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24/05/2024 | FRANCE | N°22PA04952

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 24 mai 2024, 22PA04952


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Comet Sécurité Privée a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.



Par un jugement n° 1808287 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



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Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 novembre 2022 et 30 décembre 2023, la SARL Comet Sécurité Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Comet Sécurité Privée a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1808287 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 novembre 2022 et 30 décembre 2023, la SARL Comet Sécurité Privée, représentée par Me Mattei, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1808287 du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Melun ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de l'ensemble des amendes, majorations et pénalités fiscales appliquées, sur le fondement de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, celle de l'amende de 50% prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts et celle des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du même code ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché de dénaturation des faits, d'erreurs de droit, d'insuffisance de motivation et d'omission à statuer ;

- l'administration fiscale s'est livrée à une vérification de comptabilité innommée et a commis un détournement de procédure ;

- lors du premier contrôle effectué, l'administration fiscale a pris une position formelle qui lui est opposable ;

- l'administration fiscale, qui ne justifie pas que le plafond des recettes du régime simplifié d'imposition aurait été dépassé, n'était pas fondée à mettre en œuvre une procédure de taxation d'office ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;

- en ne l'informant pas de l'obtention de documents dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère complaisant des factures émises par la société SSIA ;

- la circonstance que la société aurait souscrit des déclarations fortement minorées auprès de l'URSSAF ne lui fait pas perdre le droit à déduction de la TVA grevant les factures correspondantes ;

- au titre des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, elle a droit à la décharge de l'ensemble des amendes, majorations et pénalités mises à sa charge ;

- les faits qui lui sont reprochés n'entrent pas dans les prévisions du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts ;

- elle a droit à la remise des intérêts de retard, en application de l'article 1756 du code général des impôts.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 avril 2023 et 22 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Comet Sécurité Privée ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marjanovic,

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Comet Sécurité Privée, qui exerce une activité de sécurité et de gardiennage, a fait l'objet, courant 2015, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle elle a été informée, selon la procédure de taxation d'office, de rectifications opérées en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de l'application de l'amende pour factures de complaisance prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts, de la majoration de 40% pour manquement délibéré et des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du même code. Elle relève régulièrement appel du jugement n° 1808287 du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de TVA et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés à l'issue de ce contrôle.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre les impositions contestées dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La SARL Comet Sécurité Privée ne peut donc utilement soutenir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, que le tribunal aurait entaché sa décision d'erreurs de droit et de dénaturation des pièces et des faits qui lui était soumis.

3. En second lieu, le jugement attaqué, à ses points 11, 13, 14 et 17, énonce, avec une précision suffisante, les considérations de droit et de fait sur lesquelles le tribunal s'est fondé pour écarter respectivement les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification du 17 novembre 2015, de ce que l'administration ne démontrerait pas qu'elle ne pouvait ignorer le caractère de complaisance des factures établies par la société SSIA et de l'existence d'une prise de position formelle opposable à l'administration. Par suite, la société Comet Sécurité Privée n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé sur ces points.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période (...) ". Aux termes de l'article L. 80 F du même livre : " Pour rechercher les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée en application du code général des impôts (...), les agents des impôts ayant au moins le grade de contrôleur peuvent se faire présenter les factures, la comptabilité matière ainsi que les livres, les registres et les documents professionnels pouvant se rapporter à des opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation et procéder à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation (...). L'enquête définie au présent article ne relève pas des procédures de contrôle de l'impôt prévues aux articles L. 10 à L. 47 A (...) ". Aux termes de l'article L. 80 H de ce livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " A l'issue de l'enquête prévue à l'article L. 80 F, les agents de l'administration établissent un procès-verbal consignant les manquements constatés ou l'absence de tels manquements (...). Les constatations du procès-verbal ne peuvent être opposées à cet assujetti ainsi qu'aux tiers concernés par la facturation que dans le cadre des procédures de contrôle mentionnées à l'article L. 47 au regard des impositions de toute nature et de la procédure d'enquête prévue à l'article L. 80 F (...) ".

5. La SARL Comet Sécurité Privée, qui a fait l'objet du 4 février au 4 mars 2015, sur le fondement des dispositions des articles L. 80 F et L. 80 H du livre des procédures fiscales, d'une enquête portant sur les années 2013 et 2014 et concernant d'éventuels manquements aux règles de facturation, soutient que les investigations auxquelles s'est livrée l'administration à cette occasion ont constitué par leur durée, leur nombre, leur étendue, leur nature et leur objet une vérification de comptabilité innommée. Toutefois, il ne résulte aucunement de l'instruction, et notamment pas du procès-verbal de clôture d'enquête établi le 4 mars 2015, que, même si elle a eu accès aux relevés bancaires, aux factures et aux grands livres comptables de la société concernée, l'administration fiscale aurait procédé, au cours de cette enquête, à un examen critique de la sincérité des déclarations fiscales souscrites au regard des écritures comptables ou des pièces justificatives correspondantes. Par suite, la SARL Comet Sécurité Privée n'est pas fondée à soutenir que la vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 dont elle a fait l'objet du 26 mai au 21 octobre 2015 a été diligentée en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que l'enquête diligentée du 4 février au 4 mars 2015 serait constitutive d'un détournement de procédure doit également être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) /3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ". Aux termes de l'article 302 septies A du code général des impôts, alors en vigueur : " I. Il est institué par décret en Conseil d'Etat un régime simplifié de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires dues par les personnes dont le chiffre d'affaires, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année civile, n'excède pas 777 000 €, s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou 234 000 €, s'il s'agit d'autres entreprises. Ces limites s'apprécient en faisant abstraction de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes assimilées (...) ".

7. La SARL Comet Sécurité Privée ne conteste pas avoir déposé, les 6 mai 2013 et 3 mai 2014, des déclarations annuelles CA 12 de TVA mentionnant respectivement, au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2012 et du 1er janvier au 31 décembre 2013, des montants de chiffres d'affaires hors taxes de 306 057 euros et 590 000 euros, excédant, dans les deux cas, le seuil de 234 000 euros prévu à l'article 302 septies A précité du code général des impôts. Relevant en conséquence du régime réel normal d'imposition, elle était tenue, en vertu du 2 de l'article 287 du même code, de remettre au service des impôts dont elle dépend les déclarations mensuelles de TVA. En l'absence de remise de ces déclarations pour les périodes en cause, le service a fait application de la procédure de taxation d'office prévue au 3° de l'article L. 66 précité du livre des procédures fiscales.

8. Il résulte de ce qui est dit au point 5 du présent arrêt que la SARL Comet Sécurité Privée ne peut sérieusement soutenir, pour contester la mise en œuvre de cette procédure, que " dans le cadre de la première vérification de comptabilité (innommée) qui s'est achevée le 4 mars 2015 ", l'administration fiscale n'aurait " pas remis en cause le dépassement du seuil d'imposition du régime simplifié de TVA ".

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ".

10. La proposition de rectification du 17 novembre 2015 rappelle, en page 3, qu'en vertu " des dispositions des articles L 8222-1, L 8221-3, L 8221-5 et D 8222-5 du code du travail (...) pour toute prestation, le donneur d'ordre doit s'assurer que son cocontractant n'exerce pas de travail dissimulé par dissimulation de salarié ou par l'exercice d'une activité occulte. Le donneur d'ordre doit donc vérifier que son prestataire est inscrit au registre du commerce ou registre professionnel, qu'il est connu des services des impôts, qu'il a souscrit ses déclarations fiscales et sociales et que ses salariés sont régulièrement déclarés " et indique, en page 8, que la société requérante " n'a pas, comme le prévoit l'article L 8222-1 du code du travail formellement vérifié la situation professionnelle et administrative de la SASU SSIA en lui réclamant les documents prévus par les articles L 8221-3, L 8221-5 et D 8222-5 et suivants du code du travail ", alors que " ces vérifications lui auraient pourtant permis de constater que la société sous-traitante souscrivait des déclarations fortement minorées auprès de l'URSSAF " et qu' " au surplus, l'analyse du service a démontré que la société SSIA déclarait des effectifs salariés sans rapport avec le montant des prestations facturées ". Ces motifs de fait et de droit étaient suffisamment pour permettre à la contribuable de faire valoir utilement ses observations. Dès lors, et sans que la SARL Comet Sécurité Privée puisse utilement observer que le décret n° 2011-1601 du 21 novembre 2011 a retiré, à compter du

1er janvier 2012, de la liste des documents devant être réclamés par le donneur d'ordre

l' " attestation sur l'honneur du cocontractant du dépôt auprès de l'administration fiscale, à la date de l'attestation, de l'ensemble des déclarations fiscales obligatoires ", le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit être écarté.

11. En quatrième lieu, et d'une part, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-199/11 Europese Gemeenschap c/ Otis NV et autres du 6 novembre 2012, que le principe de protection juridictionnelle effective figurant à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est constitué de divers éléments, lesquels comprennent, notamment, les droits de la défense, le principe d'égalité des armes, le droit d'accès aux tribunaux ainsi que le droit de se faire conseiller, défendre et représenter. S'agissant du respect des droits de la défense invoqués dans un litige fiscal portant sur une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt C-189/18 Glencore Agriculture Hungary du 16 octobre 2019, que ce principe a pour corollaire le droit d'accès au dossier au cours de la procédure administrative et qu'une violation du droit d'accès au dossier commise lors de la procédure administrative n'est pas, en principe, régularisée du simple fait que l'accès au dossier a été rendu possible au cours de la procédure juridictionnelle concernant un éventuel recours visant à l'annulation de la décision contestée. La Cour de justice a également jugé dans ce même arrêt que, dans un tel litige de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, le respect des droits de la défense n'impose pas à l'administration fiscale une obligation générale de fournir un accès intégral au dossier dont elle dispose, mais exige que l'assujetti ait la possibilité de se voir communiquer, à sa demande, les informations et les documents se trouvant dans le dossier administratif et pris en considération par cette administration en vue d'adopter sa décision, lesquels incluent en principe non seulement l'ensemble des éléments du dossier sur lesquels l'administration fiscale entend fonder sa décision mais aussi ceux qui, sans fonder directement sa décision, peuvent être utiles à l'exercice des droits de la défense. Au nombre de ces derniers figurent en particulier les éléments que cette administration a pu rassembler et qui seraient susceptibles de faire douter de la participation du contribuable, en connaissance de cause, à des opérations impliquées dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée mais qu'elle a regardés comme non probants.

12. D'autre part, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration.

13. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les éléments recueillis par l'administration fiscale les 8 septembre et 19 novembre 2015 auprès de l'établissement bancaire détenant le compte de la SARL Comet Sécurité Privée ont été communiqués à la contribuable avec la réponse de l'administration à ses observations, par courrier du 15 janvier 2016. Si la requérante soutient qu'elle n'a en revanche pas eu communication des éléments que l'administration a demandés le 19 janvier 2016 au même établissement, il résulte de l'instruction que les impositions en litige n'ont pas été établies sur le fondement de ces éléments, qui n'ont été transmis à l'administration fiscale que postérieurement à l'établissement de la proposition de rectification du 17 novembre 2015. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B précité, et, en conséquence, du principe des droits de la défense, ainsi, et en tout état de cause, que celui tiré de la violation de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

14. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui n'est pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée. Dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et se présente comme tel à ses clients, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y est mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l'ignorer. Si l'administration apporte des éléments suffisants en ce sens, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur cette opération, sans qu'il ne puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.

15. Il résulte de l'instruction que la SARL Comet Sécurité Privée a comptabilisé à hauteur de 71 520,80 euros TTC, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, et de 559 428,51 euros TTC, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, des factures de sous-traitance établies par la société SSIA. Pour remettre en cause la déduction de la TVA grevant ces prestations facturées, l'administration fiscale a notamment relevé qu'en cours de contrôle, la SARL Comet Sécurité Privée n'avait pas été en mesure de fournir les plannings d'intervention de ses prestation de gardiennage mentionnant l'identité des personnes assurant les prestations et qu'elle avait produit une attestation URSSAF de son sous-traitant faisant état, pour le 1er trimestre 2013, d'un effectif de 7 salariés pour une masse salariale de 3 927 euros et des factures mentionnant une prestation de " service incendie et d'accueil " pour un " prix forfaitaire " variant tous les mois, sans aucun détail quant aux prestations réalisées. Le service a également noté que la société sous-traitante, créée le 26 novembre 2012, avait été radiée du registre du commerce dès le 26 mars 2014.

16. L'administration apporte ainsi des éléments suffisants permettant d'établir que les factures émises par la société SSIA pour la réalisation de prestations dont la réalité n'est pas contestée constituaient des factures de complaisance, la SARL Comet Sécurité Privée ne pouvant ignorer, sans avoir à procéder à des vérifications qui ne lui incombent pas, compte tenu des obligations à sa charge résultant de la législation du travail, que cette société ne pouvait exécuter les prestations confiées. Il appartient ainsi à la SARL Comet Sécurité Privée d'apporter toutes justifications utiles en sens contraire. Or, pas plus en appel qu'en première instance, la société requérante n'apporte d'éléments en ce sens, en se bornant notamment à soutenir que les éléments mis en avant par le service n'établissent ni le caractère de complaisance des factures en cause, ni l'existence d'éléments intentionnels démontrant qu'elle le savait ou ne pouvait l'ignorer. En outre, si le procès-verbal précité de clôture d'enquête établi le 4 mars 2015 indique que les éléments recueillis au cours de l'enquête n'ont pas permis de constater des manquements aux règles de la facturation, ce constat, qui ne saurait par lui-même constituer une prise de position formelle de l'administration fiscale quant à la déductibilité de la TVA figurant sur les factures établies par la société SSIA, est sans incidence sur l'appréciation du bien-fondé des rappels contestés.

Sur les pénalités :

17. En premier lieu, aux termes du 1er alinéa de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard ".

18. Si la SARL Comet Sécurité Privée soutient que l'ensemble des majorations et amende dont elle a fait l'objet doivent être déchargées en application des dispositions précitées, il résulte de ce qui précède qu'elle n'établit, en tout état de cause, pas qu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition.

19. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration peut infliger l'amende ainsi prévue à la charge de la personne qui a délivré la facture ou à la charge de la personne destinataire de la facture si elle établit que la personne concernée a soit travesti ou dissimulé l'identité, l'adresse ou les éléments d'identification de son client ou de son fournisseur, soit accepté l'utilisation, en toute connaissance de cause, d'une identité fictive ou d'un prête-nom.

20. Pour les motifs énoncés aux points 15 et 16 du présent arrêt, l'administration apportant la preuve de l'existence de factures de complaisance, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'amende mise à sa charge serait injustifiée en l'absence de factures de complaisance.

21. En troisième lieu, aux termes de l'article 1756 du code général des impôts : " I. En cas de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires, les frais de poursuite et les pénalités fiscales encourues en matière (...) de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées (...) dus à la date du jugement d'ouverture, sont remis, à l'exception des majorations prévues aux b et c du 1 de l'article 1728 et aux articles 1729 et 1732 et des amendes mentionnées aux articles 1737 et 1740 A (...) ".

22. Dans son mémoire produit le 30 décembre 2023, la SARL Comet Sécurité Privée fait valoir qu'ayant été placée en liquidation judiciaire depuis le 22 mars 2023, elle est en droit, en vertu des dispositions de l'article 1756 du code général des impôts rappelées au point précédent, d'obtenir la décharge des intérêts de retard ont été en assortis les rappels de TVA en litige.

23. Il résulte de l'instruction que la SARL Comet Sécurité Privée a fait l'objet d'un jugement d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire en date du 22 mars 2023 publié au BODACC A du 7 avril 2023. Il s'ensuit qu'en application des dispositions précitées de l'article 1756 du code général des impôts, les intérêts de retard ont été assortis les rappels de TVA en litige doivent être remis au bénéfice de la société en liquidation judiciaire. Il suit de là que la SARL Comet Sécurité Privée est fondée à solliciter la décharge de ces intérêts.

24. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, qu'il y a seulement lieu de prononcer la décharge des intérêts de retard dont ont été assortis les rappels de TVA en litige et, pour le surplus, de rejeter les conclusions à fin de décharge présentées par la SARL Comet Sécurité Privée.

Sur les frais liés au litige :

25. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la SARL Comet Sécurité Privée présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La SARL Comet Sécurité Privée est déchargée des intérêts de retard dont ont été assortis les rappels de TVA qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.

Article 2 : Le jugement n° 1808287 du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SARL Comet Sécurité Privée est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Comet Sécurité Privée et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 24 mai 2024.

Le rapporteur,

V. MARJANOVICLa présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA04952 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04952
Date de la décision : 24/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Vladan MARJANOVIC
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : SELARL CABINET MATTEI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-24;22pa04952 ?
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