Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une demande enregistrée sous le n° 2015805, Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.
Par une demande enregistrée sous le n° 2015806, Mme A... C... et
M. B... D... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2014 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2015805, 2015806 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a constaté un non-lieu à statuer à hauteur de 19 762 euros sur les conclusions de la demande n° 2015805 et rejeté le surplus des conclusions des demandes dont il était saisi.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 septembre 2022 et 15 février 2023, Mme C... et M. D..., représentés par la SELAS Bremens Avocats, doivent être regardés comme demandant à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2015805, 2015806 du 12 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de leurs demandes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions maintenues à leur charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'avis de vérification adressé le 21 avril 2016 à Mme C..., qui exerce deux activités distinctes de location meublée d'un loft sis 34, rue Greneta à Paris, d'une part, et de décoration d'intérieur et de réaménagement créatif des espaces d'habitation, d'autre part, entretient une confusion quant à l'activité effectivement vérifiée, qui prive la contribuable de la garantie prévue à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; en jugeant le contraire, les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur de droit ; la situation de taxation d'office invoquée par l'administration n'est pas de nature à rendre le moyen inopérant, dès lors qu'elle n'a été révélée qu'en cours de vérification ;
- s'agissant des prestations facturées sous l'enseigne Spacio Creative Living, la TVA correspondante, d'un montant de 11 276,01 euros, n'est pas exigible, conformément au c) du 2 de l'article 269 du code général des impôts, en l'absence de paiement desdites prestations ; le rappel correspondant ne peut se fonder sur les dispositions des 3 et 4 de l'article 283 du code général des impôts ;
- s'agissant des prestations facturées sous l'enseigne Loftfactory, la TVA n'était pas applicable, dès lors qu'elles se rapportent à une location meublée à usage d'habitation et non à usage professionnel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... et M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marjanovic,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,
- et les observations de Me Ripert, représentant Mme C... et M. D... .
Considérant ce qui suit :
1. Par avis du 10 mars 2016, M. D... , qui exerce une activité de scénariste et réalisateur, et Mme C..., qui exerce les activités de location meublée d'un loft de 300 m2 sis 34, rue Greneta à Paris, d'une part, et de décoratrice d'intérieur, d'autre part, ont été informés de l'engagement d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2013 et 2014, à l'issue duquel ils ont été assujettis à des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. Entretemps, par avis du 21 avril 2016, Mme C... a été informée de l'engagement d'une vérification de comptabilité de son " activité individuelle BIC immatriculée au RC 429201684 ", à l'issue de laquelle, par proposition de rectification du 28 juillet 2016, elle a été informée de redressements de ses revenus imposables dans la catégorie des bénéfices commerciaux au titre des années 2011 à 2014 et de rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014. Par la présente requête, M. D... et Mme C... demandent l'annulation du jugement du 12 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes tendant à la décharge des impositions résultant de ces contrôles.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". Aux termes de l'article L. 47 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ". Pour l'application de ces dispositions à un contribuable qui exerce plusieurs activités, l'administration n'est pas tenue de suivre une procédure de vérification distincte pour chacune des activités dès lors qu'il ressort des déclarations du contribuable que l'ensemble des opérations soumises à la vérification est retracé dans une seule comptabilité.
3. Il résulte de l'instruction que Mme C..., identifiée au répertoire Sirene de l'INSEE sous le numéro SIREN 429 201 684, exerce une double activité de décoratrice d'intérieur, d'une part, identifiée sous le numéro de SIRET 429 201 684 00033 et ayant son siège au 3, rue de Turbigo, 75001 Paris, et de location d'un logement meublé, d'autre part, identifiée sous le numéro SIRET 429 201 684 00017 et ayant son siège 34, rue Greneta, 75002 Paris, dont les résultats ont fait l'objet de déclarations fiscales séparées. Dès lors, l'avis de vérification de comptabilité qui lui a été adressé le 21 avril 2016 au 3, rue de Turbigo à Paris, qui précise seulement qu'il se rapporte à " son activité individuelle BIC immatriculée au RC 429201684 (SIREN) ", ne comportait pas d'indication suffisante pour permettre à la contribuable de savoir si le contrôle visait seulement l'une de ses activités et, dans ce cas, d'identifier laquelle, ou bien s'il visait les deux activités. Dans ces conditions, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que, comme le soutient le ministre intimé sans l'établir, Mme C... aurait présenté au service vérificateur une comptabilité unique retraçant l'ensemble des opérations effectivement soumises à la vérification, ou que la situation de taxation d'office en matière de TVA de l'activité de location en meublé aurait été révélée par le courrier du 20 mai 2015 adressé à l'administration fiscale par le tribunal de grande instance de Paris dans le cadre des dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, les requérants sont fondés à soutenir qu'ils ont été privés de la garantie prévue par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et que les rappels de TVA et les suppléments d'impôt sur le revenu, en tant qu'ils procèdent des rectifications notifiées à l'issue de la vérification de comptabilité diligentée du 18 mai 2016 au 20 juillet 2016, ont été mis à leur charge au terme d'une procédure irrégulière.
4. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens de la requête, Mme C... et M. D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des impositions contestées.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Mme C... est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.
Article 2 : En tant qu'elles procèdent des rectifications résultant de la vérification de comptabilité diligentée du 18 mai 2016 au 20 juillet 2016, Mme C... et M. D... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes mises à leur charge au titre des années 2011 à 2014.
Article 3 : Le jugement n° 2015805, 2015806 du 12 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme C... et M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à M. B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- M. Marjanovic, président assesseur,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 juin 2024.
Le rapporteur,
V. MARJANOVICLa présidente,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA04161 2