Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 du préfet de police en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 2304108 du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mai 2023, Mme E..., représentée par Me Herdeiro, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation, la décision portant refus de titre de séjour étant elle-même entachée d'une telle insuffisance ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologies dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 13 novembre 2023, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 15 décembre 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,
- et les observations de Me Herdeiro, avocate de Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante ouzbèke, née le 17 juin 1958 et entrée en France, selon ses déclarations, le 18 décembre 2015, a sollicité, le 2 août 2022, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 janvier 2023, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme E... fait appel du jugement du 20 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
2. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. En l'espèce, alors que la décision portant refus de titre de séjour comporte, de manière suffisante, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, la mesure d'éloignement contestée, qui mentionne le 3° de l'article L. 611-1, est, par suite, suffisamment motivée.
3. En deuxième lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Tel est le cas de l'étranger qui remplit les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes duquel : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ".
4. En l'espèce, par son avis du 21 décembre 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de Mme E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dans elle est originaire, bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Pour contester cette appréciation, la requérante, qui est prise en charge en France pour un diabète de type 2, une hypertension artérielle et une dyslipidémie, soutient qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement et d'un suivi médical appropriés à son état de santé en Ouzbékistan. Toutefois, ni les quelques données générales fournies par la requérante sur le système de santé et les offres de soins prévalant dans ce pays, notamment un article de presse du 2 mars 2022 sur les offres de soins en Asie centrale et une fiche synthétique de l'Organisation mondiale de la santé de 2016 sur le traitement du diabète en Ouzbékistan, ni les documents d'ordre médical qu'elle produit, notamment le certificat médical confidentiel du 24 août 2022 adressé à l'OFII, un compte rendu de consultation du 25 janvier 2023, un certificat médical établi le 10 février 2023 par un médecin généraliste, se bornant à indiquer qu'" il n'existe pas de garanties que les soins dans son pays d'origine seraient efficaces et adaptés à la gravité de sa maladie ", et un certificat médical établi le 9 mai 2023 par un chirurgien-dentiste, ne sauraient suffire à démontrer que l'intéressée ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologies dans son pays d'origine. En particulier, il ressort du compte rendu de consultation du 25 janvier 2023 que Mme E... a été prise en charge en Ouzbékistan, pour son diabète, depuis l'année 2005, alors qu'aucun élément qu'elle verse ne permet de démontrer qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement d'une prise en charge médicale adéquate dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ".
6. Mme E... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le mois de décembre 2015 et fait valoir qu'elle y est hébergée et prise en charge financièrement par sa fille C..., de nationalité française, que ses deux autres enfants, A... et D..., séjournent également sur le territoire, que son fils B... réside aux Etats-Unis, qu'elle est divorcée de son époux depuis 2014 et qu'elle n'a plus d'attache dans son pays. Toutefois, la requérante ne justifie pas de l'ancienneté et de la continuité de son séjour en France depuis 2015, alors que le compte rendu de consultation du 25 janvier 2023 précité fait état de ce qu'elle est retournée en Ouzbékistan entre 2015 et 2017. De plus, elle s'est maintenue sur le territoire français de façon irrégulière et n'a entrepris des démarches afin de régulariser sa situation qu'au mois d'août 2022. En outre, elle ne fournit aucune précision, ni aucun élément sur la régularité du séjour en France de ses enfants, qui sont majeurs, A... et D.... Par ailleurs, elle ne démontre pas davantage que sa présence auprès de sa fille C... revêtirait pour elle un caractère indispensable, ni qu'elle serait dépourvue de toute attache privée ou familiale dans son pays d'origine. Ainsi, elle ne justifie d'aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'elle poursuive normalement sa vie en Ouzbékistan où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de cinquante-sept ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et des dispositions précitées doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais de l'instance ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
Le président-rapporteur,
R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,
L. d'ARGENLIEU
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02244