembre 2019 par des camarades de classe, rédigés en des termes similaires et minimisant les faits en cause, en faisant état, en particulier, d'" une manière maladroite de rire des éléments d'actualité " ou d'" amusements mal placés qui relèvent juste d'une maladresse enfantine ". Cependant, l'intéressé, qui était majeur à la date des faits, ne pouvait ignorer le sens et la portée de ces faits et leur gravité, qui lui ont d'ailleurs valu une exclusion temporaire de son établissement scolaire, ni la connotation évidente de ce prénom, qui ne figure, au demeurant, sur aucun acte d'état civil qu'aurait pu produire l'intéressé, ou du pseudonyme " Djihad L'Tchétchène " employé dans la vidéo en cause, postée sur une application de partage de vidéos, faisant la promotion ou apportant un soutien à l'organisation terroriste Daech et assortie de deux symboles majeurs dans la propagande de cette organisation terroriste, un drapeau noir et l'index levé vers le ciel. En outre, la seule circonstance que ces faits du mois de décembre 2017 n'ont fait l'objet au mois d'avril 2021 que d'un rappel à la loi, assorti d'un suivi psychologique, est, contrairement à ce que soutient le requérant, sans incidence sur l'exercice, par l'autorité ministérielle, de son pouvoir d'apprécier, au vu de l'ensemble des éléments dont elle dispose, si sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public. Enfin, le requérant ne conteste pas davantage sérieusement avoir en juin 2018, au cours d'une conversation sur Daech, incriminé la communauté internationale et légitimé Daech en déclarant : " ceux qui étaient oppressés sont devenus des oppresseurs ". A cet égard, le courriel du 14 octobre 2019 d'un service de renseignement que le requérant produit, indiquant que, depuis 2018, il " n'a pas fait l'objet de nouveaux signalements ", ne saurait suffire à remettre en cause la note des services de renseignement sur ce point, tandis qu'il ressort des décisions de l'OFPRA et de la CNDA en date des 2 avril 2019 et 17 février 2020 que l'intéressé a développé, notamment lors de son entretien du 10 septembre 2018 devant l'Office, un discours propre à l'idéologie djihadiste, fondé sur la dichotomie entre les puissances occidentales et le " camp des oppressés ".

11. C... ailleurs, s'agissant des éléments retrouvés, à la suite de la visite domiciliaire du 30 octobre 2020, dans son téléphone portable, soit un certain nombre de textes, vidéos, chants, photographies ou images faisant l'apologie de Daech et des actions perpétrées par cette organisation terroriste, de propagande djihadiste, appelant au djihad armé ou d'actes terroristes ou encore montrant l'intéressé avec divers symboles djihadistes, le requérant n'apporte aucune explication, ni aucun élément sérieux de nature à démontrer l'absence d'adhésion aux idées pro-djihadistes véhiculées par de tels supports numériques. De surcroît, il ne conteste pas et ne livre d'ailleurs aucun commencement d'explication sur le fait, attesté par les éléments fournis en défense, que, lors de l'arrivée des forces de l'ordre à son domicile, il a tenté de se débarrasser de son téléphone en le jetant par la fenêtre de sa chambre. De plus, il ne saurait sérieusement soutenir que les vidéos et photographies présentes sur son téléphone ne proviennent que de téléchargements automatiques, par l'application " WhatsApp ", résultant de discussions de groupes de cette application dont il faisait partie, lui-même n'ayant jamais eu un comportement " actif ", et qu'il n'a jamais fait lui-même la diffusion de tels contenus. En effet, par une telle allégation, il reconnaît à tout le moins avoir fait partie de tels groupes, sans d'ailleurs livrer la moindre explication sur ce point, qu'il a lui-même, par ailleurs, réalisé de tels éléments pro-Daech ou pro-djihadistes et qu'enfin, il ne lui est pas reproché d'avoir diffuser une telle propagande djihadiste, mais d'y avoir adhéré. En outre, s'agissant de certaines photographies ou vidéos, si le requérant conteste soit le contenu d'une vidéo, qui concernerait en réalité son père, soit les symboles de l'index levé vers le ciel ou du lion figurant sur des photographies le représentant, en affirmant que ces symboles appartiennent à la culture musulmane et tchétchène ou représentent " la force, la majesté et le courage ", le requérant ne saurait sérieusement contester ou ignorer que ces symboles ont été largement repris par Daech, ni, en tout état de cause, n'apporte aucune autre explication tangible sur les nombreux autres éléments numériques figurant dans son téléphone et prônant un islamisme radical et une idéologie terroriste. C... ailleurs, s'agissant des textes retrouvés dans son téléphone, sous forme de captures d'écran et rédigés par l'intéressé en 2017 sur son père, combattant séparatiste tchétchène qui a disparu en 2000 lors de la deuxième guerre de Tchétchénie, si le requérant affirme, en produisant une capture d'écran, que la note des services de renseignement n'en reproduit qu'une partie et que ces textes ont été écrit en 2017 dans une " situation de souffrance ", il ne saurait sérieusement contester que ces textes expriment une admiration pour son père, considéré comme étant mort en " martyr " et lui ayant donné un " code de conduite ", ainsi que des velléités djihadistes. Enfin, si M. A..... rappelle que l'ouvrage retrouvé à son domicile, " Riyad Es Salihine " (" le jardin des vertueux ") de l'imam An Nawawi, est un ouvrage très ancien et facilement accessible, la note des services de renseignement n'indique nullement le contraire, mais mentionne, sans que le requérant conteste ces points, qu'il est très répandu au sein de la mouvance islamiste radicale et que des passages de cet ouvrage justifient le recours au djihad armé, incitent à la discrimination ou à la haine, voire à la violence envers les chrétiens et les juifs ou encore affirment l'autorité de l'homme sur la femme et justifient les violences physiques faites à celles-ci.

12. Enfin, il résulte de ce qui précède ainsi que des décisions de l'OFPRA et de la CNDA en date des 2 avril 2019 et 17 février 2020 qu'entre 2015 et 2020, M. A..... a fait montre d'un intérêt grandissant, puis d'une adhésion croissante aux thèses pro-djihadistes de la mouvance islamique radicale, en milieu scolaire ou sur les réseaux sociaux. De même, les éléments retrouvés à la suite de la visite domiciliaire du 30 octobre 2020 dans son téléphone portable, soit des textes, vidéos, chants, photographies ou images faisant l'apologie de Daech, de l'idéologie djihadiste ou d'actes terroristes, alors que, de surcroît, il avait été mis fin à son statut de réfugié depuis le 2 avril 2019, démontrent l'ancrage d'une telle adhésion à cette idéologie, doublée d'une admiration pour son père, combattant séparatiste tchétchène considéré comme étant mort en " martyr ", ainsi que des velléités djihadistes. En outre, ni l'évocation de son parcours scolaire, par la production de quelques bulletins scolaires, d'une médaille délivrée par l'institut Télémaque lors de l'obtention de son baccalauréat en 2018 ou d'une convention de stage du mois de novembre 2018 dans le cadre d'un BTS en management commercial opérationnel, qu'il n'a d'ailleurs pas terminé, faute, selon lui, d'une autorisation de séjour, ni celle de son âge à la date des différents faits qui lui sont reprochés, ni celle de son état psychologique, les attestations établis les 14 septembre 2021, 11 avril 2022 et 30 juin 2022 par une psychologue se bornant à faire état d'un suivi depuis le mois de juillet 2021 et de " troubles anxieux liés à sa situation administrative ", ni les différents témoignages établis par sa mère, son frère Magomed, la personne qu'il présente comme étant sa petite amie ou des camarades de classe ou ses propres courriers adressés en 2022 au juge des référés du tribunal administratif de Paris, témoignages et courriers rédigés en des termes très peu circonstanciés et très peu convaincants, ni, enfin, deux promesses d'embauche en date des 25 juillet 2021 et 8 avril 2022, l'intéressé n'établissant d'ailleurs pas avoir effectivement travaillé, ne sauraient suffire à infirmer cette appréciation sur le comportement de M. A...... C... ailleurs, si le requérant entend faire état de sa participation entre 2016 et 2018 à des ateliers ou " focus group " ayant pour objet de prévenir la radicalisation, l'intéressé, qui a régulièrement, notamment devant l'OFPRA et la CNDA, tenté de nier ou de minimiser les faits qui lui sont reprochés, leur portée ou encore leur gravité, a ainsi fait montre d'une volonté manifeste de dissimulation quant à ses liens passés et actuels avec la mouvance islamique radicale. Enfin, par les différentes pièces produites, le requérant n'apporte aucune explication sérieuse, ni aucun élément probant quant à une distanciation réelle et durable avec cette mouvance ou l'idéologie djihadiste.

13. Il suit de là que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de l'adhésion de M. A..... à l'idéologie ou la cause djihadiste, de sa volonté manifeste de dissimulation de ses convictions réelles ainsi que de son profil, jeune et influençable, le ministre de l'intérieur, en estimant, par son arrêté du 5 juin 2021, que sa présence en France constituait une menace grave pour l'ordre public et que son comportement était lié à des activités terroristes et, en conséquence, en prononçant son expulsion du territoire français, n'a commis aucune erreur de fait, ni aucune erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées des articles L. 631-1 et L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 632-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'expulsion ne peut être édictée que dans les conditions suivantes : / 1° L'étranger est préalablement avisé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; / 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission qui se réunit à la demande de l'autorité administrative et qui est composée : / a) du président du tribunal judiciaire du chef-lieu du département, ou d'un juge délégué par lui, président ; / b) d'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal judiciaire du chef-lieu du département ; / c) d'un conseiller de tribunal administratif. / Le présent article ne s'applique pas en cas d'urgence absolue ".

15. Compte tenu, d'une part, du contexte de menace terroriste particulièrement élevée prévalant à la date de la décision contestée, caractérisé, en particulier, par les attentats terroristes perpétrés à proximité des anciens locaux de Charlie Hebdo à Paris le 25 septembre 2020, à Conflans-Sainte-Honorine le 16 octobre 2020, à Nice le 29 octobre 2020 et le 23 avril 2021 à Rambouillet par de jeunes individus empreints de l'idéologie djihadiste et, d'autre part, des motifs énoncés aux points 9 à 13, notamment de l'adhésion de M. A..... aux thèses pro-djihadistes, de sa proximité avec la mouvance islamiste radicale par les réseaux sociaux, de sa volonté manifeste de dissimulation de ses convictions réelles ainsi que de son profil de jeune homme influençable, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur de droit ou d'appréciation en estimant qu'il y avait urgence absolue à l'expulser. C... suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été irrégulièrement privé des garanties de procédure prévues à l'article L. 632-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni, en tout état de cause, de celles des stipulations de l'article 1er du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

17. M. A..... se prévaut de sa présence en France depuis l'âge de huit ans ainsi que de celle de sa mère, de ses deux frères et de sa sœur, réfugiés statutaires et titulaires d'une carte de résident, et fait valoir, notamment, qu'il y a effectué la quasi-totalité de sa scolarité, qu'il entretient depuis le mois de 2019 une relation avec une ressortissante française, qu'il présente des perspectives d'insertion professionnelle et souhaite s'engager sur le plan associatif et qu'il n'a plus d'attaches en Fédération de Russie. Toutefois, en l'espèce, le droit à mener une vie familiale normale se trouve déjà garantie par la protection particulière dont M. A..... bénéficie au titre des dispositions précitées de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant qu'étranger résidant habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, qui n'autorisent son expulsion qu'en raison de son comportement dont la particulière gravité justifie, ainsi qu'il a été dit aux points 9 à 13, son éloignement durable du territoire français alors même que ses attaches y sont fortes. C... ailleurs, l'intéressé, âgé de vingt-et-un ans à la date de la décision attaquée, ne justifie pas de la poursuite de sa scolarité après 2018, ni d'aucune insertion professionnelle. A cet égard, les deux promesses d'embauche produites en date des 25 juillet 2021 et 8 avril 2022 sont postérieures à la décision attaquée et le requérant n'établit pas avoir travaillé avant l'intervention de cette décision, ni même d'ailleurs après. En outre, l'intéressé, qui est célibataire et sans charge de famille en France, n'établit pas, par la seule production de deux témoignages, rédigés en des termes très peu circonstanciés, trois photographies et quelques billets de train et réservations d'hôtel entre septembre et décembre 2019 et en février 2020, de l'intensité ou de la continuité, ni même de l'effectivité, à la date de la décision attaquée, de la relation qu'il aurait entretenue avec une ressortissante française. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la gravité du comportement qui est reproché à l'intéressé, la décision prononçant son expulsion du territoire français ne peut être regardée comme ayant porté au droit de M. A..... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public. C... suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doit également, en tout état de cause, être écarté.

S'agissant de la décision d'assignation à résidence du 17 février 2022 :

18. Aux termes de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : / (...) 6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 732-5 du même code : " Lorsque l'assignation à résidence a été édictée en application des 6°, 7° ou 8° de l'article L. 731-3 (...), la durée maximale de six mois prévue à l'article L. 732-4 ne s'applique pas ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 733-1 de ce code : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie ". Aux termes de l'article L. 733-2 du même code : " L'autorité administrative peut, aux fins de préparation du départ de l'étranger, lui désigner, en tenant compte des impératifs de la vie privée et familiale, une plage horaire pendant laquelle il demeure dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures. / Lorsque l'étranger assigné à résidence fait l'objet d'une décision d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire français ou d'une décision d'interdiction administrative du territoire français, ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, la durée de cette plage horaire peut être portée à dix heures consécutives par période de vingt-quatre heures ". Aux termes de l'article R. 733-1 de ce code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; / 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside ".

19. C... l'arrêté contesté du 17 février 2022, le ministre de l'intérieur a astreint M. A..... à résider dans le département de l'Isère, dans les limites de la commune de Grenoble, à se présenter trois fois par jour, à 9h15, 12h00 et 17h15, à l'hôtel de police de Grenoble, y compris les dimanches et jours fériés, à demeurer à son domicile tous les jours de 21 heures à 7 heures et a subordonné ses déplacements en dehors de la commune de Grenoble à une autorisation écrite. C... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté en tant qu'il oblige M. A..... à se rendre au commissariat plus de deux fois par jour.

20. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A....., célibataire et sans charge de famille et qui n'exerçait aucune activité professionnelle, a été assigné à résidence au domicile de sa mère. En outre, alors qu'il est autorisé à quitter librement son domicile en journée entre 7 heures et 21 heures, il peut y recevoir la visite des autres membres de sa famille ou de ses proches ou leur rendre visite. C... ailleurs, il ne peut être sérieusement soutenu que la décision d'assignation à résidence l'empêcherait, en elle-même, de rechercher un emploi ou d'exercer une activité associative. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la mesure d'assignation à résidence contestée, nécessaire à la défense de l'ordre public, n'a pas porté, eu égard notamment à la nature du comportement qui lui est reproché, une atteinte excessive au droit de M. A..... au respect de sa vie privée et familiale. C... suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que cette décision d'assignation à résidence serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doit également être écarté.

21. D'autre part, si M. A..... conteste les modalités de l'assignation à résidence en litige, le périmètre de cette assignation, à savoir dans les limites de la commune de Grenoble, n'a nullement pour effet d'empêcher l'intéressé de recevoir, à son domicile, la personne qu'il présente comme étant sa petite amie, ni de communiquer librement avec son avocat. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 19, le tribunal administratif a annulé l'arrêté contesté en tant qu'il oblige M. A..... à se rendre au commissariat plus de deux fois par jour. Sur ce point, la fréquence d'une présentation à l'hôtel de police au moins deux fois par jour n'apparaît pas disproportionnée. A cet égard, si le requérant fait valoir la durée du trajet entre son domicile et l'hôtel de police, il n'exerçait aucune activité professionnelle à la date de l'arrêté contesté. De plus, cette fréquence ne saurait avoir pour effet de l'empêcher de rechercher un emploi ou d'exercer une activité professionnelle ou associative. Enfin, si l'obligation de demeurer à son domicile tous les jours de 21 heures à 7 heures l'empêche effectivement de trouver un travail de nuit ou d'effectuer des maraudes nocturnes dans le cadre d'une activité associative, il n'établit, ni n'allègue avoir effectivement recherché un tel travail, tandis que l'attestation de l'association " ADA " du 13 avril 2022 ne fait pas état de ce que l'intéressé, bénévole dans cette association depuis le mois de mars 2022, serait susceptible de participer à de telles maraudes. C... suite et eu égard à la nature du comportement reproché à l'intéressé ainsi qu'à la nécessité des modalités de contrôle prescrites pour la préservation de l'ordre public, de telles modalités ne peuvent être regardées comme ayant porté une atteinte excessive au droit de M. A..... au respect de sa vie privée et familiale ou comme étant entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

22. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions de la requête de M. A..... tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 février 2022 en tant qu'il l'oblige, dans le cadre de son assignation à résidence, à se présenter trois fois par jour, y compris les week-ends et jours fériés, à l'hôtel de police, que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté ministériel du 5 juin 2021 prononçant son expulsion du territoire français et de cet arrêté du 17 février 2022 l'assignant à résidence.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'abrogation :

23. Il n'appartient pas au juge administratif de prononcer l'abrogation d'un arrêté d'expulsion, ni d'un arrêté d'assignation à résidence qui l'assortit, alors que l'abrogation des décisions d'expulsion relève d'une procédure administrative spécifique régie par les articles L. 632-3 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur et tirée de l'irrecevabilité des conclusions présentées par M. A..... tendant à l'abrogation des deux arrêtés en litige, qui sont, au surplus, nouvelles en appel, doit être accueillie.

Sur la requête n° 23PA02611 :

24. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 23PA02610 de M. A..... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 23PA02611 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

25. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions de M. A..... aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu d'admettre M. A..... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête n° 23PA02610 de M. A..... est rejeté.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 23PA02611 de M. A......

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 23PA02611 de M. A..... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,

L. d'ARGENLIEULa greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 23PA02610-23PA02611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02610
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : SIMON

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23pa02610 ?
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