La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2024 | FRANCE | N°23PA04570

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 18 juin 2024, 23PA04570


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer le certificat de résidence algérien sollicité, dans le délai de deux mois à compter de la date de notificat

ion du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, outre des conc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer le certificat de résidence algérien sollicité, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2201781 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2023, et un mémoire complémentaire enregistré le 13 avril 2024, M. B..., représenté par Me Giordana, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 septembre 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 8 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne à titre principal de lui délivrer un certificat de résidence algérien de 10 ans, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation administrative, dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de droit, en ce que l'autorité préfectorale ne pouvait lui opposer, pour lui refuser le renouvellement de son certificat de résidence algérien valable dix ans, un motif tiré de l'existence d'une menace à l'ordre public, alors qu'il devait bénéficier d'un renouvellement automatique de son certificat, en application de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- il est entaché d'erreur d'appréciation, en ce que la menace à l'ordre public retenue à son encontre n'est pas caractérisée ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L 611-3 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il réside en France depuis l'âge de quatre ans ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement à dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- et les observations de Me Giordana pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 21 octobre 1981, est entré en France en 1984 selon ses déclarations. Il a bénéficié d'un certificat de résidence algérien valable du 21 octobre 1999 au 20 octobre 2009, dont il a obtenu le renouvellement pour la période du 21 octobre 2009 au 20 octobre 2019. Par un arrêté du 8 novembre 2021, le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 28 septembre 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour ;

2. En premier lieu, d'une part, aux termes du troisième alinéa de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le certificat de résidence valable dix ans est " renouvelé automatiquement ". Si l'accord franco-algérien régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour, dès lors que les ressortissants algériens se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. D'autre part, en application de l'article R. 311-2, devenu l'article R. 431-5, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la demande de renouvellement d'un titre de séjour doit être présentée à peine d'irrecevabilité dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration du précédent titre. Lorsque le préfet est saisi d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour après l'expiration du délai précité, cette demande doit être regardée comme tendant à la première délivrance d'un titre de séjour de même nature que le précédent.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence seulement le 7 août 2020, soit plus de neuf mois après la date d'expiration du certificat dont il était titulaire. Aussi et sans que puisse y faire obstacle la circonstance qu'il était alors incarcéré, sa demande doit être regardée comme tendant à une première délivrance de titre de séjour et non à un renouvellement. Le requérant ne peut, dès lors, utilement se prévaloir de l'automaticité du renouvellement de titre prévue par les stipulations précitées, ni de ce que celles-ci feraient obstacle à la prise en compte par l'autorité préfectorale de l'existence d'une menace à l'ordre public. L'intéressé n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur de droit et d'une méconnaissance des stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 .

5. En deuxième lieu, pour refuser à M. B... la délivrance d'un certificat de résidence, le préfet de Seine-et-Marne a estimé que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Si ce dernier se prévaut de la mesure d'aménagement de peine dont il a bénéficié, ainsi que des efforts de bonne conduite et de réinsertion qu'il a entrepris durant sa détention, il est constant, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que l'intéressé a fait l'objet de plusieurs condamnations entre 2000 et 2019, notamment pour des faits commis en récidive de refus d'obtempérer à une sommation d'arrêter son véhicule, ainsi que conduite de véhicule en ayant fait usage de stupéfiants, et pour des faits de recel de biens provenant d'un délit commis. Il a été, en particulier, condamné le 20 février 2019, à sept ans d'emprisonnement et 60 000 euros d'amende, pour des faits d'importation, transport, détention, acquisition, et offre ou cession de stupéfiants, ainsi que détention non autorisée d'arme, munition ou de leurs éléments de catégorie B, commis de septembre 2016 à décembre 2017. Eu égard au caractère répété et à la gravité des faits qui sont reprochés à l'intéressé, le préfet de Seine-et-Marne a pu légalement estimer que le comportement de M. B... constituait toujours une menace pour l'ordre public et refuser, pour ce motif, de lui délivrer un certificat de résidence alors même que celui-ci établit avoir résidé plus de dix ans sur le territoire français, où il est arrivé en 1984 à l'âge de trois ans et être marié à une ressortissante français et père d'un enfant français.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. En dépit de la durée de séjour du requérant et de ses attaches familiales en France où résident notamment son épouse ressortissante française et leur enfant, âgé de cinq ans à la date de l'arrêté attaqué, ainsi que plusieurs autres membres de sa famille également de nationalité française, eu égard à la menace pour l'ordre public qu'il représente, ainsi qu'il ressort du point 5, le préfet n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté et les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour rejetées.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. Aux termes de l'article L 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans ;".

9. M. B..., qui justifie de l'ensemble de sa scolarité depuis l'année 1993 et qui a été muni de titres de séjour depuis l'année 1999, établit ainsi qu'il réside en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans. Il est donc fondé à soutenir que les dispositions précitées faisaient obstacle à ce qu'il fasse l'objet d'une mesure portant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu, dès lors, d'annuler, pour ce motif, cette décision ainsi que par voie de conséquence celle portant fixation du pays de destination.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, le surplus de ses conclusions à fin d'annulation devant être rejeté.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

11. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance d'un certificat de résidence mais seulement que le préfet réexamine la situation administrative du requérant. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de procéder à ce réexamen dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire en l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1 : L'arrêté du 8 novembre 2021 du préfet de Seine-et-Marne est annulé en tant qu'il fait obligation à M. B... de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixe le pays de destination.

Article 2 : Le jugement n° 2201781 du 28 septembre 2023 du tribunal administratif de Melun est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne de réexaminer la situation administrative de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de Seine-et-Marne.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judicaire de Melun.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2024.

Le rapporteur,

D. PAGES

La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04570


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04570
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : GLK AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;23pa04570 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award