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02/07/2024 | FRANCE | N°22PA02520

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 02 juillet 2024, 22PA02520


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 6 août 2020 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.



Par un jugement n° 2007138 du 2 mars 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa deman

de.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 2 juin 2022, Mme B..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 6 août 2020 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2007138 du 2 mars 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Rochiccioli, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard, et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, le caractère collégial de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et l'authenticité des signatures apposées sur cet avis n'étant pas démontrés ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors, d'une part, que le préfet s'est fondé sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du 3° de l'article 13 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, d'autre part, qu'il s'est cru, à tort, en situation de compétence liée par rapport à l'avis du collège de médecins de l'OFII ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, dès lors qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit d'observations.

Par une décision du 27 avril 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par une ordonnance du 29 janvier 2024, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 28 février 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo), née le 26 novembre 1953 et entrée en France le 27 juin 2014, s'est vu délivrer, en dernier lieu, une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale " pour des raisons de santé valable du 25 mars 2017 au 24 mars 2019. Par un arrêté du 6 août 2020, le préfet de Seine-et-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... fait appel du jugement du 2 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux établis les 18 décembre 2015, 18 juin 2019, 16 août 2019, 27 août 2020 et 8 avril 2022 par un praticien hospitalier du service d'hépato-gastro-entérologie de l'hôpital Delafontaine à Saint-Denis, et il n'est d'ailleurs pas contesté, le préfet de Seine-et-Marne n'ayant pas produit d'observations en appel, ni en première instance, que Mme B..., âgée de soixante-sept ans à la date de l'arrêté attaqué, qui a été prise en charge en France pour une hépatite chronique C et une cirrhose secondaire, a bénéficié en 2016 d'un traitement antiviral (Viekirax et Copegus), avec un bon résultat. L'intéressée a cependant fait l'objet depuis lors, pour sa cirrhose du foie, d'un suivi régulier avec échographie, IRM hépatique et bilan sanguin, en raison d'un risque majeur de cancer du foie, prise en charge dont le défaut pourrait avoir pour elle, ainsi que l'a estimé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dans son avis du 12 décembre 2019, des conséquences d'une exceptionnelle gravité. D'ailleurs, Mme B..., entrée en France le 27 juin 2014, s'est vu délivrer, à raison de son état de santé, un titre de séjour pour raisons de santé, notamment une carte de séjour pluriannuelle valable du 25 mars 2017 au 24 mars 2019. En outre, Mme B... vit, depuis son entrée en France et compte tenu de son état de santé, chez sa fille, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 6 février 2020 au 5 février 2022 et qui a, au demeurant, été renouvelée par la suite, qui l'héberge et qui lui apporte une aide matérielle et financière. Enfin, la requérante soutient, sans être contredite, qu'elle est dépourvue d'attaches dans son pays, le père de ses enfants étant décédé en 2003, sa fille séjournant en France et son fils résidant régulièrement au Royaume-Uni. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, notamment de l'état de santé de Mme B... nécessitant une prise en charge médicale, de la durée et des conditions de son séjour en France, de l'aide affective et matérielle que lui apporte en France sa fille et de la situation d'isolement dans laquelle elle se retrouverait, dans le cas d'un retour dans son pays d'origine, qui serait préjudiciable à son état de santé, l'arrêté attaqué portant refus de renouvellement de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être regardé comme étant entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces mesures sur sa situation personnelle. Par suite, Mme B... est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de cet arrêté.

3. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2020 du préfet de Seine-et-Marne.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...). " Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. "

5. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 2, le présent arrêt implique nécessairement que soit délivrée à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de procéder, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, à la délivrance de ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocate peut ainsi se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rochiccioli, avocate de Mme B..., de la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2007138 du 2 mars 2022 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 6 août 2020 du préfet de Seine-et-Marne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Rochiccioli, avocate de Mme B..., la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,

L. d'ARGENLIEU

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02520


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02520
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : ROCHICCIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;22pa02520 ?
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