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21/06/2024 | FRANCE | N°23PA01859

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 21 juin 2024, 23PA01859


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 février 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2304003/8 du 7 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a, par son article 1er, admis provisoirement M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, par son ar

ticle 2, prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction et p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 février 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2304003/8 du 7 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a, par son article 1er, admis provisoirement M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, par son article 2, prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction et par son article 4, rejeté ses conclusions tendant au versement d'une somme au bénéfice de Me Victor, son conseil, présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du10 juillet 1991 et subordonné le versement par l'Etat d'une somme de 1 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 précité à l'absence d'obtention par celui-ci de l'aide juridictionnelle à titre définitif.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 mai 2023, 24 octobre 2023 et

28 mai 2024, M. A..., représenté par Me Victor, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, s'agissant de la première instance, le versement à son conseil, Me Victor, de la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du

10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, s'agissant de la présente instance, la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du

10 juillet 1991 ou, à défaut d'admission à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- l'article 4 du jugement, en ce qu'il limite l'octroi des frais irrépétibles à la

non-obtention de l'aide juridictionnelle est un contournement de la règle prévue à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 selon laquelle la somme allouée au titre de ces frais, si elle est octroyée, ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50% ;

- la demande de frais irrépétibles de son conseil était justifiée par le travail réalisé et le temps passé concernant son affaire ;

- son conseil est fondé à demander l'allocation de la somme de 1 000 euros TTC en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991, sous réserve de renoncer à la somme de 604,80 euros TTC correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

- il s'est vu reconnaître la protection subsidiaire postérieurement à l'obligation de quitter le territoire français attaquée ;

- en lui délivrant une attestation de prolongation d'instruction de sa demande de titre de séjour, le préfet doit être regardé comme ayant implicitement abrogé la mesure d'éloignement, ainsi que l'impose l'article L. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet est donc la partie perdante dans la présente instance.

Par des mémoires en défense et un mémoire en appel incident, enregistrés le

18 octobre 2023 et le 28 mai 2024, le préfet de police demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement en tant qu'il prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par M. A... devant le tribunal administratif ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par M. A... dès lors que la délivrance d'une attestation de demande d'asile en procédure accélérée, dans le cadre d'une demande de réexamen d'une demande d'asile, n'a pas pour effet d'abroger l'obligation de quitter le territoire français prise antérieurement à cette délivrance, mais seulement d'en suspendre l'exécution ;

- l'Etat n'étant pas la partie perdante en première instance, il y a lieu d'annuler les frais mis à sa charge par l'article 4 du jugement ;

- les moyens de première instance de M. A... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées le 23 mai 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité du jugement à raison de ce que le magistrat désigné par le tribunal administratif de Paris a prononcé à tort le non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par M. A....

Des observations sur ce moyen d'ordre public ont été présentées par le préfet de police le 28 mai 2024.

Par une décision du 11 juin 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mantz, rapporteur,

- et les observations de Me Victor, représentant M. A....

Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le

10 juin 2024.

Des pièces ont été enregistrées pour le préfet de police le 11 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan né le 1er janvier 2001, est entré en France le

10 juin 2021 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 mai 2022, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 8 décembre 2022. Par un arrêté du 2 février 2023, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination. Saisi par M. A... d'une demande d'annulation de cet arrêté, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a, par un jugement du 7 avril 2023, après avoir admis provisoirement M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction, rejeté ses conclusions tendant au versement d'une somme au bénéfice de Me Victor, son conseil, présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et subordonné le versement par l'Etat d'une somme de 1 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 précité à l'absence d'obtention par ce dernier de l'aide juridictionnelle à titre définitif. M. A... relève appel de l'article 4 de ce jugement par lequel le magistrat désigné a rejeté ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de son conseil, Me Victor. Le préfet de police demande, outre le rejet de la requête, l'annulation, par la voie de l'appel incident, de l'article 2 du jugement par lequel le magistrat désigné a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les conclusions incidentes du préfet de police :

2. Aux termes de l'article L. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la qualité de réfugié ou d'apatride est reconnue ou le bénéfice de la protection subsidiaire accordé à un étranger ayant antérieurement fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative abroge cette décision. Elle délivre (...) au bénéficiaire de la protection subsidiaire la carte de séjour pluriannuelle prévue à l'article L. 424-9 (...) ".

3. En faisant valoir, d'une part, que, du fait qu'il a obtenu la protection subsidiaire, le préfet doit être regardé comme ayant abrogé l'obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, que le préfet est bien la partie perdante dans la présente instance, M. A... doit être regardé comme soutenant que les conclusions incidentes du préfet tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement sont devenues sans objet.

4. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre du réexamen de sa demande d'asile et postérieurement à la date de sa requête, M. A... a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire, ainsi qu'il est mentionné sur l'attestation de prolongation d'instruction de sa demande de titre de séjour que lui a délivré le préfet le 3 novembre 2023, valable à compter de cette date jusqu'au 2 mai 2024. Cette attestation de prolongation d'instruction a, implicitement mais nécessairement, abrogé l'arrêté du 2 février 2023 par lequel le préfet de police avait obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification de cet arrêté. Par suite, les conclusions incidentes du préfet de police tendant à l'annulation de cet article 2 du jugement et au rejet des conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Paris sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige de première instance :

5. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. / (...) ". Le premier paragraphe de l'article 75 de la même loi dispose que : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

6. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 avril 2023, antérieure à la date du jugement, son conseil pouvait se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a donc lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Victor, sous réserve qu'elle renonce à percevoir le bénéfice de la contribution étatique à l'aide juridictionnelle, de la somme de 1 000 euros TTC au titre des frais exposés en première instance et non compris dans les dépens.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant au versement d'une somme au bénéfice de Me Victor, son conseil, présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du10 juillet 1991.

Sur les frais de l'instance d'appel :

8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Victor de la somme de 1 000 euros. Conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, le recouvrement en tout ou partie de cette somme vaudra renonciation à percevoir, à due concurrence, la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 4 du jugement n° 2304003/8 du 7 avril 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions d'appel incident présentées par le préfet de police.

Article 3 : L'Etat versera à Me Victor, au titre de la première instance, la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : L'Etat versera à Me Victor, au titre de la présente instance, la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bruston, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2024.

Le rapporteur,

P. MANTZ La présidente,

S. BRUSTON

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA01859 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01859
Date de la décision : 21/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : VICTOR

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-21;23pa01859 ?
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