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02/07/2024 | FRANCE | N°22PA03751

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 02 juillet 2024, 22PA03751


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le préfet de Seine-et-Marne sur sa demande tendant au renouvellement de sa carte de résident ou à la délivrance d'une carte de séjour temporaire.



Par un jugement n° 2109559 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et u

n mémoire, enregistrés le 9 août 2022 et le 29 mai 2024, M. A..., représenté par Me Djemaoun, demande à la Cour, dans le de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le préfet de Seine-et-Marne sur sa demande tendant au renouvellement de sa carte de résident ou à la délivrance d'une carte de séjour temporaire.

Par un jugement n° 2109559 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 août 2022 et le 29 mai 2024, M. A..., représenté par Me Djemaoun, demande à la Cour, dans le dernier de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une carte de résident dans un délai de deux semaines ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 433-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2022, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- et les observations de Me Djemaoun, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain, né le 14 décembre 1981 et entré en France, selon ses déclarations, au mois d'août 1986, a sollicité, le 29 octobre 2020, le renouvellement de sa carte de résident ou la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et devenu l'article L. 423-23 du même code. Cette demande a été rejetée par une décision implicite née, le 29 février 2021, du silence gardé durant quatre mois par le préfet de Seine-et-Marne. Après avoir consulté la commission du titre de séjour et par une décision explicite en date du 28 mars 2022, le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour. M. A... fait appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande dont les conclusions à fin d'annulation doivent être regardées comme dirigées contre la décision explicite de rejet en date du 28 mars 2022, qui s'est substituée à cette décision implicite.

2. En premier lieu, la décision contestée portant refus de titre de séjour, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, est, par suite, suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni de cette motivation, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de Seine-et-Marne, avant de refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, aurait omis de procéder à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait de ce chef entachée d'une erreur de droit, doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 433-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Sous réserve des dispositions des articles L. 411-5 et L. 432-3, une carte de résident est renouvelable de plein droit ". Aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident (...) ". Aux termes de l'article L. 432-1 de ce code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

5. M. A... soutient que, titulaire d'une carte de résident valable du 17 décembre 2008 au 16 décembre 2018, il avait droit, en application de l'article L. 433-2 précité, au renouvellement de plein droit de son titre de séjour, sans que lui soit opposable la réserve liée à l'ordre public prévue par les dispositions des articles L. 412-5 et L. 432-1 précités. Toutefois, sa carte de résident a expiré le 16 décembre 2018 et M. A... n'en a demandé le renouvellement que le 29 octobre 2020, sans ainsi avoir respecté les dispositions de l'article R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et prévoyant que la demande de renouvellement de carte de séjour doit être présentée par l'intéressé dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire. Ainsi, faute d'avoir respecté cette formalité, la demande de M. A... en date du 29 octobre 2020 doit être regardée comme une première demande de carte de résident ou de carte de séjour temporaire, et non comme une demande de renouvellement de son titre de séjour. Par suite, le préfet de Seine-et-Marne a pu, sans entacher sa décision d'une erreur de droit ou d'une méconnaissance du champ d'application de la loi, lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en se fondant sur la réserve liée à l'ordre public prévue par les dispositions des articles L. 412-5 et L. 432-1 précités.

6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a commis entre 2002 et 2017 de nombreux faits délictueux, dont certains en état de récidive, pour lesquels il a été condamné à dix reprises. Il a ainsi été condamné le 25 juillet 2002 par le tribunal correctionnel de Nanterre à une peine de 6 mois d'emprisonnement pour des faits, commis le 8 juillet 2002, de contrebande de marchandise prohibée, le 25 avril 2003 par le même tribunal à une peine de 2 mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits, commis le 29 juin 2002, d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, le sursis ayant été révoqué de plein droit par la suite, le 17 octobre 2003 par le même tribunal à une peine d'amende de 500 euros pour des faits, commis le 6 avril 2003, de dégradation ou de détérioration grave d'un bien appartenant à autrui, le 6 mai 2004 par le tribunal correctionnel de Paris à une peine de 2 mois d'emprisonnement pour des faits, commis le 5 mai 2004, de recel de bien provenant d'un vol et d'usurpation de plaque d'immatriculation - numéro attribué à un autre véhicule à moteur et le 31 août 2005 par le tribunal correctionnel de Chartres à une peine de 2 mois d'emprisonnement pour des faits, commis le 29 novembre 2003, de refus de restituer un permis de conduire après notification de sa rétention conservatoire. Il a également été condamné le 3 janvier 2006 par le tribunal correctionnel de Paris à une peine de 6 mois d'emprisonnement pour des faits, commis en 2004, de détention non autorisée de stupéfiants et d'usage illicite de stupéfiants, le 22 janvier 2010 par le même tribunal à une peine d'amende de 400 euros pour des faits, commis le 1er février 2009, de conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et le 29 octobre 2010 par le tribunal correctionnel de Versailles à une peine de 4 mois d'emprisonnement pour des faits, commis le 28 octobre 2010, d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique et de menace de crime ou délit contre les personnes ou les biens à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique (récidive). Enfin, il a fait l'objet d'une condamnation le 14 juin 2011 par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Versailles à une peine de 7 ans d'emprisonnement pour des faits, commis entre 2008 et 2010, d'acquisition, transport, détention et offre ou cession non autorisés de stupéfiants (récidive) ainsi que d'une condamnation le 9 mai 2019 par le tribunal correctionnel de Nanterre à une peine de 8 ans d'emprisonnement et une peine d'amende de 5 000 euros pour des faits, commis entre 2016 et 2017, d'offre ou cession, transport, détention, acquisition et importation de stupéfiants - trafic et de participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de 10 ans d'emprisonnement (récidive).

7. Par ailleurs, si M. A... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis l'année 1986, où il a été scolarisé, ainsi que de la présence sur le territoire de sa mère et de sa sœur, titulaires d'une carte de résident, et de son frère, son autre frère étant décédé en 2002 et son père en 2016, il ne peut être sérieusement contesté que l'intéressé s'est inscrit sur une longue période dans un parcours de délinquant, qui lui a valu, notamment, dix condamnations, entre 2002 et 2019, par les juridictions répressives à des peines atteignant un quantum total de 16 ans et 10 mois d'emprisonnement. En outre, en se bornant à faire état d'une relation avec une ressortissante française, avec laquelle il aurait vécu entre le mois de février 2017 et le 2 décembre 2017, date de sa dernière incarcération, sans justifier par aucune pièce probante de la réalité de cette vie commune en 2017, de son comportement au cours de sa détention, l'intéressé ayant travaillé en prison en qualité d'" opérateur ", puis d'" auxiliaire bâtiment " et ayant bénéficié de réductions supplémentaires de peine, notamment au cours de la période pandémique de la Covid-19, et de permissions de sortie en 2020 et 2021, ainsi que d'une promesse d'embauche du 4 octobre 2021 en qualité d'" aide poseur " auprès de la société " M.BPro Renove ", le requérant, âgé de quarante-et-un ans à la date de la décision attaquée, ne saurait être regardé comme présentant des gages sérieux et avérés de distanciation ou de remise en question par rapport à l'ensemble des faits qui lui sont reprochés. En particulier, ni l'attestation établie le 26 avril 2021 par une psychologue clinicienne, rédigée dans des termes très peu circonstanciés et indiquant, en particulier, que l'intéressé a mis " en avant une véritable détresse psychique lors de la mise en acte des délits ", ni cette promesse d'embauche, ne sauraient constituer de tels gages, alors que M. A..., qui n'a plus été scolarisé après le collège, ne justifie d'aucune insertion ou activité professionnelle en France avant son incarcération en 2017.

8. Il suit de là que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la nature, de la répétition et de la gravité croissante des faits délictuels commis par M. A... sur une longue période et en l'absence de garanties sérieuses de non réitération et de réinsertion, le préfet de Seine-et-Marne, en estimant, en application des dispositions précitées de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la présence de l'intéressé en France constituait une menace pour l'ordre public et, en conséquence, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a entaché sa décision du 28 mars 2022 d'aucune erreur d'appréciation.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 6 à 8 et alors que M. A..., âgé de quarante-et-un ans à la date de la décision attaquée, qui a été inscrit sur une longue période dans un parcours de délinquant en commettant des faits délictueux de gravité croissante et qui est sans charge de famille en France, ne justifie ni de l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec les membres de sa famille séjournant sur le territoire, notamment sa mère, sa sœur et son frère, ni de la vie commune en 2017 avec une ressortissante française, qu'il n'a pu rencontrer que lors de quelques permissions de sortie en 2020 et 2021, ni, en tout état de cause, de garanties sérieuses et avérées de non réitération et de réinsertion, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et des dispositions précitées et celui-ci tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

11. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles le préfet ne s'est pas fondé pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,

L. d'ARGENLIEU

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03751


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03751
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : HARIR

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;22pa03751 ?
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